Cinq questions à Jean-Louis Chevalier, éleveur de lapins à Beaupréau

Converti à la Nouvelle Agriculture, Jean-Louis Chevalier espère réconcilier le consommateur avec le lapin, un met parfois déprécié, en l’assurant d’une chair savoureuse et saine, issue d’une agriculture raisonnée !

Rédigé par Brigitte Valotto, le 16 Dec 2017, à 12 h 15 min
Cinq questions à Jean-Louis Chevalier, éleveur de lapins à Beaupréau
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Les scandales liés à l’élevage industriel incitent de plus en plus les consommateurs à se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement, respectueuses du bien-être animal. Comme la Nouvelle agriculture, que pratique Jean-Louis Chevalier avec son élevage de lapins.

Nouvelle agriculture : témoignage d’un éleveur de lapins dans le Maine-et-Loire

ConsoGlobe.com a tenu à lui poser quelques questions sur ses méthodes d’élevage, la différence avec le bio et l’intérêt pour le consommateur et l’animal.

consoGlobe.com – Comment se compose votre élevage ?

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Jean-Louis Chevalier

Jean-Louis Chevalier : nous avons 450 nids, c’est-à-dire environ 500 femelles. Elles sont inséminées afin d’effectuer une sélection génétique et d’avoir moins de maladies… Donc moins de médicaments à donner ! Elles mettent bas tous les deux mois. Nous préparons un nid de copeaux, auquel la femelle mélangera ses poils pour en faire un petit cocon douillet.

Nous avons environ 3.500 petits lapereaux qui restent avec leur mère dans un petit parc pendant un mois et une semaine environ. La mère est ensuite déplacée dans l’autre bâtiment pour mettre bas à nouveau. On ne déplace jamais les petits, pour ne pas les stresser : seule la maman change de cage. Les petits devenus autonomes sont élevés en fratries pendant un mois et demi.

Après le départ des petits, le bâtiment est nettoyé, désinfecté, et on y remet les mères pour les laisser remettre bas. Les lapines sont inséminées onze jours après la mise bas, même si dans la nature, elles peuvent être fécondées à nouveau dès le jour de la mise bas.

En effet, les lapines n’ont pas de cycle d’ovulation, contrairement à la plupart des autres animaux. Cela explique qu’elles soient aussi fécondes, ce qui répond à un taux de mortalité très élevé, de 80 % environ dans la nature : le lapin est un animal fragile, qui craint beaucoup l’humidité et contracte souvent des maladies respiratoires. On a réussi à améliorer très nettement ce problème. Notre élevage est couplé à un laboratoire de recherches sur les maladies génétiques qui a permis beaucoup de progrès dans la sélection et la prévention.

consoGlobe.com – La Nouvelle Agriculture… c’est quoi ?

Jean-Louis Chevalier : cette méthode de production (tant d’animaux que de végétaux) se veut plus respectueuse des ressources naturelles, et en matière d’élevage, de bien-être des animaux. Elle se concrétise par des critères stricts à respecter, tant en matière d’alimentation qu’au niveau de l’environnement et des conditions de vie. Il s’agit de produire mieux pour manger mieux.

Pour obtenir le label, les agriculteurs et éleveurs se regroupent en coopératives sous la houlette du groupe Terrena. Ils s’engagent à limiter leurs impacts sur l’environnement, à préférer les alternatives naturelles aux produits chimiques, à favoriser les innovations.

En matière d’élevage, la démarche rassemble déjà une quarantaine de producteurs de lapins, mais aussi de porcs et de poulets. Les lapins sont nourris selon le cahier des charges Bleu Blanc Coeur, avec des céréales, de la luzerne, du son de blé, des graines de lin, provenant exclusivement de l’agriculture raisonnée, garantis sans OGM, enrichis aussi en Oméga-3 et 6.

Les animaux sont soignés sans antibiotiques, élevés dans des bâtiments refroidis l’été, chauffés l’hiver. Des contrôles réguliers, effectués par un organisme indépendant mandaté par Terrena, permettent de valider le respect de ce cahier des charges.

élevage lapins

© Daryna Andriianova

consoGlobe.com – Quelles différences avec le bio ?

Jean-Louis Chevalier : en matière d’élevage, les critères du bio imposent un animal élevé au sol, sur de la paille. Mais il est très difficile d’élever des lapins ainsi : il a été démontré qu’ils ont beaucoup moins de maladies quand ils sont élevés sur caillebotis qu’en clapiers sur de la paille, comme autrefois.

De même, l’élevage de « plein air » est très difficile : dans la nature, le lapin aime être dans un abri et évite le contact du sol. Il adore, par exemple, s’installer sur un tas de bûches, où il retourne se percher dès qu’il a trouvé sa nourriture. Pour qu’il puisse se promener dehors, il faut une très grande zone couverte. On a fait des essais dans le groupement, mais il y a une très grande mortalité dès qu’on les laisse sortir. Il est donc quasi impossible de produire du lapin estampillé bio, pour l’instant. Mais nous allons presque aussi loin que le bio en ce qui concerne l’alimentation, et plus loin en ce qui concerne le bien-être animal.

Découvrez les chiffres de la production de lapins en France sur le Planetoscope

Les critères du bio concernent avant tout l’alimentation, les nôtres sont plus larges. Nous disposons par exemple d’une appli qui permet de connaître en un coup d’oeil, en entrant dans leur bâtiment, le degré de confort des lapins : selon la façon dont ils se tiennent et se comportent, l’appli analyse s’ils sont bien installés, ont trop chaud, trop froid, et on peut agir instantanément.

Notre plan de progrès vise, sous un délai de cinq ans, à améliorer les pratiques en élevage, principalement au regard du bien-être animal. Demain, notre démarche évoluera peut-être encore vers des nouvelles pratiques. Pourquoi ne pas imaginer, par exemple, des bâtiments intégrant plus de lumière naturelle ou des espaces « ludiques » pour que les lapins puissent s’amuser ?

Lire aussi : Des éleveurs creusois veulent construire un abattoir respectueux du bien-être animal

consoGlobe.com – Comment vous êtes-vous converti à cette nouvelle méthode ?

Jean-Louis Chevalier : j’ai cherché un « moyen terme » entre l’élevage conventionnel et le bio. J’ai commencé par une démarche de « démédicalisation » , en remplaçant les antibiotiques par des huiles essentielles, en prévention… Puis, j’ai cherché à améliorer les conditions d’élevage de mes lapins.

Avec une trentaine d’éleveurs de lapins du Centre Ouest de la France (Terrena Productions Lapins) on s’est regroupés en coopérative. Nous nous sommes notamment engagés à remplacer progressivement les cages par un élevage en parcs, spécifiquement développé par notre coopérative pour tenir compte du bien-être animal, et nous avons reçu pour cela une mention d’honneur du CIWF (Compassion in World Farming) lors de la cérémonie des Lapins d’Or. Lorsque les lapins sont heureux, ça se reconnaît : ils sont nettement plus résistants, moins dépendants aux médicaments.

C’est cette nouvelle manière de pratiquer l’élevage, en anticipant, qui m’intéressait le plus dans la Nouvelle Agriculture. C’est un challenge motivant. Le programme Nouvelle Agriculture devrait permettre d’arriver, demain, à se passer totalement de médicaments dans l’élevage, comme il permettra de se passer de pesticides dans l’agriculture : on agit en amont, non pas par la force ou la contrainte mais par l’éducation, l’incitation. C’est plus valorisant pour tout le monde… et ça va beaucoup plus vite ! On fait participer tous les acteurs à la démarche. On bénéficie d’outils de formation, de systèmes d’accompagnement.

lapins élevage

© Kuttelvaserova Stuchelova

consoGlobe.com : La Nouvelle Agriculture c’est donc mieux pour l’animal, mieux pour le consommateur… et pour le producteur, quel est l’intérêt ?

Jean-Louis Chevalier : C’est d’abord de faire mieux connaître le produit, d’être mieux valorisé par cette démarche : car le lapin ne fait pas partie de ce qu’on met spontanément sur la liste de courses, comme le poulet par exemple. La Nouvelle Agriculture permet de faire redécouvrir cette viande par le biais d’une production locale respectueuse, en proposant des animaux nourris le plus sainement possible, dans un environnement le plus sain possible.

Améliorer les pratiques d’élevage, c’est améliorer le bien-être animal… mais cela contribue aussi à préserver la santé des gens. Et cela participe aussi à manger mieux : au final, nos lapins ont une meilleure tenue dans l’assiette… La viande est moins sèche, moins fibreuse, plus agréable en bouche. Je veux produire un produit que j’aime manger, et ne pas avoir peur de montrer comment je travaille !

Illustration bannière : Lapin en plein air – © Cora Mueller
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Journaliste free-lance, Brigitte Valotto est notamment une collaboratrice régulière des pages enfants, société, pratique, tourisme et actu de...

1 commentaire Donnez votre avis
  1. Voilà un éleveur qui désire nous inciter à manger du lapin…
    Admettons. Mais l’article manque de détails concrets et précis:
    taille des cages (les « parcs »…) ou ratio espace/lapin.
    Durée de vie des mères, compte tenu de la fréquence d’insémination.
    Maintien des caillebottis alors qu’il a été remarqué que c’est contraire au confort de l’animal, mais pratique pour l’entretien!
    Bref, Monsieur, de la poudre aux yeux. Je ne retiens que la diminution des antibiotiques, mais il m’en faudrait plus pour arriver à avaler une bouchée de vos lapins. Je remarque que ceux qui illustre votre interview ne sont pas les vôtres, car en liberté, sur de l’herbe ou perchés sur une bûche…
    Ne vous étonnez pas si la consommation de viande baisse drastiquement.

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