Étiquetage du vin : quand la transparence se perd dans un QR code
Depuis décembre 2023, les bouteilles de vin doivent afficher leurs ingrédients et leurs données nutritionnelles, mais qu’en est-il vraiment ?

Si cette réforme visait une transparence totale, les premiers bilans montrent une réalité contrastée : informations souvent cachées derrière des QR codes, anomalies techniques et complexité d’accès pour le consommateur.
Étiquetage du vin : 20 % des QR codes ne fonctionnent pas
Le vin, produit emblématique de la gastronomie française, est désormais soumis à des obligations strictes en matière d’étiquetage. Depuis l’entrée en vigueur du règlement européen 2021/2117, le 8 décembre 2023, les producteurs doivent mentionner les ingrédients utilisés et les valeurs nutritionnelles de leurs bouteilles. Un an après, l’association de consommateurs CLCV a évalué la mise en application de ces règles et livre un constat nuancé. Derrière la conformité affichée, des zones d’ombre persistent, soulevant des interrogations sur la réelle transparence offerte aux consommateurs.
L’un des points marquants de cette réforme est le recours massif au numérique. Selon la CLCV, 90 % des vins mis sur le marché en 2024 utilisent un QR code pour donner accès à la liste des ingrédients et aux données nutritionnelles. Si l’objectif initial est de libérer de l’espace sur l’étiquette et de rendre l’information accessible dans plusieurs langues, l’expérience utilisateur n’est pas toujours au rendez-vous. Ainsi, environ 20 % des codes testés renvoient à des pages d’erreur, à des contenus incomplets ou à des sites au fonctionnement instable. Le consommateur se retrouve alors démuni, sans possibilité immédiate de connaître la composition exacte de son vin.
Cette dépendance au QR code n’est pas anodine. Elle suppose non seulement de disposer d’un smartphone, mais aussi d’un accès Internet correct. Dans des contextes de réception limitée ou pour les personnes peu à l’aise avec le numérique, l’information reste hors de portée. L’étiquetage physique, limité au degré d’alcool, à la valeur énergétique et aux allergènes, lui, apparaît insuffisant à lui seul. Comme le rappelle CLCV, la communication dématérialisée ne peut être efficace que si elle garantit une accessibilité et une fiabilité sans faille. Or, pour l’instant, cet idéal est loin d’être atteint.
Vin : une présence quasi systématique d’additifs
L’enquête apporte également un éclairage inédit sur la composition des vins analysés. Dans 96 % des cas, au moins un additif est recensé, avec une moyenne de 3,5 substances par bouteille. Cette présence massive, bien qu’autorisée par la réglementation européenne, questionne la perception que les consommateurs ont du vin. Produit de tradition et de terroir, il est souvent considéré comme naturel. Or, la réalité industrielle révèle un usage fréquent de conservateurs, de régulateurs d’acidité ou de stabilisants.
Les différences entre les catégories de production sont également significatives. Les vins biologiques contiennent en moyenne deux fois moins d’additifs que les vins conventionnels. Cet écart conforte l’image d’un vin bio plus respectueux des pratiques naturelles et plus proche des attentes des consommateurs soucieux de limiter leur exposition aux substances ajoutées. Toutefois, ces informations ne sont pas toujours simples à consulter. Elles sont le plus souvent reléguées dans un espace numérique, renforçant le sentiment que l’étiquetage cache autant qu’il dévoile.
Ce constat renvoie à une problématique plus large. Si les additifs sont déclarés conformes aux normes de sécurité alimentaire, leur omniprésence nourrit une inquiétude croissante sur l’authenticité du vin. L’étiquetage, censé instaurer la confiance, révèle plutôt une tension entre image culturelle et réalité technique.
Lire aussi – Les additifs alimentaires à éviter : la fiche pratique pour tout savoir
Les calories, un indicateur encore mal valorisé
L’autre élément clé de la réforme concerne la valeur énergétique. La réglementation impose que cette donnée figure physiquement sur la bouteille, exprimée en kilojoules et kilocalories pour 100 millilitres. Les relevés effectués par CLCV indiquent que les valeurs oscillent entre 53 et 90 kilocalories, selon le type de vin, son degré d’alcool et sa teneur en sucre. Un verre standard de 150 millilitres représente donc entre 80 et 135 kilocalories, ce qui n’est pas négligeable dans le cadre d’une alimentation équilibrée.
Pourtant, si cette information est bien inscrite, elle reste isolée et parfois noyée parmi d’autres mentions réglementaires. Elle ne bénéficie pas d’un affichage simplifié, comme c’est le cas pour de nombreux produits alimentaires dotés du Nutri-Score. Ici, le consommateur doit lui-même interpréter la valeur énergétique et en tirer des conclusions. L’absence d’un dispositif de comparaison visuelle entre les différentes catégories de vin limite la portée de cette mesure.
La situation est d’autant plus paradoxale que la consommation de vin en France reste élevée et que les préoccupations liées à la nutrition prennent de l’importance. La réforme européenne a voulu concilier tradition et transparence, mais elle laisse encore au consommateur la charge de décoder des informations fragmentées. Le vin est donc un produit à double visage : juridiquement conforme, mais encore loin d’offrir une transparence simple et universelle.
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