Viande rouge ou viande blanche : les dessous d’un duel nutritionnel qui divise

Elle occupe le coeur de nos assiettes et alimente des débats de société à n’en plus finir. Mais lorsqu’il s’agit de santé, la viande rouge comme la viande blanche voient leurs réputations s’écharper. Et si la vérité ne se trouvait pas dans la couleur, mais dans la coupe ?

Rédigé par , le 11 May 2025, à 9 h 21 min
Viande rouge ou viande blanche : les dessous d’un duel nutritionnel qui divise
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Quelle viande est la meilleure pour la santé ? La question n’a rien d’anecdotique, à l’heure où les pathologies chroniques explosent, où les recommandations nutritionnelles se durcissent, et où chaque bouchée semble devoir se justifier. Car derrière les étiquettes simplistes se cachent des vérités plus nuancées, et parfois dérangeantes.

Viande et santé : des bénéfices communs… aux effets très inégaux

Peu importe leur teinte, les viandes offrent une densité nutritionnelle difficilement égalée. Rouge ou blanche, elles sont toutes deux riches en protéines de haute qualité, en vitamines B, en zinc et en sélénium. Dans les deux cas, une portion de 100 grammes cuite contient environ 26 à 28 grammes de protéines essentielles à la construction cellulaire.

Mais c’est justement à ce niveau que les chemins commencent à diverger. La viande rouge affiche une supériorité sur certains micronutriments. Elle fournit 2,84 mg de fer héminique pour 100 g, contre seulement 0,84 mg pour la viande blanche. Ce type de fer, bien absorbé par l’organisme, est crucial pour prévenir l’anémie, en particulier chez les femmes en âge de procréer.

Autre avantage de taille : la viande rouge est la championne de la vitamine B12, indispensable à la formation des globules rouges, à la synthèse de l’ADN et au bon fonctionnement du système nerveux. Son déficit, souvent ignoré, peut entraîner fatigue chronique, irritabilité, essoufflement, voire troubles neurologiques. Alors, pourquoi tant de méfiance envers elle ?

Quand le gras s’en mêle : la vraie fracture entre viande rouge et viande blanche

Le clivage ne tient pas qu’aux vitamines. Il se joue surtout sur le terrain lipidique. De manière générale, la viande rouge contient plus de lipides totaux, et surtout d’acides gras saturés, que la viande blanche. Mais cette moyenne cache une réalité plus complexe : ce sont les morceaux choisis qui déterminent l’impact nutritionnel.

D’un côté, le poulet sans peau, le filet de veau, le rumsteck : autant de viandes maigres. De l’autre, l’agneau, le porc gras, l’oie ou encore le canard avec la peau : des bombes lipidiques, quelle que soit leur couleur. Les acides gras saturés, en excès, favorisent le développement de maladies cardiovasculaires, de diabète de type 2, et de certains cancers. Selon une synthèse de l’Observatoire de la prévention, une consommation quotidienne de 120 g de viande rouge est associée à une augmentation de 11 à 13 % du risque d’AVC.

Là où la viande blanche tire son épingle du jeu, c’est par son profil lipidique plus léger, sa digestibilité et son association plus faible aux pathologies chroniques. C’est d’ailleurs pourquoi les lignes directrices de la Santé publique France (document de 2023) encouragent à privilégier deux portions de volaille par semaine, tout en limitant la viande rouge à 500 g hebdomadaires maximum.

Cancer, coeur, diabète : quels sont les risques liés à la viande ?

Le jugement le plus sévère sur la viande rouge ne vient pas de l’opinion publique, mais de l’Organisation mondiale de la santé. Depuis son rapport du 26 octobre 2015, la viande rouge est classée « probablement cancérogène » pour l’homme, et la viande transformée « cancérogène avérée ». La consommation quotidienne de 50 grammes de viande transformée (bacon, charcuterie) augmente le risque de cancer colorectal de 18 %.

Lire aussi –  Le lien entre viande rouge et cancer colorectal clairement établi

Des résultats confirmés par de nombreuses études, dont une étude de 2024 qui établit un lien entre excès de viande rouge et démence. D’autres études nuancent cependant les conclusions : les risques semblent liés aux excès, aux modes de cuisson agressifs (barbecue, grill), et aux produits transformés, bien plus qu’à la viande brute elle-même.

De son côté, la viande blanche est rarement incriminée dans ces pathologies. Une étude publiée en février 2023 montre même une association inverse entre consommation de volaille et mortalité cardiovasculaire.

Trop de viande ? Ou trop de mauvaise viande ?

Accuser la viande rouge en bloc est commode. Mais comme souvent, le problème n’est pas l’aliment, c’est l’abus, la fréquence, la qualité. Ce n’est pas le boeuf maigre bio, poché à basse température, qui vous mettra en danger. C’est le burger industriel, la barquette de lasagnes douteuses ou le barbecue hebdomadaire.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) souligne d’ailleurs que la transformation — salaison, fumage, ajout de nitrites — multiplie les risques cancérigènes. Et c’est là que la frontière entre viande rouge et viande blanche devient secondaire : un cordon bleu industriel n’est pas plus vertueux qu’une côte de porc.

Les recommandations de l’American Heart Association (2021) vont dans le même sens : favoriser les protéines végétales, le poisson, et réserver la viande — rouge ou blanche — à des occasions limitées et bien choisies.

Inutile donc de chercher à sacraliser l’une ou diaboliser l’autre. Le vrai critère de choix n’est pas la couleur, mais la modération, la qualité, le morceau, le mode de cuisson. Dans un monde où l’alimentation devient un enjeu de longévité autant que de culture, il est urgent de reposer la fourchette… et de poser les bonnes questions. Car à la fin, ce n’est ni le boeuf ni le poulet qui nous rendra malades, mais l’excès, la négligence, ou l’ignorance.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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