L’aquaponie : une alternative à l’agriculture conventionnelle ?

Forme d’agriculture innovante qui combine un élevage de poissons à la production de fruits et légumes, l’aquaponie émerge en Europe avec des projets ambitieux, de Berlin à l’Ardèche. Après l’industrie, c’est au tour de l’agriculture de faire son entrée dans l’économie circulaire !

Rédigé par Emmanuelle Bertrand, le 7 Mar 2016, à 13 h 45 min
L’aquaponie : une alternative à l’agriculture conventionnelle ?
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70 % de l’eau douce dans le monde sert à l’agriculture, la transformation des aliments, le transport et la chaîne du froid. Ces activités sont responsables de 17 et 35 % des émissions de GES. 85 % des océans sont victimes de surpêche. Une solution commence à se dessiner : l’aquaponie.

L’aquaponie ou la combinaison d’aquaculture et hydroponie

Si à l’oreille, l’aquaponie pourrait nous faire penser à l’une des nouvelles pratiques sportives en piscine, il n’en est rien en réalité. En effet, l’aquaponie, mot né de la contraction d’ « aquaculture » et d’ « hydroponie » définit une pratique agricole en circuit fermé permettant de produire conjointement des poissons et des légumes.

Autrement dit, c’est la combinaison d’un aquarium et d’une serre : les poissons croissent dans des réservoirs tandis que les plantes sont cultivées hors-sol, c’est-à-dire sans terre, leurs racines pendant dans des bacs d’eau.

Les déjections des poissons, riches en nutriments, sont acheminées vers des récipients d’eau où trempent les racines des légumes. En même temps que les plantes se développent, elles filtrent filtrent l’eau qui, ainsi nettoyée, est à nouveau renvoyée vers les réservoirs à poissons, créant ainsi un cercle vertueux.

© CC, Ryan Somm

© CC, Ryan Somm

Économies d’eau, pas de pesticides ni antibiotiques

Ce système astucieux permet aujourd’hui de réaliser de très importantes économies d’eau : jusqu’à 90 % par rapport à l’aquaculture et l’hydroponie pris séparément, mais également d’éviter les recours à des intrants chimiques et permettre ainsi une production plus naturelle, et même dans la plupart des cas, sans pesticides ni antibiotiques.

L’aquaponie, bien qu’elle en ait en général toutes les caractéristiques, ne peut toutefois bénéficier du label AB (Agriculture Biologique) car la production est réalisée hors-sol.

Certains voient dans l’aquaponie une des solutions pour répondre à la demande alimentaire d’une population mondiale qui augmente fortement (9 milliards d’habitants en 2050) alors même que la surface agricole disponible tend à se réduire en raison, de façon logique, de cette même pression démographique mais également de l’appauvrissement des sols et du réchauffement climatique.

Un système vieux comme le monde

© CC, charlie vinz

© CC, charlie vinz

Si les avantages liés au mariage de l’aquaculture et de l’hydroponie ont permis à l’aquaponie d’émerger depuis les années 70 au Canada, aux États-Unis, en Australie, ou en Nouvelle-Zélande et de susciter un début d’intérêt en Europe, c’est en réalité une pratique ancienne dont on retrouve la trace en Chine, chez les Aztèques, et même chez les Égyptiens de l’Antiquité.

En Chine, mais aussi en Thaïlande, la « rizipisciculture » – c’est-à-dire l’élevage de poissons dans les rizières – peut être considérée comme une forme ancestrale d’aquaponie.

Les Aztèques, également, créaient des canaux à poissons et îles artificielles flottantes où ils cultivaient du maïs, des courges… Ils collectaient au fond des canaux les déchets des poissons et les utilisaient comme engrais.

Les pharaons d’Égypte quant à eux, faisaient également construire des jardins aquatiques intégrant des élevages de poissons.

© CC, Bryghtknyght

© CC, Bryghtknyght

Plus récemment, des fermes aquaponiques en ville se sont développées aux USA  avec BrightFarms et au Canada avec Lufa Farms et commencent à être sérieusement étudiées en Allemagne mais également en France.

Lire page suivante : l’aquaponie en ville : c’est parti à Berlin

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Institutrice, ex chef de projet et journaliste multimédia, écolo convaincue, Emmanuelle Bertrand est également responsable d’une association de...

12 commentaires Donnez votre avis
  1. ok

  2. Bonjour,

    Juste quelques remarques sur l’article et les commentaires.
    A ma connaissance les fermes Lufa (Montréal et Laval) ne pratiquent pas l’aquaponie. Pour les USA c’est surtout FarmedHere qui est commercialement très avancé.
    Concernant le Tilapsia, il est interdit en France car le législateur considère qu’il s’agit d’une espèce potentiellement invasive. Ce poisson est légal en Suisse par exemple (cas des Urban Farmers à Bâle). Il est plus simple à élever car peu difficile (température, pH, EC..).
    Concernant la technique elle-même. Il est très complexe d’avoir un système complètement équilibré et un suivi très pointu est nécessaire. Souvent le circuit n’est pas parfaitement fermé et des ajouts de minéraux essentiels aux végétaux sont ajoutés dans les eaux chargées issues des poissons. A noter que ASTREDHOR (et d’autres) travaillent et expérimentent sur l’aquaponie (station RATHO à Dardilly-Lyon) dans le cadre du programme de recherche pluridisciplinaire APIVA.

  3. Bonjour et merci pour les infos que vous partagez sur l’aquaponie. Démarrer en aquaponie est toujours angoissant pour le débutant qui a peur de faire des erreurs et de ne pas avoir correctement cyclé son système. Heureusement des sites comme le votre existent pour aider les novices. Bravo ! permacube.fr

  4. Bonjour,
    Je pense que l’on peut limiter le besoin en énergie en utilisant par exemple le système CHOP2 en aquaponie… celui ci n’utilise qu’une pompe (qui peut être alimenter par un panneau solaire ou autre éolienne …) et la gravité cf aquaponique.fr/techniques-culture/lit-culture/systeme-chop-2/

  5. Pas forcément besoin de tilapias…
    Marc Laberge au Québec utilise des truites, et ça marche plutôt pas mal pour lui!
    –>200 kg de truites et 5000 têtes de laitues… par semaine!
    (CULTURES AQUAPONIQUES M.L.)

  6. Pas forcément besoin de tilapia… surtout si ça implique qu’il faille chauffer l’eau.
    Marc Laberge au Québec se débrouille très bien avec des truites et des salades:
    cultures-aquaponiques.com/index_fr.htm

  7. Bonjour, vous évoquez ici le même problème rencontré dans l’aquaculture d’étang que l’on appelle off’flavour. Celui-ci est contrôlé par un affinage de la chaire grâce à une mise à jeun prolongée. Dans le cas des circuits fermés, les travaux de la station INRA de la PEIMA démontre qu’il n’y a pas d’incident significatif sur le goût du poisson.

  8. Juste une question : que donne t on à manger aux poissons ?

    • Ca dépend de l’espèce; et ça dépend de la stratégie (but commercial vs hobby). Si l’on élève des poissons herbivores, des plantes seront la bonne source de nourriture. Pour les poissons carnivores (ce qui est loin d’être rare), on peut choisir de les nourrir avec des insectes produits « maison » si l’on est « contre » l’aliment commercial… mais c’est assez laborieux. Sinon on peut opter pour de l’aliment commercial à base de blé et tourteaux de soja/colza/lupin et de farines de poissons (dont la proportion baisse de plus en plus grâce à la recherche dans ce domaine).

    • (Composition indicative, c’est très variable selon les espèces)

  9. L’Aquaponie est une clé d’avenir pour l’Aquaculture, mais comme le dit très bien l’article, le développement en France demande que les aquaculteurs-maraîchers français aient accès aux espèces performantes comme le TILAPIA; Il reste que les circuits fermés en eau douce consomment pas mal d’eau chaque jour, et qu’il y aura le problème de gouts parasites dans la chair des poissons liées aux bactéries et champignons hébergés par les plantes dans les racines.

    • Je tiens juste à préciser que les circuits fermés ne consomment pas d’eau par rapport à une circuit ouvert (1% à 20%/jour en fonction des circuits contre 200% à plus / heure) ).Je pense qu’il faut voir l’Aquaponie de manière différente s’il on veut éviter le problème de goût.Un circuit primaire traditionnel avec les poissons et un circuit secondaire avec les plantes. Le circuit secondaire alimenter par le primaire pour les nutriments. Après il faut résonner l’aspect technique pour limiter au maximum les coûts de fonctionnement.Je pense qu’il faut de toute manière allier l’Aquaponie et le bioclimatique pour faire quelque chose de bien, après sur des surfaces importantes c’est plus facile à dire qu’à faire…

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