Pendant le confinement… on a cultivé nos jardins !

Ce n’est pas seulement parce que ça délasse et occupe qu’on a bêché, sarclé, biné, semé, mais aussi parce que ça rassure d’avoir un garde-manger toujours plein… au jardin ! Du coup, même les citadins s’y sont mis, confirmant le succès déjà croissant des diverses formes d’agriculture urbaine. Et si mettre les villes à la campagne n’était plus une boutade… mais une prédiction ?

Rédigé par Brigitte Valotto, le 5 Jun 2020, à 13 h 00 min
Pendant le confinement… on a cultivé nos jardins !
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Ce que l’humoriste Alphonse Allais tenait pour absurde semble prouver, en ces temps de crise, son utilité pour un futur alimentaire plus autonome : nos métropoles verdissent à vue d’oeil ! Des tomates et des salades sur les toits, des champignons dans les parkings, des fraises en conteneurs connectés… en zone urbaine et péri-urbaine, immeubles d’habitation ou de bureaux se transforment en véritables petites exploitations agricoles, voisins ou collègues s’organisent pour partager un bout de terrain et y cultiver leurs propres productions, et des fermes urbaines fleurissent jusque dans les jardins publics. Elles étaient déjà à l’honneur du Salon de l’Agriculture qui a clôturé en catastrophe sa 57ème édition, en février dernier à la Porte de Versailles, à Paris… juste avant que la pandémie de COVID-19 provoque un arrêt des importations, la fermeture des frontières et le confinement général. Une crise sanitaire majeure qui semble justement confirmer la pertinence de cette nouvelle façon de produire, localement et en circuits courts.

Confinés, les Français ont rêvé d’autosuffisance © ChiccoDodiFC

Tous un peu fermiers… même en ville

Avant même d’être confinés, les Français, même citadins, appréciaient de plus en plus le jardinage : selon une étude de l’Observatoire Société et Consommation (ObSoCo) qui remonte à février dernier, 57 % d’entre eux (soit environ 38,2 millions) avaient jardiné au cours des 12 derniers mois, et 38 % d’entre eux possèdent un potager (15,8 millions).

La tendance à l’autoconsommation poussait déjà une partie croissante des urbains à développer leurs cultures potagères (légumes et condimentaires) sur les rebords de fenêtres et les balcons, et l’étude démontre également une forte augmentation des poulaillers : aujourd’hui, un Français sur 10 (environ 6,7 millions) consomme les oeufs de ses volailles !

Quelques mois et un long confinement après… ces tendances n’ont fait que s’amplifier !

«Il y a longtemps que je voulais faire mon potager… Pendant le confinement, j’ai enfin trouvé le temps, en plus c’était la bonne saison, ça me permettait de faire de l’exercice en plein air… et ça répondait aussi un peu à l’angoisse de voir tous ces rayons vides dans les magasins ! Quand les jardineries ont pu rouvrir, je me suis précipité, et avec mes futures récoltes je peux affronter tous les risques de pénurie », se félicite ainsi Arthur, 28 ans.

Il n’est pas le seul : alors que le hastag #jeveuxunjardin a fleuri sur les réseaux sociaux, ceux qui en avaient un l’ont semé de pommes de terre et de tomates plutôt que de fleurs – les semis et plants potagers ont connu une explosion des ventes dès que les jardineries ont pu rouvrir leurs portes. On a même vu des drives quand, dès le début avril, le gouvernement reconnaissait la « vente de plants potagers » comme « achats de première nécessité », autorisant de facto les professionnels du jardin à reprendre leur activité commerciale.
Les cours pour jardiniers amateurs, dont de nombreux tutos sur YouTube ou encore le MOOC gratuit « Santé des Plantes » lancé par la Société nationale d’Horticulture de France (SNHF) ont vu leur fréquentation exploser. Des titres comme « Le Potager du paresseux », de l’agronome iconoclaste Didier Helmsetter, déjà best-sellers, sont réédités en hâte.

« Le jardin n’est plus seulement une vitrine pour épater ses voisins, il devient un endroit moins ornemental qu’utile, où l’on trouve de quoi s’occuper, avec des fonctions nourricières adaptées aux besoins de chacun », observe le paysagiste concepteur Alexandre Duval.

coup de coeur

Le potager du paresseux – Le guide De Didier Helmstetter

Didier Helmstetter, jardinier paresseux et agronome, propose de penser le potager comme un système vivant complexe. Une invitation à observer, à comprendre et à respecter la vocation naturelle d’un terroir, le vôtre, avec son climat, sa situation géographique, son exposition, son sol…

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Des légumes… et du lien social !

Rien de très nouveau, pourtant, aux yeux d’Olivia : Toulousaine d’adoption, la jeune femme a grandi en Roumanie, sous Caucescu… où tout le monde jardinait ! Déjà, dans un but d’auto-suffisance, et par crainte des fréquentes pénuries : « Il n’y avait pas le moindre espace vert qui ne soit pas cultivé, et dans les villes, on n’avait pas de gazons… mais des potagers ! ».
Du coup, elle a créé une appli, baptisée Adopte Ma Tomate, pour aider les urbains, particuliers mais aussi syndics de copropriété et entreprises, à développer des potagers partagés : elle compte 5.000 utilisateurs et 130 jardins en France, pour l’instant. « J’espère aussi contribuer à faire renaître une forme d’entraide que j’avais toujours connue entre voisins… »

Car jardiner en ville, c’est aussi recréer du lien social, reconnecter à la nature tous ceux qui n’ont plus conscience des saisons ni du travail que ça demande de faire pousser les légumes. C’est aussi vivre la ville autrement.

Ce qui correspond pleinement aux nouvelles aspirations des urbains, selon une récente étude IFOP/Noventia sur la ville idéale : pour 39 % d’entre eux, la présence des espaces verts est à la deuxième place, au top des critères, après le coût de l’immobilier et 51 % estime que l’agriculture urbaine a un impact positif sur l’évolution des villes(1).

Une tendance qui va s’accentuer à la suite du confinement : beaucoup de citadins, enfermés trop longtemps dans leurs appartements, rêvent plus que jamais d’une ville verte ! L’ambition de l’agriculture urbaine dépasse donc la simple fonction nourricière, pour s’inscrire dans une réelle ambition sociale : rendre nos métropoles plus vivables pour tous, y renouer des solidarités urbaines.

« L’agriculture urbaine est un accélérateur de végétalisation des villes, mais aussi une créatrice d’emplois de proximité et d’insertion professionnelle, tout en contribuant à la biodiversité locale », s’enthousiasme Cyrille Schwartz, spécialiste du végétal et dirigeant de l’agence Corporate
Garden.

Là encore, c’est pourtant moins innovant qu’il n’y paraît : comme en témoignent les jardins ouvriers d’autrefois, les maraîchages et hortillonnages qui fleurissaient au coeur de certaines villes jusqu’au siècle dernier (Amiens en est un des meilleurs exemples). Les fermes urbaines sont moins une invention… qu’un renouveau !

Situés au coeur d’Amiens, sur 300 ha, les Hortillonnages constituent une mosaïque de jardins flottants entourés de canaux, aménagés au Moyen-Âge © BBP76000

« La différence, c’est qu’aujourd’hui ça se poursuit aussi dans une quête de biodiversité », explique Swen Déral, le co-fondateur de la Société d’Agriculture Urbaine Généreuse et Engagée (SAUGE), qui organise chaque printemps, les 48h de l’agriculture urbaine, avec chaque année plus de participants – dix-sept villes devaient participer à l’édition 2020 fin avril, qui a dû être repoussée.
« Il y a cette volonté de sensibiliser le public avec des légumes locaux et bio, et de permettre l’accès à la nature pour tous », observe Anne-Cécile Daniel.

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Illustration bannière : Confinés, les Français ont cultivé, même en ville ! – © Samuel Dutler
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Journaliste free-lance, Brigitte Valotto est notamment une collaboratrice régulière des pages enfants, société, pratique, tourisme et actu de...

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