Tribune – Ce que la France doit à ses agriculteurs

Les campagnes d’agribashing ont la dent dure contre les agriculteurs français. Pourtant, la France peut être fière de son secteur agricole, l’un des plus performants au monde alors qu’il respecte les standards les plus restrictifs. Zoom sur une profession contrainte d’entrer en résistance.

Rédigé par Pascal Guerin, le 14 Oct 2021, à 17 h 47 min
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Vidéos détournées tournées dans des abattoirs à l’étranger, chiffres présentés de manière biaisée pour tromper les consommateurs… les apôtres de l’agribashing n’ont reculé devant rien ces dernières années. Malgré tout cela, les Français n’ont jamais boudé le monde agricole comme le démontre, année après année, l’affluence au Salon de l’agriculture à Paris.

L’agribashing ne prend plus

Pourtant, les « révélations » se suivent et se ressemblent. Si ces campagnes de désinformation atteignent souvent leur but dans l’immédiat, elles ne résistent que rarement à l’analyse. Cela a été le cas par exemple avec les accusations de l’émission phare de France 2, Cash Investigation, qui avait dénoncé en 2016 la présence de pesticides dans 97 % des produits agricoles ingérés par les Français. Faux(1).
Cela a été le cas plus récemment avec les accusations de l’émission de France 5 Vert de rage[2] qui avait dénoncé la présence de métaux lourds dans l’urine des Bretons, en mettant en cause l’utilisation des fertilisants dans la production locale de pomme de terre. Faux également. Les exemples comme ceux-ci sont nombreux.

Restons en Bretagne justement. En juillet dernier se tenait l’assemblée générale de l’Association Agriculteurs de Bretagne(2). Sa vice-présidente, Dominique Gautier, mène un combat pour une meilleure information et pour un dialogue constructif entre les agriculteurs de la région et le grand public : « Chaque dialogue entre un agriculteur et un consommateur est un pas fait l’un vers l’autre, vers une meilleure compréhension et acceptation des contraintes de l’un et des attentes de l’autre», avance-t-elle.
Elle sait que ce travail de communication ne doit jamais s’arrêter. Car la méfiance, elle, peut revenir comme un serpent de mer.

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Selon le sondage Odoxa, les Français privilégient une agriculture fondée sur de petites exploitations privilégiant la qualité, plutôt que sur des grandes exploitations © PHILIPPE MONTIGNY / Shutterstock

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La presse pointée du doigt

Présent lors de cet événement, le journaliste scientifique Mac Lesggy – et par ailleurs ingénieur agronome de formation – se réjouit qu’une grande majorité de Français aient une opinion favorable de leurs agriculteurs, même s’ils les voient souvent – selon lui – comme des « paysans des années 30 ».
Lui connaît les rouages des médias et des enquêtes biaisées ou à charge de certains de ses confrères. Les journalistes « écrivent et diffusent vite, sans s’interroger sur la véracité de leurs propos », regrette-t-il en prenant pour exemple un chiffre que les activistes anti-élevage reprennent en boucle, selon lequel il faudrait 15.000 litres d’eau pour produire 1kg de viande de boeuf. « C’est une information qui tourne en dépit des correctifs, constate-t-il. Il faut que l’information fasse peur, sinon elle n’a pas d’intérêt. »(3)
Les médias aiment à se faire peur. Et à faire peur aux Français.

Malgré tout, les Français aiment leurs campagnes. Les enquêtes d’opinion se suivent et se ressemblent elles aussi. En 2020, un sondage Odoxa Dentsu Consulting soulignait cet attachement : 88 % des Français avaient alors une bonne opinion du métier d’agriculteur, une valeur constante année après année(4) .
« Un chiffre spectaculaire mais qui n’est guère nouveau, remarquait Gaël Sliman, le président d’Odoxa. Quelle que soit l’orientation partisane, le sexe, l’âge, le milieu social et/ou le territoire, urbain ou rural, partout en France, on adore les agriculteurs. »

La crise sanitaire a rapproché les Français de leurs agriculteurs

Plus récemment, en mai dernier, le baromètre Crédit Agricole-Agridemain-BVA affichait la même tendance : 70 % des Français ont une très bonne opinion de l’agriculture (contre 59 % en 2015)(5).
Ce qui fait dire au président de la Chambre d’agriculture de la Charente, Christian Daniau, que le hashtag #aimetonagri a remplacé #agribashing sur les réseaux sociaux(6).

L’impact de la crise sanitaire du Covid-19, ces 15 derniers mois, n’a fait que renforcer cet attachement et montrer l’importance de la production agricole dans l’économie française(7). « La crise a remis en avant l’agriculture, lui a restitué sa juste place, essentielle », estime Arnaud Gauffier, directeur des programmes au WWF France.

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La crise a remis en avant l’agriculture, lui a restitué sa juste place, essentielle © Photoagriculture / Shutterstock

Lire aussi : Les circuit-courts, comme réponse aux scandales sanitaires et alimentaires

L’agriculture, géant aux pieds d’argile de l’économie française

La crise sanitaire a donc remis l’agriculture au centre du jeu, même si sa part dans le PIB aujourd’hui est bien plus faible qu’il y a 50 ans. « L’ampleur prise par cette inquiétude est impressionnante, poursuit Arnaud Gauffier. Elle révèle tout d’abord un recentrage des besoins autour de ce qui est fondamental : se nourrir et préserver sa santé. Elle montre aussi qu’alors que le secteur agroalimentaire ne représente que 2 % du PIB de la France, tout le reste de l’économie en dépend. »

Pourtant, avec ces 2 petits pourcents, l’agriculture française est un poids lourd européen et mondial. Avec 76 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019, elle trône à la première place du palmarès du Vieux continent(8). Sur le plan national, les terres cultivables représentent encore plus de 50 % du territoire français, largement exploitées par de grandes filières comme les céréales, les oléagineux ou la betterave.
Les productions françaises s’exportent habituellement partout dans le monde, mais des crises comme celle du Covid-19 peuvent rapidement gripper la machine. « Sur l’ensemble de l’année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19, l’excédent des échanges agroalimentaires français atteint 6,3 milliards d’euros, en baisse de 1,4 milliard d’euros par rapport à 2019 du fait d’un recul des exportations (-2,3 milliards d’euros) et plus particulièrement des exportations de vins et spiritueux », détaille Thibaut Champagnol du département statistique et prospective du ministère de l’Agriculture et l’Alimentation(9).

Les « petits » agriculteurs, plus touchés par les campagnes de dénigrement de la profession

L’agriculture française est donc un géant, mais un géant aux pieds d’argile. Certains secteurs sont même plus sensibles que d’autres aux crises conjoncturelles et aux campagnes d’agribashing, comme l’élevage par exemple qui représente un tiers de la production agricole tricolore, et qui est régulièrement la cible d’attaques militantes.
Entre crise et désinformation, une menace plane au-dessus de la paysannerie française qui ne représente plus que 1,5 % de la population active. Si le secteur s’est largement professionnalisé depuis la fin des années 70 avec de grandes exploitations, les plus petits agriculteurs – ces fameux paysans des années 30, pour reprendre l’image de Mac Lesggy – sont en train de disparaître.
Et les derniers, petits et fragiles, ne résistent pas aux mauvaises publicités et aux campagnes de désinformation.

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La France compte environ 400 000 agriculteurs-exploitants et en perd entre 1,5 % et 2 % par an © goodluz

L’agriculture en France – Un secteur normé à l’extrême

Alors, qu’ont fait les agriculteurs français pour mériter l’acharnement de ces campagnes d’agribashing ? Rien. Bien au contraire, ils se plient aux règlements les plus sévères au monde, qu’ils soient nationaux ou européens(10). Autant de normes qui sont au final des gages de qualité pour les consommateurs, qu’elles concernent l’agriculture biologique ou l’utilisation de plus en plus restreinte de produits chimiques dans les phytosanitaires avec le plan Ecophyto ou l’abaissement des taux des métaux lourds dans les engrais comme l’a voté le Parlement européen en 2019(11).

L’agriculture française est l’une des plus encadrées au monde : nier cette évidence, c’est affaiblir notre souveraineté alimentaire et, au bout du compte, menacer la sécurité alimentaire des Français. Un très mauvais calcul.

Illustration bannière : La majorité des Français ont une bonne opinion des agriculteurs de l’Hexagone – © MitjaM
Références :
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Retraité de l'industrie, Pascal a pris ses quartiers dans l'Auvergne de sa famille où il a renoué avec le monde agricole dans toutes ses nuances. Il partage...

1 commentaire Donnez votre avis
  1. Bravo ! C’est agréable d’entendre des discours positifs sur l’agriculture française.

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