La gastronomie française survivra-t-elle aux nouvelles technologies alimentaires ?

Rédigé par Stephen Boucher, le 19 Mar 2015, à 15 h 59 min
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Recherche de pointe et responsabilité environnementale

Raymond Blanc, également au Collège Culinaire de France, installé en Grande-Bretagne, et ambassadeur de l’art culinaire français à l’étranger, axe son travail autour des trois priorités édictées par « Maman Blanc », sa mère : « le terroir, le terroir et le terroir », c’est-à-dire des produits frais de saison, de préférence bio. Et il invite à s’inspirer de « la révolution en cours en Grande-Bretagne »« le consommateur est plus responsable. Il veut connaître le pourcentage de cheval dans son hamburger, l’origine des produits ».

Même retour aux sources au restaurant L’Arpège, à Paris, du maître rôtisseur Alain Passard, qui se bat pour les semences anciennes et a abandonné  la viande au profit de la cuisine végétale. Le restaurant gastronomique l’Arpège, à Paris, est spécialisé dans la cuisine végétale.  Il a créé plusieurs potagers dans la Sarthe pour cuisiner des légumes frais dans son restaurant parisien trois étoiles. Avec son équipe, il a mis en place des techniques de culture adaptées pour livrer des primeurs les plus goûteux possible.

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Les nouvelles technologies s’invitent à nos tables

En Wallonie, un collectif Génération W, réunissant au départ trois chefs, bientôt rejoint par cinq autres, travaille étroitement avec le Smart Gastronomy Lab de Liège comme laboratoire d’expérimentation gastronomique et technologique destiné à créer une nouvelle cuisine afin de « modifier notre régime alimentaire et ce, en vue de prévenir les effets de la surpopulation et de minimiser, par la même occasion, l’empreinte environnementale du secteur agricole ».

Travaillant avec des scientifiques, des chercheurs en agro-alimentaire, des industriels, des informaticiens, des designers et des acteurs de l’économie, le but du laboratoire est de créer de nouveaux produits, ustensiles, recettes, et équipements. Il comprend entre autres une cuisine professionnelle expérimentale modulaire, la « Creative Kitchen » dans laquelle officiera entre autres le chef doublement étoilé Sang-Hoon Degeimbre, ainsi qu’un laboratoire culinaire et un restaurant expérimental.

Pas d’autre choix au menu selon Alain Ducasse

De fait, pas d’autre choix à en croire Alain Ducasse, le chef multi-étoilé au Michelin à l’appétit insatiable : 19 étoiles, 24 restaurants sur trois continents, plus bientôt deux à Pékin et Macao. Il déclare au magazine L’Express : « Sur une planète exsangue sur le plan environnemental, les chefs doivent se tournver vers des ressources alimentaires durables, réduire les proportions de protéines animales dans leurs assiettes et réconcilier notre hédonisme avec une forme de frugalité »[1]

Plus de viande au Plaza Athénée

Plus de viande au Plaza Athénée

Sa récente décision de retirer la viande (mais pas le poisson) du Plaza Athénée a fait grand bruit. Défendant en même temps le bio, pêche durable, et les produits locaux, Alain Ducasse serait la démonstration de la possibilité de concilier innovation radicale et tradition d’excellence.

L’avenir de la gastronomie française n’est pas déterminé par les nouvelles technologies

Frédéric Loeb, « tendanceur » et délégué général du World Cuisine Summit, grand-messe internationale des métiers de bouche, observe que « la restauration correspond aujourd’hui pleinement aux nouveaux modes de vie de notre nouvelle civilisation des flux, du mobile, de l’internet, de la communication et de la distribution ».

Les nouveaux concepts de restaurants s’efforcent de répondre à trois grands critères qui déterminent les tendances de la restauration : le développement durable, la santé et l’expérience du client dans le restaurant.

Selon lui, « les restaurateurs moyens souffrent énormément », mais la restauration de luxe n’aurait quant à elle pas de limite. Outre le poids grandissant des « Kidultes » dans la société, Frédéreic Loeb a pronostiqué la montée de certains produits alimentaires : choux et volaille notamment. Il prédit le retour de standards de la cuisine française comme les fonds de sauce, les gelées…

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La haute cuisine s’est toujours nourrie des innovations technologiques

Soyons confiants pour l’avenir : les révolutions culinaires font partie de l’histoire de la haute gastronomie. Ce fut la cuisine à la vapeur, la cuisine moléculaire, ou encore la mondialisation entraînant les influences croisées… L’art culinaire par définition est alimenté par l’innovation technologique.

Les nouvelles technologies, dans le domaine alimentaire comme dans d’autres domaines, peuvent être mises au service du meilleur comme du pire. A n’en pas douter les pires formes de cuisine industrielle utiliseront les technologies proposées pour réduire coûts et goûts. A n’en pas douter également, des créateurs inventifs s’en serviront aussi pour la satisfaction de nos papilles. Français, mangez sereinement !

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 [1] L’Express n°3324, 18 mars 2015

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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

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