Biocontrôle des productions agricoles : les insectes vont-ils remplacer les pesticides ?

Le biocontrôle est un ensemble de méthodes qui utilisent soit des produits totalement naturels non transformés, soit des organismes vivants pour lutter directement contre une problématique agricole. Dans cette lutte biologique, les insectes ont un rôle crucial à jouer !

Rédigé par Julien Hoffmann, le 31 Dec 2018, à 7 h 47 min
Biocontrôle des  productions agricoles : les insectes vont-ils remplacer les pesticides ?
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S’il est vrai qu’il nous faut souvent protéger nos cultures des insectes ravageurs, il n’en est pas moins vrai que nombre d’insectes sont des auxiliaires de culture. L’élevage de certains insectes auxiliaires est en cela une réelle solution, encore faut-il la contextualiser.

Le biocontrôle, un tournant nécessaire

S’ils sont encore nombreux à freiner des quatre fers pour éviter une interdiction des produits phytosanitaires en agriculture, il faut bien dire qu’il n’y aura pas le choix longtemps. D’une part parce que la réglementation sera un jour ou l’autre appliquée, suffisamment de gens commencent à comprendre l’importance de la chose. D’autre part parce qu’il y a une forte demande de la part des consommateurs que nous sommes de pouvoir manger des produits sains à tous les niveaux.

biocontrôle

Le biocontrole pour des techniques agricoles plus respectueuses © zatvornik

C’est en partie pour cela que la totalité des grosses industries du produit chimique destiné au monde agricole s’est déjà mis à la production d’insectes pour le biocontrôle. Le marché n’est pas encore aussi juteux que ces industries en avaient l’habitude, mais il y a fort à parier que cela ne saurait tarder. Pour preuve d’ailleurs, les demandes d’autorisations de mise sur le marché pour lesquelles le biocontrôle a désormais dépassé la chimie traditionnelle !

Quels sont les dispositifs de biocontrôle ?

  • Des macro-organismes (insectes, nématodes, etc.),
  • Des micro-organismes (virus, bactéries ou champignons),
  • Des médiateurs chimiques (phéromones),
  • Des substances naturelles d’origine minérale, végétale ou animale.

Quels risques sont liés au biocontrole ?

Le risque tel que l’on pourrait l’entendre dans un premier temps à savoir celui de voir des insectes de laboratoire se développer en masse dans la nature est effectivement nul. Soit les insectes pressentis n’ont pas la capacité de se reproduire, soit se sont des insectes qui de toute façon vive sur le lieu des relâchés. S’il devait y avoir une pullulation, ces insectes faisant déjà parti du paysage, ils trouveraient rapidement leurs prédateurs naturels.

Coccinelle a deux points © Henrik Larsson

Peu de chance que l’erreur soit à nouveau commise de nos jours, mais il est arrivé que des espèces exotiques soient introduites pour lutter contre des ravageurs qui posaient problème sur le territoire. Les résultats furent catastrophiques comme on l’imagine facilement. L’exemple de la coccinelle asiatique relâchée par hélicoptère en France dans les années 1980 est assez emblématique.

Le réel risque de l’utilisation d’insectes dans le cadre du biocontrôle est l’utilisation même de ces insectes. En agriculture on parle d’ « itinéraires techniques » quand il s’agit de gérer une exploitation. Ce sont souvent des organismes reconnus qui mènent alors la danse en donnant des préconisations ou, dans le cas des chambres d’agricultures, des obligations de traitement comme nous avons pu le voir avec ce fameux cas du viticulteur qui ne voulait pas traiter ses vignes à l’insecticide(1).

Quels suivi et formations ?

Les institutions ne sont pas du tout au fait des avancées en la matière et vont mettre bien du temps avant de les intégrer à leurs préconisations. Pour preuve les programmes des lycées agricoles (sous la tutelle du ministère de l’agriculture et non de l’éducation nationale) qui n’abordent pas le sujet.

À dire vrai, les établissements d’enseignement agricole ont pratiquement eu 20 ans pour préparer la nouvelle génération à la sortie du glyphosate par exemple, mais aussi d’autres produits chimiques, et pourtant rien fait pour cela… Alors parler du biocontrôle !

Le biocontrôle associé à une agriculture de précision

Comme bien souvent, la réponse à une problématique telle que celle de l’utilisation ou non de produits phytosanitaires est complexe. Le biocontrôle et l’utilisation d’insectes dans ce cadre-là est effectivement une excellente partie de la solution, à condition d’en comprendre les enjeux environnementaux.

Agriculteur préparant son itinéraire technique © Budimir Jevtic

Une exploitation agricole a une implantation géographique (présence ou non d’espèces, de milieux favorables aux auxiliaires, etc.), un historique environnemental (pollution, disparition d’espèces, modification du paysage, etc.), un historique agricole (type de techniques utilisées dans le temps, type de matériel, nombre d’intervention sur le sol), une typologie de sols et des caractéristiques climatiques.

La conjugaison de ces éléments va permettre de dégager une définition de l’exploitation où l’on compte relâcher des insectes. Toutes ces informations doivent définir et orienter la technique de biocontrôle pour qu’elle soit cohérente et surtout de se projetant pour l’avenir de l’exploitation, notamment en s’interrogeant sur la façon d’attirer à demeure ces auxiliaires plutôt que de les produire industriellement et d’avoir à les racheter chaque année pour des lâchers…

Biocontrôle qui est compétent ?

Bien souvent seuls des naturalistes compétents et des bureaux d’études sont en capacité de mener intelligemment de tels « plans de gestion », encore faut-il que le monde agricole se tourne vers eux en toute confiance.

Lutte en biocontrôle : des insectes en pagaille

Les insectes utilisés dans le cadre du biocontrôle sont de plus en plus nombreux à la fois parce que les techniques d’élevage ont évoluées, et aussi parce qu’on comprend de mieux en mieux les interactions et l’impact incroyable des insectes auxiliaires sur les cultures.

Il y a donc la Chrysope (Chrysoperla carnea), la Coccinelle à deux points (Adalia bipunctata), la Coccinelle à virgules (Exochomus quadripustulatus), les Trichogrammes (Trichogramma) déjà commercialisés dans une dizaine de pays ou encore Encarsia formosa qui n’a quant à lui pas vraiment de nom vernaculaire mais qui est plus que réputé pour son action sur les aleurodes.

Larve de Chrysopa perla se nourrissant de pucerons © Tomasz Klejdysz

Certains sont des pollinisateurs à l’âge adulte et des prédateurs de premier rang au stade larvaire. Certains se nourrissent des insectes ravageurs qu’ils affectionnent, mais d’autres se contentent de les utiliser comme pouponnière en y implantant des oeufs (parasitisme) ce qui est tout aussi efficace. Certains ont plusieurs stades larvaires où les larves sont prédatrices et sont prédateurs au stade adulte (imago) aussi. Certains vivent quelques jours, d’autre quelques semaines…

Et il y en a bien d’autres, et c’est là une excellente nouvelle et une grande chance pour l’agriculture de demain. Il s’agit encore une fois de les étudier, de les protéger et de conserver leurs milieux de vie pour se donner les chances d’une agriculture pérenne et d’une sécurité alimentaire dans un monde durable.

Illustration bannière : Cryptolaemus montrouzieri un prédateur de cochenille venu d’Australie – © Protasov AN
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