L’agriculture biologique peut nourrir 9 milliards d’habitants en 2050, les scientifiques l’affirment

Longtemps, l’argument majeur en faveur de l’agriculture conventionnelle était la capacité d’obtenir de meilleurs rendements qu’en agriculture biologique. Plusieurs études récentes ont récemment démontré que si cet écart existe aujourd’hui, il peut être fortement diminué demain.

Rédigé par Camille Peschet, le 17 Nov 2017, à 13 h 40 min
L’agriculture biologique peut nourrir 9 milliards d’habitants en 2050, les scientifiques l’affirment
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Récemment, deux agronomes, John Reganold et Jonathan Watcher, démontraient dans la revue scientifique Nature Plants que l’écart de rendement entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle pouvait être réduit à 9 % avec la polyculture, là où les estimations étaient plutôt de l’ordre de 20 % en 2012. Une nouvelle étude, publiée le 14 novembre 2017 dans la revue Nature Communications, explique que l’on peut atteindre une production agricole à 100 % biologique d’ici 2050, quitte toutefois à manger moins de viande.(1)

Rendements de l’agriculture biologique : une évidence tardive mais croissante

Longtemps, l’argument de la supposée moindre rentabilité de l’agriculture biologique a pesé dans les débats de société. Ce sont désormais de nombreuses études qui prouvent que cet obstacle peut être levé.

L’étude de Reganold et Watcher vérifiait déjà les conclusions de différentes études publiées en 2014, dont celle du Proceedings of the Royal Society, l’équivalent britannique de l’Académie des sciences française, ainsi que l’étude dirigée par Claire Kremen, professeur de sciences de l’environnement et codirectrice du Berkeley Food Institute de l’Université de Californie, dans laquelle 115 études de 38 pays, portant sur 52 espèces végétales et couvrant 35 années avaient été analysées.

agriculture biologique 2050 moins de viande

Des coupables bien innocentes, dont il faudra réduire le nombre pour permettre à plus d’humains de vivre sans pesticides.

Ces études démontraient déjà qu’il était possible de réduire l’écart de rendement entre agricultures biologique et conventionnelle, tout particulièrement en utilisant la polyculture. Avec comme conclusion pour l’étude de Claire Kremen que « des investissements accrus en recherche agroécologique pourraient améliorer les productivités de l’agriculture durable, qui pourraient atteindre, voire dépasser celle de l’agriculture traditionnelle ».

Dans une approche différente, la dernière étude en date, menée par des chercheurs du Research Institute of Organic Agriculture (FiBL), en Suisse, conclue qu’une conversion « de 100 % à l’agriculture biologique a besoin de plus de terres que l’agriculture conventionnelle mais réduit l’utilisation de l’azote et des pesticides ». Et surtout, affirme : « en combinaison avec la réduction du gaspillage alimentaire et des aliments concurrents en provenance des terres arables, avec une réduction correspondante de la production et de la consommation de produits animaux, l’utilisation des terres en agriculture biologique reste inférieure au scénario de référence  ».

Autrement dit : nous pouvons passer à 100 % de biologique, la pollution sera diminuée, et si nous combinons ceci à un changement de régime, la consommation de terres sera équivalente, voire réduite.

Condition essentielle : réduire la part des protéines d’origine animale de 38 à 11 %

Les chercheurs du FiBL soulignent que la « conversion à un modèle de production 100 % biologique sans mesures complémentaires conduirait à une croissance majeure de la demande en terres agricoles ». Les auteurs évaluent cette augmentation de la demande entre 16 et 33 %, en raison de rendements plus faibles. Une telle situation obligerait à accroître la déforestation de 8 à 15 % à l’échelle de la planète. Solution essentielle donc pour un avenir 100 % en agriculture biologique : les auteurs estiment que la part des protéines d’origine animale devrait au minimum passer, en moyenne, de 38 à 11 %.

La conversion à l’agriculture biologique peut répondre de façon durable à la demande alimentaire mondiale, mais seulement si le gaspillage alimentaire et la production de viande sont réduits.
FiBL,

Reganold et Watcher l’affirmaient également en 2016 : si nous voulons réussir à nourrir 9 milliards d’habitants en 2050, il sera nécessaire de « réduire le gaspillage alimentaire, améliorer l’accès à la distribution de l’alimentation, stabiliser la population mondiale, éliminer les conversion des cultures en biocarburants et nous orienter vers une alimentation plus tournée vers les végétaux ». Le FiBL estime quant à lui qu’il faut réduire le gaspillage alimentaire de 50 %.

Au-delà de meilleurs rendements, des bienfaits économiques et sociaux

Au-delà de cet écart de rendement qui se réduit, l’étude de Reganold et Watcher mettait en avant les multiples avantages de l’agriculture biologique face à l’agriculture conventionnelle. Plus efficace et résiliente en cas de sécheresse sévère, l’agriculture biologique permet aussi aux agriculteurs d’obtenir des rendements stables et ainsi de se projeter dans l’avenir malgré des conditions climatiques extrêmes.

agriculture biologique

Ensuite, sur le plan économique, les agriculteurs dégagent des marges plus importantes. Les produits se vendent en moyenne 32 % plus cher, leur assurant un revenu supérieur de 22 % à 32 % au revenu perçu en agriculture conventionnelle.

Lire page suivante : Le changement de regard nécessaire sur l’agriculture biologique

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Portée par un cadre familial m'ayant sensibilisée à une consommation responsable et en faveur d'une production énergétique renouvelable, je me suis...

17 commentaires Donnez votre avis
  1. Tout le monde oublie que les réserves de pétrole, à ce jour, à l’allure que ça y va, sont estimées épuisées en 2050….. et que d’ci là, si les terres ne sont pas soignées, (en éliminant les pesticides, herbicides, fongicides, engrais chimiques,etc.et pour cela il faut pas mal d’années) pour redevenir « NORMALES » le BIO ne pourra pas se développer comme on le prévoit !!! Ce n’est que de la théorie, la vérité est encore loin !!!

  2. Tous ces articles me font rire…… dans ma jeunesse il n’y avait pas autre chose que des produits BIO et surtout, on mangeait des produits, fruits, légumes, poissons, viande, de saison et surtout « locaux » et non pas venant de l’autre côté de la terre, avec du poisson qui fait des voyages incroyables, et même gonflés avec de l’eau, avant d’arriver dans votre assiette, du soja qui vient d’Argentine PLEIN DE PESTICIDES interdits en France, etc. etc. On marche vraiment sur la tête et cela ne s’arrêtera que quand il n’y aura plus de pétrole……..et à l’allure que ça y va, cela ne saurait tarder beaucoup !!!!!

  3. Avec des « si » on peut conclure comme on le souhaite! En 2008 au début du plan Ecophyto 2018 on concluait que les produits phytosanitaires chimiques pouvaient être réduit de 25% à l’horizon 2018 et même de 50% « si possible ». Dans ce dernier cas il fallait aussi changer complètement de système de culture…
    Les anti-pesticides, souvent financés par l’industrie du bio (comme Générations futures) font de nombreux articles pseudo-scientifiques mais qui sont toujours bien reçus par les non-spécialistes car ils sont agréables à entendre.
    Le bio peut produire autant que le conventionnel? Allez voir une fois un céréalier qui s’est converti au bio: il vaut dira que le rendement est entre -40 et – 50%.

    • ça me fait vraiment rire : vous parlez du BIO comme si c’était quelque chose d’incroyablement NOUVEAU alors que ce n’est que de la culture TOUT à FAIT NORMALE ET NATURELLE et vous appelez une production « conventionnelle » celle qui nous empoisonne jusque dans nos assiettes contenant des pesticides, des herbicides, des fongicides et dans des engrais chimiques……..MDRRRR

    • Camille Peschet

      Bonjour,
      Je me permets de répondre, je suis totalement d’accord avec le fait que la notion de bio est simplement l’agriculture que nous aurions du ne pas quitter en s’appuyant sur les progrès dans la compréhension des sols pour arriver à une production sans pesticide. Cependant, employé ce terme officiel permet d’être compréhensible pour tous. Mais il est sur que le jour où nous ne sommes plus obligés de parler de bio et que toute l’agriculture est basée sur des principes agroécologie le pari sera gagné.

  4. Ça a l’air prometteur, mais j’aimerais savoir dans quel article ces auteurs démontrent qu’on peut réduire la différence de rendement à 9% avec la polyculture ? Est-ce « Organic agriculture in the twenty-first century » ? Parce que c’est le seul article récent de ces auteurs que je trouve dans la revue Nature Plants, et je n’y vois aucune mention de ce chiffre ni de polyculture…

    D’ailleurs ça serait bien de systématiquement citer les sources. Ça fait plus sérieux. Et de ne pas dire « Les scientifiques » pour parler d’un article, comme l’a remarqué Quentin.

    • Jamais entendu parlé de permaculture et de la ferme du Bec Hellouin? Informez-vous! 😀

  5. Juste une petite remarque : arrêtez d’écrire « pour LES scientifiques » au début de vos articles. Cela n’a aucun sens.

    Avec cette formule, on a l’impression que les scientifiques forment un bloc uniforme et qu’ils sont absolument tous d’accord sur la question. Or, il s’agit ici simplement de quelques chercheurs, qui présentent leur propres résultat, et vous pourrez trouver d’innombrables études démontrant le contraire. La science est un débat, il n’y a pas de position unique, tout comme en politique par exemple. On ne dit d’ailleurs jamais « pour les politiciens, le seul modèle économique valable est le capitalisme » par exemple.

    Signé : un ancien étudiant en sciences passés par de nombreux laboratoires de recherche, un peu irrité par ces raccourcis rapides.

    • Bonjour
      Je partage la remarque : il n’y a pas « Les scientifiques » mais des gens différents, issus de formations différentes, financés de façons diverses, qui mènent des études aux résultats divers eux aussi.
      Je ne suis pas d’accord avec le mythe de pays spécialisés qui nourriraient le monde : l’agriculture d’exportation ne concerne que 10% des échanges et détermine des cours mondiaux artificiels.
      Il est nécessaire que l’agriculture vivrière soit reconnue et bénéficie de prix qui soient rémunérateurs pour les paysans. Travail énorme en effet mais c’est la seule voie pour nourrir correctement les 9 milliards. De plus en plus d’études (voir FAO, Oxfoam, Agronomes et Vétérinaires sans frontières) montrent que le bio – ou plutôt les techniques bio – sont la seule voie durable.

  6. AHHHH des nouvelles positives, cela fait plaisir…à rapprocher de ce lien :
    http://www.alimenterre.org/ressource/performance-economique-maraichage-biologique-permaculturel
    Je pense comme Degolarson que ce sont les mentalités (ou le point de vue ou les lunettes…) qui sont à changer.
    En attendant pour que le changement advienne (j’espère pouvoir le vivre avant ma fin) continuez à consommer bio et local (essentiellement en fruits, légumes frais et secs, céréales, produits sanitaires et ménagers si vous le pouvez, ce n’est même pas plus cher) et boycottez le plus possible ce qui nous vient de l’industrie (industrie = pétrole = lobbyes = fric, terrorisme et mort).

  7. Bonjour, je suis en Amap. Lorsque nous avons débuté avec notre agriculteur bio en 2007, il ne voulait pas plus de 40 adhérents, puis nous sommes passés à 50, puis à 60 adhérents. Un an et demi plus tard, une autre amap, nous a rejoint avec 40 adhérents, ce qui faisaient donc 100 adhérents. Nous sommes dans notre Amap : 80 adhérents depuis un an, et l’autre Amap est toujours à 40 adhérents. Notre agriculteur cultive sur 3 hectares. ce qui signifie qu’avec le bio, c’est possible. Nous avons un éleveur de veau et de boeuf, des producteurs d’oeufs, d’agneaux, un artisan-boulanger, un arboriculteur de pommes de poires et de jus de pommes et de pommes-poires, un producteur de café et de thé bio, un apiculteur bio : il habite à 1h, 1h et demi de route et on va chercher le miel bio une fois par an.
    Le tout en bio. Si tous les producteurs s’y mettaient et produisaient tous pour les Amap, ils n’auraient pas les problèmes qu’ils connaissant à l’heure actuelle en engraissant les actionnaires!!!!

    • C’est bien sur très possible, pour nous les nantis des pays occidentaux de vivre « bio », comme on peut y mettre le prix. Mais en produisant moins et indirectement en affamant le reste de la planète, et donc en incitant les autres régions à produire plus (agriculture industrielle, OGM) et au détriment des forêts primaires qu’il faudra continuer à mettre en culture.
      Seule une agriculture raisonnée qui allie qualité, quantité et respect de l’environnement peut résoudre l’équation: comment nourrir 9 milliards de personnes en 2050?

  8. Bonjour
    En polyculture agrobiologique la production de lait ou de viande n’est pas une production de masse comme en conventionnel. Elle vient en complément des productions végétales.
    C’est une production de qualité qui se déguste « à petites doses », elle correspond tout à fait aux objectifs de santé qui sont de ne pas dépasser 20kg de viande et 15kg de produits laitiers par an pour un adulte
    Dans cette optique il n’y a plus de grandes cultures, c’est à dire plus de monoculture en grandes parcelles. Pour fonctionner sans problèmes sanitaires et avec de bons rendements, une parcelle ne devrait pas dépasser 2 à 5 hectares et être cultivée en rotation longue incluant la prairie, du moins en zone tempérée.
    Ce système signifie l’abandon de la monoculture et de l’agrobusiness qui lui est associé. Il signifie aussi plus d’emplois agricoles, longtemps dévalorisés.
    Le travail est énorme, mais plus dans les mentalités que sur le terrain. La crise agricole actuelle en France et en Europe est un des signes de l’impasse du modèle en cours.

    • Travail énorme, le mot est un doux euphémisme. L’abandon de l’agrobusiness? C’est comme vouloir transformer les banques en organismes philanthropes et remplacer le concept de profit par celui de partage équitable. Même si je suis pour une agriculture de proximité, avec un lien direct producteur consommateur, j’ai bien peur que in fine les orientations prises soient à l’inverse de ce que vous prônez. A moins d’un bouleversement planétaire, mais ça c’est une autre histoire. Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, espérons quand même un peu

    • « Ce système signifie l’abandon de la monoculture et de l’agrobusiness qui lui est associé. Il signifie aussi plus d’emplois agricoles, longtemps dévalorisés. »

      Ce qui signifie donc payer beaucoup plus cher la nourriture!

  9. Comment eut on prôner en m^me temps le développement de la polyculture , c’est à dire l’association de l’élevage et des grandes cultures et la diminution de la consommation de viande.

    • Tout simplement parce que la production de viande en polyculture étant beaucoup moins intensive que ce qu’on fait en conventionnel (genre ferme des mille vaches), en passant d’un système à l’autre on produira moins de viande au total.

Moi aussi je donne mon avis