Changement d’heure et santé : comment notre corps paie le prix

Chaque année, le passage à l’heure d’hiver ou à l’heure d’été revient comme une mécanique bien huilée, mais derrière ce geste anodin se cache un bouleversement plus profond pour notre corps.

Rédigé par , le 22 Oct 2025, à 10 h 01 min
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Le changement d’heure n’est pas qu’une question de cadran : il agit sur les rythmes internes du corps, dérègle notre horloge biologique et, selon un nombre croissant d’études, pourrait aggraver des problèmes de santé publique allant du sommeil à la prévention des accidents vasculaires.

Changement d’heure : le métabolisme et la régulation hormonale ne suivent pas forcément

Depuis plusieurs années, la recherche accumule des preuves sur les effets physiologiques du changement biannuel d’heure. En septembre 2025, une équipe de la Stanford Medicine a publié une étude de référence évaluant l’impact du maintien ou de l’abandon du changement d’heure sur la santé. Les chercheurs, dirigés par le spécialiste des rythmes circadiens Jamie Zeitzer, ont montré que ces transitions répétées exercent une contrainte mesurable sur le système biologique. « Lorsque les schémas d’exposition à la lumière sont modifiés, en particulier ceux qui influencent la synchronisation de l’horloge circadienne, cela peut affecter plusieurs systèmes du corps », a expliqué le chercheur dans un entretien au Scientific American(1). Ce dérèglement touche la régulation hormonale, la vigilance, la pression artérielle et jusqu’au métabolisme, qui gouverne la prise de poids.

Les scientifiques ont calculé le « fardeau circadien » induit par ces changements horaires répétés, c’est-à-dire le décalage permanent entre l’horloge sociale — celle de nos montres — et l’horloge biologique. Ce désalignement ne dure pas seulement quelques heures : pour certaines personnes, notamment celles qui se lèvent tôt ou encore les enfants, il peut persister plusieurs jours, voire une semaine entière. Durant cette période, le corps peine à ajuster ses cycles de sommeil, son appétit et sa sécrétion d’hormones, notamment la mélatonine et le cortisol. L’effet est comparable à celui d’un mini-décalage horaire, sauf qu’il revient deux fois par an, sans que l’on ait le temps d’en récupérer complètement.

Les crises cardiaques et les accidents de la route sont légèrement plus nombreux après un changement d’heure

Les chiffres publiés par les chercheurs sont éloquents. En se basant sur les données de santé de plusieurs millions d’Américains, l’équipe estime qu’un abandon du changement d’heure pourrait éviter chaque année environ 2,6 millions de cas d’obésité et plus de 300.000 accidents vasculaires cérébraux. Ces projections s’appuient sur des corrélations observées entre les perturbations circadiennes et certaines pathologies chroniques. Les chercheurs soulignent qu’une exposition insuffisante à la lumière naturelle du matin — conséquence directe du passage à l’heure d’été — favorise la désynchronisation du métabolisme et peut contribuer à la prise de poids. En parallèle, un sommeil moins profond et plus court, lié à une heure de lever décalée, augmente la tension artérielle et réduit la récupération cardiovasculaire, deux facteurs de risque majeurs d’AVC.

exposition lumière du matin

Ces résultats ne surprennent pas les spécialistes du sommeil. Selon les travaux cités par ScienceAlert(2), les jours qui suivent le passage à l’heure d’été enregistrent une hausse notable des crises cardiaques et des accidents de la route, symptôme d’un organisme fatigué et d’une attention diminuée. Le problème ne réside pas seulement dans le manque d’une heure de sommeil, mais dans la désorganisation complète du cycle circadien. « Notre biologie n’aime pas les ruptures », résume la chronobiologiste Phyllis Zee, directrice du Center for Circadian and Sleep Medicine de l’université Northwestern, citée par The Hill(3). La lumière du matin agit comme un chef d’orchestre : elle synchronise les horloges internes des organes — foie, coeur, cerveau — et maintient leur coordination. Lorsque cette lumière arrive plus tard, tout le système perd la mesure.

Pour le corps, ces décalages répétés se traduisent par un stress chronique discret. L’organisme libère davantage de cortisol, hormone du stress, tandis que la sécrétion de mélatonine se dérègle. Ce déséquilibre hormonal altère la qualité du sommeil, augmente la faim le soir et modifie la manière dont le corps stocke les graisses. Plusieurs études confirment également une hausse du risque d’obésité et de troubles métaboliques liés à l’exposition prolongée à un horaire artificiellement avancé. En clair, notre horloge biologique reste calée sur le soleil, pas sur l’heure des montres.

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S’exposer à la lumière naturelle dès le matin et éviter les écrans le soir

Face à ces constats, de plus en plus de chercheurs plaident pour une abolition pure et simple du changement d’heure biannuel. Le modèle de l’heure standard permanente, proche du rythme solaire, apparaît comme le plus protecteur pour la santé publique. « Nos données montrent que l’heure standard minimise le fardeau circadien et maximise la cohérence entre les cycles biologiques et l’environnement », concluent les chercheurs de Stanford. À l’inverse, maintenir le système actuel reviendrait à imposer chaque année deux micro-traumatismes collectifs à l’échelle d’une population entière.

Pour le grand public, les recommandations sont simples : préparer son corps quelques jours avant la transition, s’exposer à la lumière naturelle dès le matin, éviter les écrans le soir et conserver des horaires réguliers de sommeil. Mais ces ajustements individuels ne suffisent pas à compenser un désalignement structurel imposé par la société. L’enjeu est désormais politique : plusieurs États américains envisagent déjà d’adopter une heure fixe tout au long de l’année, une mesure soutenue par une large part de la communauté scientifique. Car au-delà du confort, c’est bien la santé collective qui se joue à chaque tour d’aiguille.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

1 commentaire Donnez votre avis
  1. Il était censé s’arrêter il y a des années et passer à l’heure d’été permanente. Mais rien n’a changé au niveau gouvernemental. C’est aussi très déroutant pour mon chien. Il pense qu’il devrait être nourri une heure plus tôt/plus tard.

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