Des champignons dans le café, une bonne idée ?
Ils promettent concentration, immunité renforcée et énergie durable, le tout dans une simple tasse de café. Mais derrière la tendance des cafés aux champignons, la science peine à suivre. Entre marketing bien-être, usages traditionnels et zones d’ombre sanitaires, que faut-il vraiment en penser ?

Les rayons des boutiques bio et des coffee shops « healthy » voient fleurir depuis quelques années une nouvelle boisson tendance : le café aux champignons. Derrière des noms évocateurs comme Focus, Harmony ou Bonjour, ces produits promettent énergie durable, réduction du stress, meilleure concentration et soutien de l’immunité. Mais derrière l’image naturelle et rassurante de ces boissons, la réalité scientifique est nettement plus nuancée.
Des vertus… surtout très générales
Chaga, reishi, cordyceps, lion’s mane… Ces champignons, bien connus de la médecine traditionnelle asiatique, sont aujourd’hui intégrés sous forme de poudres ou d’extraits à du café moulu ou soluble. Les fabricants leur attribuent des propriétés dites « adaptogènes », censées aider l’organisme à mieux faire face au stress, à la fatigue ou aux déséquilibres du quotidien.
Sur le papier, les bénéfices avancés font rêver : amélioration du sommeil, digestion facilitée, esprit plus clair, énergie plus stable que celle procurée par la caféine seule. Dans les faits, ces promesses restent extrêmement larges… et peu spécifiques. Autrement dit, on est loin d’un effet mesurable et clairement démontré.
La littérature scientifique sur ces champignons, en particulier lorsqu’ils sont consommés par voie orale et à faible dose dans une boisson, reste très limitée. La plupart des travaux disponibles ont été menés in vitro ou chez l’animal, ce qui empêche toute extrapolation solide à la santé humaine. Les rares essais cliniques existants sont de petite taille et de qualité méthodologique insuffisante pour conclure à un bénéfice réel.
Pourquoi ajouter des champignons au café ?
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’objectif n’est pas gustatif. Le goût de ces cafés reste très proche de celui du café classique, parfois légèrement plus boisé ou terreux. L’enrichissement vise avant tout à capitaliser sur l’image santé de certains champignons utilisés depuis des siècles en Asie, un peu à la manière du ginseng ou de la rhodiole.
Les fabricants mettent en avant des usages traditionnels anciens, souvent sans rappeler que ces champignons étaient consommés sous des formes très différentes (décoctions concentrées, extraits spécifiques, usages médicaux encadrés) et dans des contextes culturels et alimentaires qui n’ont rien à voir avec notre consommation quotidienne de café.
Le terme « adaptogène » revient fréquemment dans les arguments marketing. Pourtant, ce concept n’a jamais été validé scientifiquement de manière rigoureuse. Même pour les plantes les plus connues de cette catégorie, les preuves restent fragiles.
Quels champignons trouve-t-on dans ces cafés ?
La plupart des cafés aux champignons associent plusieurs espèces, parmi lesquelles :
- le reishi (Ganoderma lucidum), champignon ligneux poussant sur les arbres ;
- le chaga (Inonotus obliquus), parasite du bouleau ;
- le cordyceps (Cordyceps sinensis ou militaris), célèbre pour son mode de croissance atypique ;
- le lion’s mane (Hericium erinaceus), aussi appelé hydne hérisson ;
- parfois la queue de dinde (Trametes versicolor) ou le *polypore en ombelle.
Ces champignons contiennent des substances comme les bêta-D-glycanes, des polysaccharides auxquels on prête des effets immunomodulateurs. Problème : la majorité de ces composés ne sont pas absorbés par l’intestin et sont éliminés tels quels, à l’exception d’une fraction minime transformée par le microbiote intestinal.

Café aux champignons : super-boisson ou simple buzz santé ?
Des effets santé encore très hypothétiques
Il existe bien des applications médicales de certains bêta-D-glycanes, notamment au Japon, où des molécules comme le lentinan sont utilisées en complément de chimiothérapies. Mais ces substances sont administrées par voie intraveineuse, précisément pour contourner les problèmes d’absorption digestive. Elles n’ont jamais été autorisées en Europe.
En 2012, les autorités européennes ont clairement tranché : les produits contenant du reishi ou du cordyceps ne peuvent pas revendiquer d’effets sur l’immunité, l’endurance ou la vitalité. Autrement dit, les allégations que l’on retrouve encore aujourd’hui sur certains emballages sont, au mieux, abusives.
Entre polluants et effets indésirables : de vrais points de vigilance
Au-delà de leur efficacité non démontrée, ces cafés aux champignons soulèvent de réelles questions sanitaires. Les champignons ont la particularité de concentrer les polluants présents dans leur environnement : métaux lourds, pesticides, mycotoxines. Or, les informations sur l’origine des matières premières sont souvent absentes ou floues.
Même lorsqu’un label bio est mis en avant, cela ne garantit pas l’absence de contaminants, notamment si les zones de récolte sont mal contrôlées. À cela s’ajoute une absence quasi totale de standardisation des dosages : impossible de savoir quelle quantité de principes actifs est réellement ingérée.
Sur le plan des interactions médicamenteuses, la prudence est de mise. Le reishi et le chaga peuvent augmenter l’effet des anticoagulants, avec un risque accru de saignement. Ils sont également déconseillés aux personnes sous traitements immunosuppresseurs. Des effets indésirables ont par ailleurs été signalés : troubles digestifs, réactions allergiques, sécheresse des muqueuses ou saignements de nez.
Un prix élevé pour des bénéfices incertains
Dernier point, et non des moindres : le prix. Ces cafés affichent souvent des tarifs très supérieurs au café classique, parfois comparables à ceux d’une terrasse parisienne… pour un produit instantané. Une cherté qui ne reflète pas nécessairement une meilleure qualité, mais plutôt une stratégie marketing bien rodée.
Les cafés aux champignons surfent sur une tendance mêlant naturalité, traditions ancestrales et quête de bien-être. Mais à ce jour, aucune donnée scientifique solide ne permet de confirmer leurs promesses santé. Pire, des incertitudes persistent quant à leur qualité, leur innocuité et leurs interactions avec certains traitements.
Si la recherche sur les champignons médicinaux mérite d’être poursuivie, elle devra s’accompagner d’une meilleure normalisation des produits et d’études cliniques sérieuses. En attendant, mieux vaut considérer ces cafés comme une boisson tendance… et non comme un allié santé avéré.
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