Vrai ou faux produits artisanaux : le camembert de Normandie

Tous les camemberts ne sont pas camembert de Normandie ! Malgré ce que certains fabricants de fromage mettent en avant, l’appellation répond à des critères précis. On vous explique tout.

Rédigé par Annabelle Kiéma, le 27 Apr 2024, à 9 h 03 min
Vrai ou faux produits artisanaux : le camembert de Normandie
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La Normandie est célèbre pour ses bons produits du terroir : le lait, la crème, le beurre. Son produit star est sans doute le camembert. D’ailleurs, depuis 1996, le camembert de Normandie bénéficie d’une AOP, une Appellation d’origine protégée. Pourtant, tous les camemberts qui affichent des images de la douce Normandie ne se valent pas : eh oui, il y a une grande différence entre un camembert de Normandie et un camembert fabriqué en Normandie !

L’histoire du camembert de Normandie

Le camembert est une invention que l’on doit à Marie Christine Harel, fermière à Camembert en Normandie. Cette dernière fabriquait du fromage et aurait élaboré la recette définitive du camembert avec l’aide d’un prêtre réfractaire venu de Brie.

Elle l’aida à se cacher au Manoir de Beaumoncel et pour la remercier, celui-ci lui confia les techniques de fabrication du fromage de Brie, qu’elle appliqua alors à ses propres fromages. Elle transmit ce savoir-faire nouveau à sa fille et à son gendre Thomas Paynel qui en ont développé la commercialisation en le vendant sur les marchés d’Argentan et de Caen. La réputation de ce petit fromage dépassa les frontières régionales pour s’étendre à tout le pays et aujourd’hui au monde entier.

Comment reconnaître le vrai parmesan du faux ?

Les signes de reconnaissance

camembert de normandie

Le village de Camembert en Normandie – © Hindrik Johannes de Groot

En 1983, le Camembert de Normandie au lait cru et moulé à la louche bénéficie de l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée). L’aire d’appellation couvrait les 5 départements normands : la Manche, le Calvados, l’Orne, l’Eure et la Seine-Maritime. La zone se réduit petit à petit, afin de se recentrer sur les zones d’origine du camembert.

En 2008, une première révision du décret retire de la zone de l’AOC la Seine-Maritime, la plus grande partie de l’Eure (seule est conservée une petite zone à l’ouest limitrophe du Calvados et de l’Orne), le sud-est de l’Orne (Perche, Alençon compris), la plaine de Caen (avec une petite bande jusqu’à Argentan) et la petite zone du sud-ouest de la Manche.

Le camembert, un patrimoine à protéger

AOPDepuis juin 1996, le Camembert de Normandie bénéficie de l’AOP, Appellation d’Origine Protégée. Créé en 1992, le label AOP protège « la dénomination d’un produit dont la production, la transformation et l’élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir-faire reconnu et constaté ». C’est un signe officiel européen témoignant d’un certain degré de qualité.

Outre l’aire géographique dans laquelle il est fabriqué, le camembert de Normandie obéit à un cahier des charges strict, qui décrit le fromage de la façon suivante :

 » Le Camembert de Normandie est un fromage au lait cru, à pâte molle légèrement salée renfermant au minimum 45 g. de matière grasse pour 100 grammes de fromage après complète dessiccation et dont le poids total de matière sèche est supérieur ou égal à 115 grammes par fromage « .

Le Camembert de Normandie est caractérisé par les éléments suivants :

camembert de normandie

Le camembert de Normandie a une croûte fleurie – © Jpc-Prod

  • la forme de cylindre plat d’un diamètre de 10,5 à 11 cm et un poids net indiqué à ’emballage au minimum de 250 grammes ;
  • la croûte dite « fleurie », de couleur blanche, à moisissures superficielles constituant un feutrage blanc pouvant laisser apparaître des taches rouges ;
  • la pâte de couleur ivoire à jaune clair ; affinée à coeur, elle est lisse et souple ;
  • la saveur légèrement salée, d’abord lactée et douce puis plus franche et fruitée avec davantage d’affinage. »

Les vaches produisant le lait sont de race normande et pâturent au moins 6 mois dans l’année. Les conditions de fabrication sont exigeantes et les ateliers de camemberts sont soumis à des contrôles réguliers. Six fois par an, les fromages sont jugés par un collège d’experts, et notés sur les critères aspect, consistance et goût. Tout produit non conforme peut se voir retirer son AOP.

Les faux camemberts de Normandie

Comme c’est souvent le cas (on l’a vu pour les Herbes de Provence ou le savon de Marseille), on n’hésite pas à profiter de la bonne réputation liée à un grand savoir-faire pour commercialiser des produits de moins bonne qualité. Le camembert de Normandie, bien que protégé par son appellation, n’échappe pas à la règle.

La différence entre les vrais camemberts respectant un cahier des charges bien précis et les autres tient à peu de mots : un camembert fabriqué en Normandie n’est pas forcément un camembert de Normandie. C’est seulement sur ce dernier que vous verrez le fameux label AOP.

Un camembert de Normandie étant fabriqué à partir de lait de vache normande nourrie d’une certaine manière, dans un secteur géographique bien délimité et avec des techniques de fabrication bien définies, peu de producteurs le fabriquent : ce degré d’exigence a un prix. En effet, les contrôles bactériens exigés par l’utilisation du lait cru coûtent très cher.

Le prix de la qualité originale

camembert de normandie

Le camembert de Normandie est un peu plus cher, mais c’est le prix de la qualité – © Philipimage

 » Produire un camembert de Normandie AOP ça coûte le double d’un produit de grande distribution. Alors choisir cette voie-là, ce n’est pas la voie de la facilité «  confiait Bertrand Gillot le directeur de la fromagerie Réo, située à Lessay en Normandie à un journal belge.  » Nous devons respecter des contraintes énormes, au niveau des éleveurs, au niveau sanitaire. Et nos rendements sont moins bons puisqu’il s’agit de fromages au lait cru « .

Au niveau du goût, cela n’a bien sûr rien à voir : un fromage au lait cru aura forcément plus de caractère qu’un fromage au lait pasteurisé.
Ainsi, les industriels fabriquant des fromages à grande échelle, dont un seul composant proviendra effectivement de Normandie apposent librement la mention « fabriqué en Normandie » sur leurs fromages. Ces derniers ne ressemblent que de très loin aux vrais camemberts de Normandie : fabriqués à base de lait pasteurisé, ils sont moins fragiles donc plus faciles à transporter et à stocker ; en outre, ils tiendront beaucoup plus longtemps au rayon frais des grandes surfaces.

Les camemberts de Normandie en supermarché ?

En 2007, Lactalis et la coopérative d’Isigny-Sainte-Mère décident de ne plus se plier aux exigences de l’appellation.
Après une tentative échouée d’inscrire la pasteurisation dans le cahier des charges du camembert de Normandie, les géants ont décidé de sortir en toute discrétion du système de l’AOP. Sachant que ces deux-là vendent 90 % des camemberts en France, le camembert de Normandie est devenu un produit rare ! L’AOP « Camembert de Normandie » regroupe aujourd’hui 500 producteurs de lait et seulement 9 producteurs de fromages.

La production du Camembert de Normandie ne représente que 4,2 % de la production totale des camemberts fabriqués dans l’hexagone.

camembert de normandie

Le camembert LePetit et camembert de Normandie, pas le même produit – © barmalini

Bridel, Lanquetot, LePetit et consort portent la mention « Fabriqué en Normandie » depuis quelques années. Cette mention à la limite de la légalité est source de confusion pour le consommateur selon les défenseurs du camembert AOP. Les « faux » camemberts empêchent de cette manière le bon développement des camemberts de Normandie. Ceux-ci sont soumis à la concurrence déloyale de camemberts industriels, dont le prix peut parfois être inférieur à 2€, alors qu’un camembert moulé à la louche et fabriqué dans les conditions du cahier des charges ne pourra jamais être commercialisé à moins de 3 euros.
La DGCCRF a donné raison aux producteurs AOP au milieu d’année 2020 : il n’est en théorie plus possible depuis le 1er janvier 2021 d’indiquer « fabriqué en Normandie » sur les boîtes de camemberts qui ne sont pas sous appellation d’origine protégée, ce qui a provoqué une forte opposition de Lactalis.

Pour déguster un vrai camembert de Normandie AOP, il vous faudra, comme d’habitude, bien lire l’étiquette !

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Je fais partie de ce qu’on appelle désormais les « slasheurs » : je suis rédactrice / sophrologue / et j’enseigne le français comme langue...

20 commentaires Donnez votre avis
  1. Pour moi, c’est uniquement REO, depuis ma plus tendre enfance puisque je suis née à côté de la laiterie!
    Pas objective, moi ? Si, si, car il est tellement bon surtout si on le laisse bien devenir coulant…!

  2. Evidemment, il est regrettable que Lactalis ait réussi ) imposer un goût au camembert à un point tel que les habitués du « Président » trouveront qu’un AOP n’est pas un VRAI camembert. Mais sur le plan du pric, il y a une exception: c’est le camembert « marque repaire » de Leclerc dans la catégorie « nos régions ont du talent » qui a l’AOP et est à peine plus cher qu’un Président

  3. Bravo à ConsoGlobe pour ce rappel, qui plaira à tous les gastronomes. Il y a cependant un truc qui me gêne : les camemberts AOP de Gillot sont délicieux, nous sommes d’accord. Mais pourquoi les camemberts BIO de Gillot ne sont-ils pas bons. On dirait du pasteurisé ! Pourquoi, bien qu’ils soient au lait cru, n’ont-ils pas droit à l’appellation ? Qu’est-ce qui peut bien pousser Gillot à salir son image en faisant du « fabriqué en Normandie » ? Je ne comprends pas.

  4. Et que dire des fromages de Brie fabriqués en Normandie ou dans la Meuse: escroquerie pure et simple…

  5. J’ai honte de voir ce que deviennent les vrais produits de nos terroirs.Mangeons tous des fabrications nous n’avons rien de meilleur en goût.

  6. bonjour:lanquetot,lepetit etc, ils furent bons…ils en vendent surement plus dans cetains pays qui n’y connaissent rien en vrai fromages,mais compare a un gillot ou un reaux ou d’autres irreductibles ,meme plus chers,le choix est fait.

  7. Comment se rapprocher des producteurs des différentes régions.
    Existe t’il des circuits de produits bien français.
    Réunir l’offre et la demande de produits de qualité qui font la spécificité française c’est ce que beaucoup de consommateurs souhaitent.

  8. bonjour
    j’ai relu le cahier des charges camembert de normandie (tapez ces mots sur un moteur de recherche respectueux de la confidentialité, par exemple DuckDuckGo à la place de Gogol), il y est dit que 50% des vaches devront être Normandes en 2020 (aujourd’hui la Prim’Holstein est à 60%) que l’herbe doit représenter au moins 0.33 hectare par vache, pas plus de 0.5ha de maïs ensilage par hectare d’herbe et 2.5kg de concentrés par jour. Ces chiffres correspondent à un système moyennement intensif, compatible avec l’agriculture dite raisonnée (je pollue moins pour pouvoir polluer plus longtemps). Pas d’interdiction des tourteaux OGM, rien sur les quantités d’engrais et pesticides, ni sur l’épandage des lisiers. Bref…
    J’achète des camemberts bio uniquement, normands ou pas, surtout quand je connais le producteur. Je palpe, regarde, hume, goûte et fais goûter, c’est le critère principal. Je fais confiance à certains circuits de distribution, pas à d’autres. C’est un peu plus cher, d’accord, mais je n’éprouve pas le besoin de manger du fromage tous les jours, (ni de la viande), et m’en porte très bien. Et j’aime aussi le fromage de brebis :>))

  9. Bonjour
    le lien pour le cahier des charges :
    fromage-normandie.com/fr/userfiles/1806/CDC/Decret_camembert_2008.pdf
    il est précisé qu’en 2020 au moins 50% des vaches devront être de race normande, ce qui implique qu’on y est pas aujourd’hui. Pour moi ce n’est pas le plus grave, si réellement les vaches pâturent 6 mois de l’année, mais le CdC précise « 0.33 hectare d’herbe par vache traite sur l’exploitation, et au moins 2ha de prairie par ha de maïs-ensilage, ce qui est en fait de l’élevage assez intensif, parfaitement compatible avec l’agriculture dite raisonnée (je pollue moins pour pouvoir continuer à polluer). Je n’ai pas lu non plus que les tourteaux doivent être non-OGM…
    J’achète du camenbert au lait cru bio, normand ou pas, je regarde si je connais le producteur et surtout je goûte et fais goûter : ce qui est bon on garde, le reste on laisse. Bien sûr c’est plus difficile en région parisienne qu’ici en Normandie, mais les magasins bio font des gros efforts de transparence même à Paris. Je fais de même pour les Reblochon Salers Comté VacherinduMontd’Or mes préférés, sans possibilité de connaître le producteur. Et aussi, pour faire un peu de provoc, avec les fromages de brebis :>))

  10. Merci de me faire parvenir CONSO GLOBE, celui ci m’a appris Bravo je vais en parler autour de moi et vous faire connaitre
    Merci Merci de m’inscrire et me faire parvenir CONSO GLOBE
    26.05.2013- 10H35.F

  11. Et tous ces faux Camembert industriels, sont-ils fait de substances laitières modifiées ?

  12. Les vrais Camemberts au lait cru sont rares, il ne reste que trois ou quatre fabricants en Normandie et de plus ils coutent dans les 4€, (Reaux, Gillot…..) mais ils sont vraiment très bons quand on arrive à en trouver.

  13. on peut rajouter que les industriels n’ont pas obligation d’acheter du lait 100% normandes. mais uniquement 20%. cf cahier des charges .

    • Et le label AOC n’empêche pas non plus ces vaches d’être nourries en partie avec des tourteaux de soja brésilien et de l’huile de palme, ni d’émettre du méthane en quantité, donc la pub pour le camembert sur un site écolo, c’est assez curieux.
      Certes, le complément est limité à 1800 kg par vache et par an…

      A part ça, les camemberts au lait pasteurisé de grande surface sont quand même assez immondes, donc le problème, plus que l’appellation, c’est peut-être l’éducation au goût des consommateurs, non ?

  14. Le camembert comme tous les fromages sont des produits de la souffrance animale. Ils implique une exploitation brutale et cruelle pour les animaux. lait-vache.info/

    • ils impliquent, pardon.

    • Un peu excessif tout de même ! Tous les fermiers ne sont pas des tortionnaires (même s’il en existe) et la vie d’une vache laitière n’est pas un enfer.

  15. la pub de Lanquetot c’était : « mon gendre de la ville est venu avec un camembert ; il n’était même pas au lait cru ! il est reparti avec ! » Lanquetot n’est plus au lait cru donc comme ils l’ont dit eux-mêmes, ils peuvent se le garder !

    • lactlis ne veux faire que du profit maximum,il rachete tous les petites entreprises pour rationaliser les productions et gagner encore plus

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