Mon jardin : le cuivre, allié traditionnel ou faux ami ?
L’usage du cuivre dans le jardin reste courant, mais en abuser peut avoir l’effet inverse…

Dans bien des cabanes de jardin, un vieux sac de poudre bleue sommeille sur une étagère. C’est la bouillie bordelaise, ce mélange de sulfate de cuivre et de chaux qui, depuis des générations, rassure les jardiniers inquiets du mildiou sur les tomates ou de la tavelure sur les pommiers. On la dit naturelle, on la croit inoffensive. Pourtant, ce remède d’antan cache une réalité plus trouble : le cuivre, mal dosé ou utilisé trop souvent, peut devenir l’ennemi de la vie qu’il est censé protéger.
Le cuivre, oui, mais à petites doses
Car le cuivre est un paradoxe. À petite dose, il est indispensable au bon développement des plantes. Cet oligo-élément joue un rôle essentiel dans la photosynthèse et la structure cellulaire. Sous forme de bouillie bordelaise ou d’autres sels, il agit comme un fongicide préventif, capable de bloquer la germination des spores responsables du mildiou, de l’oïdium ou de la rouille. Mais contrairement à certains produits de synthèse qui finissent par se dégrader, le cuivre, lui, s’accumule. Saison après saison, il s’installe dans le sol et, insidieusement, appauvrit la vie souterraine. Les vers de terre disparaissent, les micro-organismes déclinent, les champignons symbiotiques s’éteignent. Un sol trop riche en cuivre devient paradoxalement pauvre en vitalité.
Et le danger ne s’arrête pas là. Lorsqu’une pluie survient après un traitement, le cuivre peut être entraîné par le ruissellement. Il rejoint alors les fossés, puis les rivières, et finit dans les nappes phréatiques. Là, il agit comme un poison discret : il fragilise les algues, intoxique les crustacés, affaiblit les poissons. En voulant sauver nos tomates, il arrive que nous condamnions, sans le savoir, tout un écosystème aquatique.
À cela s’ajoute une autre menace, plus proche encore : les plantes elles-mêmes. Car l’excès de cuivre leur est toxique. Le feuillage jaunit, les tiges s’affaiblissent, les cultures deviennent paradoxalement plus sensibles aux maladies. Ce qui devait être un allié se transforme alors en traître.
Quelles limitations pour l’usage du cuivre ?
D’où l’importance capitale du dosage. Depuis 2019, l’Union européenne a fixé une limite stricte pour l’agriculture biologique : une moyenne de quatre kilos de cuivre métal par hectare et par an, calculée sur sept ans. Autrement dit, même les professionnels doivent compter et rationner. Pour les jardiniers amateurs, la transposition est plus délicate, mais l’esprit est le même : traiter peu, et seulement quand c’est nécessaire. La bouillie bordelaise du commerce contient environ vingt à vingt-cinq pour cent de cuivre métal. Une simple poignée de poudre diluée dans un arrosoir représente déjà plusieurs grammes de cuivre pur. Répété plusieurs fois dans la saison, ce geste peut suffire à saturer un sol pour des années.
Sur des tomates, on conseille souvent une pulvérisation préventive à raison de quinze grammes de produit par litre d’eau. Mais pas plus de deux traitements par saison. Sur des arbres fruitiers, un passage unique, juste avant le débourrement, peut suffire à limiter les maladies de printemps. La tentation de « forcer la dose » ou de répéter trop souvent les applications est grande, mais c’est précisément ce qui transforme l’allié en faux ami.
Il existe aussi d’autres solutions
Faut-il alors bannir le cuivre ? Pas totalement. Dans certaines cultures, il reste parfois la seule barrière efficace contre des maladies redoutables. Mais il doit être considéré comme une roue de secours, et non comme une habitude. L’important est de l’intégrer dans une stratégie plus large : le soufre reste une alternative efficace contre l’oïdium ; la décoction de prêle, riche en silice, renforce naturellement les tissus végétaux ; le purin d’ortie stimule les défenses, le bicarbonate de potassium agit contre certains champignons. Et au-delà des produits, les gestes de bon sens comptent : alterner les cultures, choisir des variétés résistantes, éviter l’excès d’humidité par un arrosage raisonné.
Le cuivre raconte en réalité une histoire plus vaste : celle de notre rapport au jardin. Longtemps perçu comme une solution miracle, il révèle aujourd’hui ses limites et ses ombres. Le défi n’est pas de l’abandonner totalement, mais de l’apprivoiser. Apprendre à s’en servir avec retenue, l’associer à d’autres solutions, et surtout savoir s’en passer dès que c’est possible.
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