Comment l’opinion d’autrui influence nos décisions au sein d’un groupe

À l’heure où les ‘fake news’, les fausses informations, prolifèrent sur internet, que nous apprennent les neurosciences sur la manière dont notre cerveau révise ses opinions lors de décisions de groupe ? L’institut des sciences cognitives montre que l’adaptation de notre jugement lors d’une décision collective est réalisée à partir d’un calcul que le cerveau effectue entre deux zones cérébrales en pondérant la confiance en son propre choix et la crédibilité qu’on accorde à l’information d’autrui.

Rédigé par Stephen Boucher, le 15 Jul 2017, à 10 h 15 min
Comment l’opinion d’autrui influence nos décisions au sein d’un groupe
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La réalité est que nous changeons tous très difficilement d’opinion. Quand une croyance est établie, nous avons tous tendance à filtrer les informations qui l’infirment et à ne retenir que les messages qui la confirment, que cette croyance soit vraie ou non.

C’est ainsi que, parmi le millefeuille des « faits » disponibles sur internet, tout un chacun peut se mettre à croire ce qu’il veut, y compris que les traînées de condensation derrière les avions seraient des « chemtrails » et une vaste conspiration pour endormir la population.

L’étude d’imagerie cérébrale fonctionnelle de l’équipe de Jean-Claude Dreher montre que, quand il s’agit de prendre une décision en groupe, nous adaptons nos croyances initiales pour effectuer un meilleur jugement en tenant compte de ce que les autres pensent.

Même si ce phénomène est général et attendu, nous savons peu de choses sur la façon dont le cerveau met à jour nos croyances lorsque nous intégrons nos jugements personnels avec ceux des autres.(2)

Mon opinion ou celle des autres : mon cerveau balance

Dans l’étude, Jean-Claude Dreher et ses collègues ont étudié les mécanismes neurocomputationnels sous-tendant la façon dont nous adaptons nos jugements à ceux de groupes de différentes tailles, dans le cadre d’un jury effectuant des jugements pour des crimes : les personnes placées dans le scanner voyaient d’abord la description d’un scénario de crime, puis devaient juger du nombre d’années de prison d’un criminel et indiquer leur niveau de confiance dans ce choix. Après une brève période, le nombre d’années de prison décidé par les autres jurés était révélé et les sujets scannés avaient l’opportunité de réviser ou non leur punition initiale.

opinion scan cerveau

IRMf du cerveau © Seongmin Park. Jean-Claude Dreher

Grâce au scanner, les chercheurs ont montré que deux régions cérébrales sont impliquées lors d’une décision sociale pondérant la confiance en son propre choix et la crédibilité qu’on accorde à l’information d’autrui. Ce « calcul » pondérant ces deux appréciations est effectué par deux régions de notre cerveau : la partie du cortex frontal la plus en amont – et la plus récente du point de vue de l’évolution – nommée le cortex fronto-polaire. Celle-ci surveille les changements de crédibilité qu’on accorde à l’information sociale tandis que le cortex cingulaire antérieur (représenté à droite de la figure ci-dessus) effectue une mise à jour de nos croyances.

Le calcul permanent du cerveau entre mon opinion et la crédibilité de celle des autres

Les chercheurs ont montré que les participants à l’étude mettaient à jour leurs croyances en pondérant les sources d’information individuelles et sociales en fonction de leurs crédibilités respectives. Ceci souligne l’importance de la confiance accordée aux sources d’information dont nous disposons dans la formation de notre jugement.

Deux régions cérébrales sont impliquées dans ce calcul : la mise à jour de croyances préalablement établies est réalisée par le cortex cingulaire antérieur dorsal (dACC), tandis que le cortex polaire frontal (FPC) est engagé dans l’estimation de la crédibilité de l’information sociale. En outre, une connectivité accrue entre ces deux régions cérébrales reflète une plus grande influence de la taille du groupe sur la crédibilité relative de l’information sociale.

Nos opinions, fruit de l’évolution de nos cerveaux

Les chercheurs estiment que le cortex polaire frontal (FPC) a probablement évolué pour gérer nos systèmes sociaux exceptionnellement complexes. Chez les primates non humains, la densité de matière grise du FPC a été signalée comme augmentant avec la taille du réseau social.

Le FPC, apparu tardivement chez l’homme dans son évolution, nous aide dans nos interactions avec des groupes sociaux plus importants, tout en limitant le nombre d’individus avec lesquels nous pouvons interagir.

Ces résultats fournissent une compréhension mécanistique de l’adaptation du jugement pour la prise de décision en groupe. Ils révèlent que lorsque les individus ont décidé de modifier leurs jugements initiaux pour convenir à ceux du groupe, ils ne se conforment pas plus à un groupe plus grand qu’à un groupe plus petit. Par contre les participants à l’étude tendaient à accorder plus de crédibilité à un groupe plus grand qu’à un groupe plus petit. Cet effet de la taille du groupe sur l’opinion individuelle était jusqu’ici contesté.

Illustration bannière : Bonobos échangeant leur opinion ? © apple2499
Références :
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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

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