Érosion du littoral : comment mettre en oeuvre la relocalisation des biens et activités menacés ?

Face l’augmentation des risques littoraux qui menacera plusieurs milliers de bâtiments dans les années à venir, la « relocalisation des activités et des biens » est va s’avérer nécessaire dans certains cas. Pourtant les dimensions juridiques, économiques, financières ou sociales d’une telle mesure restent un frein à une mise en oeuvre prochaine.

Rédigé par La Fabrique Ecologique, le 13 Sep 2019, à 16 h 00 min
Érosion du littoral : comment mettre en oeuvre la relocalisation des biens et activités menacés ?
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La tempête Xynthia (2010) a révélé la vulnérabilité de côtes métropolitaines à la submersion marine, et les récents épisodes climatiques extrêmes celle des territoires ultramarins. Des risques littoraux qui vont s’amplifier dans les années à venir…

L’aggravation constatée s’explique d’une part par l’augmentation des aléas (érosion ou submersion) accentuée par le changement climatique, et notamment l’élévation du niveau de la mer. Elle s’explique d’autre part par l’artificialisation et l’urbanisation des littoraux, qui ont répondu au cours des dernières décennies au désir de proximité du littoral des habitants de bord de mer, au développement des résidences secondaires et à la démocratisation du tourisme balnéaire.

Le cas emblématique de la résidence Le Signal – située à Soulac-sur-Mer (Gironde) – illustre les conséquences d’une urbanisation excessive des littoraux conjuguée à un phénomène d’érosion.

Le Signal, dont le nom est prophétique, est le symbole de cette urbanisation littorale de la seconde moitié du XXème siècle. © La Fabrique Ecologique

La relocalisation des activités et des biens comme projet d’adaptation à l’élévation du niveau de la mer et à l’érosion du littoral

Face à ces risques, certains ont déjà choisi la relocalisation de leurs activités, comme certains établissements médico-sociaux situés à Saint-Brévin-les-Pins, en Loire-Atlantique. Et la liste est amenée à s’allonger dans les années à venir.

Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) estime que d’ici 2100, entre 5.000 et 50.000 logements seront menacés par le recul du trait de côte. Ces estimations ne prennent pas en compte l’élévation du niveau de la mer provoquée par le changement climatique, ni l’augmentation de la population et du nombre de bâtiments sur le littoral.

Pourtant, selon les différents scénarios, le niveau de la mer pourrait augmenter d’1m au niveau mondial d’ici la fin du siècle (voire plus selon les dernières estimations fournies par l’Académie des Sciences américaine), tandis que la population française vivant sur les littoraux métropolitains en 2050 sera supérieure de 14 % à celle de 2013. Sachant en plus que l’artificialisation des sols sur ces territoires est déjà 2,7 plus importante que la moyenne nationale, les hypothèses du CEREMA sont donc relativement conservatrices.

Dès 2012, l’État inscrit dans la Stratégie Nationale de Gestion Intégrée du Trait de Côte (SNGITC) la « relocalisation des activités et des biens », autrement dit la déconstruction et le retrait des biens menacés par le recul du trait de côte, suivis de leur réimplantation en dehors de la zone à risque. La même année, le ministère de l’Environnement lance un appel à expérimentations auquel ont répondu certains territoires concernés par le recul du trait de côte. Dès lors, de nombreuses questions se posent.

En effet, relocaliser tout un ensemble de personnes, de bâtiments, d’activités, d’équipements publics et de réseaux (eau, électricité, etc.) est une opération complexe dans ses dimensions technique, économique, financière, juridique, urbanistique et sociale.

Emplacement d’une ancienne maison dans le village des boucholeurs, déconstruite après la tempête Xynthia © Jill Madelenat

Le financement de la relocalisation : solidarité nationale ou fiscalité locale ?

En ce qui concerne l’aspect financier, les enjeux portent notamment sur les sources à mobiliser pour le financement. Ce dernier peut reposer sur l’échelle nationale ou se limiter à une échelle plus locale.

Dans le cas d’une catastrophe naturelle (inondation, avalanche, mouvements de terrains, etc.), l’indemnisation des victimes repose sur la solidarité nationale à travers le recours au fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier. Ce fonds est abondé par tous les contribuables français par le biais de la prime dite « CatNat » à travers les contrats d’assurance habitation et automobile. La participation financière de chaque personne ne dépend donc pas de l’exposition aux risques.

Le principe d’un tel mécanisme est « la solidarité et l’égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités nationales » (alinéa 12 du préambule de la Constitution)

Les personnes devant abandonner leur bien menacé par le recul du trait de côte ne peuvent prétendre à une indemnisation car l’érosion n’est pas considérée comme une catastrophe naturelle.

Une première piste de financement consiste donc à ouvrir le fonds Barnier au risque d’érosion. Dans le cas, la prime CatNat versée par chaque français devra augmenter de manière considérable pour couvrir les dépenses supplémentaires induites par la prise en charge du recul du trait de côte. En effet, les opérations de relocalisation sont particulièrement couteuses et leur nombre sera considérable dans les années à venir.

Pour le seul front de mer de Lacanau, le montant s’élève à près de 500 millions d’euros pour la relocalisation de plus de 1.000 logements, d’une centaine de locaux d’activité, de plusieurs équipements publics, et de 2.5 km de voiries.

À l’heure actuelle, le gouvernement actuel semble écarter la piste d’un financement par le fonds Barnier. Il semble privilégier une seconde voie qui consiste à recourir à un fonds spécifique, financé par la fiscalité locale.

Mais les discussions restent ouvertes et feront très probablement l’objet d’un projet de loi en début d’année 2020.

Moduler le montant des indemnisations afin de tenir compte du risque et du profil des victimes

La dimension financière d’un projet de relocalisation est également affectée par la manière de calculer le montant de l’indemnisation des victimes.

Dans le cas des catastrophes naturelles, le montant de l’indemnisation est égal à la valeur du bien immobilier au prix du marché, sans prise en compte du risque. Un tel raisonnement appliqué à l’ensemble des biens menacés dans les prochaines décennies par le recul du trait de côte conduit à des sommes très élevées.

De plus, il n’est pas forcément légitime de ne pas considérer le risque dans le calcul de l’indemnisation car, contrairement aux autres catastrophes naturelles, l’érosion est relativement « anticipable ». Une absence de prise en compte du risque dans le montant des indemnisations pourrait inciter les propriétaires concernés à rester sur la zone à risque le plus longtemps possible, engendrant un coût supplémentaire pour la collectivité.

érosion du littoral

L’érosion du littoral n’est pas considéré comme une catastrophe naturelle © Steve Heap

Des études ont montré qu’une acquisition innovante des biens situés sur le front de mer de Lacanau pourrait réduire le montant total de près de 60 %. Cette acquisition innovante ne repose plus sur la valeur vénale du bien immobilier mais sur sa valeur locative actualisée sur la durée de vie de ce bien, cette dernière étant affectée par le recul du trait de côte.

D’autres propositions consistent à introduire des critères de modulation de l’indemnisation, tels que le statut d’occupation (résidence principale ou secondaire), ou encore à étaler dans le temps la perte du droit de propriété. Dans tous les cas, les enjeux d’équité sont forts et il convient d’analyser les différentes propositions présentes dans le débat public sous le prisme des inégalités environnementales(1).

Illustration bannière : Propriété grignotée par l’érosion du littoral – © Dafinchi

Références :
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1 commentaire Donnez votre avis
  1. Il y a des travaux TITANESQUES à réaliser, même en utilisant les milliers de tonnes de déchets plastique, vieux pneus, etc. mais en France on préfère payer des centaines de milliers de chômeurs à rien faire chez eux………

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