Armes jouets et autres pistolets factices : faut-il y céder pour Noël ?

Un Père Noël qui distribue armes et cartouches, est-ce bien raisonnable ? Vous êtes tenté de dire non, et pourtant… il (ou elle) en a tellement envie ! Faut-il céder à ses envies guerrières ?

Rédigé par Brigitte Valotto, le 28 Nov 2019, à 12 h 45 min
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Comment les enfants utilisent les armes jouets ?

Autre raison de se rassurer, le jouet, même guerrier… n’est pas forcément pris pour une arme ! « Ce pistolet que vous voyez est peut-être… tout autre chose dans l’imaginaire d’un jeune enfant », remarque Patrice Huerre.

« Nous, on s’arrête toujours au premier degré ; demandez-lui à quoi il joue, vous risquez d’être surpris ! Souvent, la poupée peut représenter un avion, et la carabine… une poupée ! » Ce qui explique aussi pourquoi les Nerfs et leurs imitateurs, ludiques, colorés comme ne le sont jamais de vraies armes, rassemblent bien au-delà de leur coeur de cible – les garçons de 7 à 10 ans.

Les pistolets jouets, un jeu de plein air comme un autre ?

« C’est l’un des rares jouets qui arrive aussi à capter des enfants plus âgés, au-delà de 12 ans. Et à faire jouer les filles avec des armes ! D’ailleurs, la marque avait même lancé une gamme aux coloris girly », explique Delphine Faure, chez King Jouet.

armes jouets

Les armes jouets, pas qu’une affaire de garçons © Sunny Studios

« D’après nos études de marché et études de comportement auprès des joueurs, nous constatons que les filles sont autant attirées que les garçons, confirme Mathilde Roux, chef de produit Nerf chez Hasbro. Ils jouent souvent avec d’autres membres de la famille, comme à un jeu d’équipe et de plein air, en inventant leurs propres histoires, leurs propres règles, leurs propres battles… Dans notre marketing, nous cherchons à refléter cette diversité et à laisser place à l’imaginaire ».

Ce que le Dr Patrice Huerre approuve : « Pas besoin qu’un jeu d’imitation soit trop réaliste ! Au contraire, offrir une arme qui ne ressemble pas trop à une arme, c’est les aider à distinguer le jeu de la réalité. Plutôt que condamner leur envie, mieux vaut bien leur rappeler qu’il ne s’agit que de faire semblant. Il faut s’adapter à ce que l’enfant manifeste : il ne s’agit pas de l’inciter à jouer avec une arme s’il n’est pas demandeur ! Mais ne pas non plus refuser un pistolet jouet s’il exprime haut et fort cette envie… Ni à un garçon, ni d’ailleurs à une fille, sous prétexte qu’elle est une fille : les aider à transformer la violence, ce n’est pas les rendre violents… au contraire. »

Jouer à se battre, pas si mauvais que ça

L’étude récente de deux psycho-sociologues américaines le confirme(2) : « Jouer à se battre donne lieu à des expériences cruciales d’apprentissage social, qui aident les enfants à adopter un comportement compétitif et collaboratif, contrôlé et motivé avec leurs pairs », résument-elles dans leurs conclusions.

« La coopération, la course et la fuite, les contacts physiques, le sourire et le rire caractérisent généralement les comportements agressifs ludiques, notamment chez les jeunes garçons. Ils changent souvent de rôle, ils inventent des histoires ensemble et ils répètent des séquences afin de perfectionner leurs mouvements physiques et la dynamique sociale de leur histoire ».

Mais elles posent une condition : « Tout comme pour apprendre à découper, à écrire avec un crayon aiguisé et à grimper, les enfants ont besoin de lignes directrices claires et de conseils. Les éducateurs doivent absolument superviser les enfants qui jouent à se battre ».

Certains parents le font… à leur façon. « Ils me voient m’entraîner avec une arme, d’ailleurs ils ont eux-mêmes des carabines à air comprimé, avec lesquelles je leur apprends à tirer », explique ainsi Jean-Louis, papa de deux garçons de 10 et 16 ans, et d’une fille de 14 ans, qui pratique le tir sportif.

« C’est un sport international, comme l’escrime, qui se pratique aussi avec une arme, d’ailleurs… pourquoi condamner d’un côté ce qui est valorisé par ailleurs ? Mais je leur fais bien comprendre qu’une arme… n’est pas un jouet ! D’ailleurs, je garde les vraies sous clef, avec interdiction d’en approcher hors de ma présence ! »

Quand les armes jouets sont plus vraies que nature

Quand l’âge avance, pourtant, les fausses armes deviennent de plus en plus semblables aux vraies : car les ados continuent d’en brandir devant leur écran vidéo, ou dans des parties endiablées de laser games.

La toute petite part de marché que laisse Nerf, sur ce secteur des armes jouets, va justement pour l’essentiel au pistolet laser, qui profite du succès de ces parties en salle qui réunissent enfants… et grands enfants : « J’étais ahurie qu’Arthur me réclame encore des jouets pour son anniversaire… Il a quatorze ans ! » témoigne Marion, qui vient d’acheter quatre pistolets laser. « Ses copains et lui veulent organiser une partie de laser game dans le jardin ! »

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Les laser games, de plus en plus populaires © Iakov Filimonov

Elle n’est pas contre : « Je préfère offrir une arme en plastique qu’un jeu vidéo, au moins, ils vont bouger, s’amuser en équipe… Ça les sort des écrans et ils retrouvent le plaisir de jouer ensemble ! »

Mais quand l’arme est braquée vers un écran… auquel elle est connectée ? « Dans ce cas, ce jouet n’entre plus dans la catégorie sport/plein air, mais dans celle du jeu vidéo », remarque Delphine Faure. Ce faisant, il perd son principal intérêt aux yeux de beaucoup de parents, qui comme Marion y voient une alternative aux écrans, et un prétexte à sortir pour laisser courir ses jambes… et son imaginaire !

« Mais ça reste une façon de transformer ses pensées agressives, à condition de ne pas s’enfermer seul face à l’écran, souligne le Dr Patrice Huerre. Les adolescents violents sont ceux qui ne réussissent pas à transformer leurs émotions. Plutôt que condamner, il vaut toujours mieux rappeler le message éducatif essentiel : ce qu’on peut faire dans la réalité est bien différent de ce qu’on peut faire en virtuel  » !

Illustration bannière : Un jeune garçon s’amuse avec une arme jouet – © KPG Ivary

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Journaliste free-lance, Brigitte Valotto est notamment une collaboratrice régulière des pages enfants, société, pratique, tourisme et actu de...

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