Des jardins thérapeutiques pour réapprendre à vivre

Depuis quelques années, fleurissent dans l’Hexagone de drôles de jardins dans les centres médicaux et maisons de retraites. On les appelle, dans le jargon, des « jardins thérapeutiques ». Bien plus qu’un simple décor, ils aideraient à vaincre isolement, addictions ou stress.

Rédigé par Perrine Signoret, le 18 Dec 2015, à 10 h 30 min
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A l’EHPAD de Saint-Quirin, en Moselle, un réveil sonne chaque matin un peu plus tôt. Ce réveil, c’est celui d’un résident, qui se lève à l’aube pour descendre s’occuper des quelques poules que l’établissement accueille depuis mai dernier. Les oiseaux ne sont pas arrivés là par hasard. Ils font en réalité partie d’un projet plus global, celui de l’installation d’un jardin thérapeutique. Fleurs, arbres du monde entier et potager s’y concurrencent sur une surface de pas moins de 1.200 mètres carrés.

Eric Morgenthaler, à la tête de l’EHPAD, se souvient des débuts du projet. « La demande de créer un jardin thérapeutique est venue de l’équipe du personnel soignant », explique-t-il. Lui, avait déjà vu quelques jardins dits « thérapeutiques », mais les avait souvent trouvés « petits, et pas franchement réfléchis ». C’est en s’intéressant de plus près aux effets de ces espaces verts pas tout à fait comme les autres qu’Eric Morgenthaler a fini par mettre sa réserve de côté.

Les jardins thérapeutiques : une amélioration de la qualité de vie des résidents

En janvier 2013, la fondation Médéric Alzheimer a en effet publié un rapport, suite à l’observation de 21 jardins implantés en milieu médical. Les trois auteurs de l’enquête en ont conclu qu’un bout de verdure pouvait « contribuer à l’amélioration de la qualité de vie des résidents ». Les effets listés vont eux bien au-delà d’une simple sensation de bien-être.

Ainsi, un jardin thérapeutique pourrait réduire l’intensité du stress et des angoisses, favoriser « les liens familiaux et l’ouverture sur l’environnement local », « éveiller les sens » et ainsi solliciter la mémoire lointaine, ou encore « ouvrir la voie à l’imagination et à la valorisation des savoir-faire ». Quant aux soignants, ils seraient plus à même de saisir les aspects émotionnels de la maladie d’Alzheimer, rien qu’en décryptant l’attitude du résident au contact des plantes.

Une autonomie retrouvée

Après quelques mois de test grandeur nature, Eric Morgenthaler semble loin de regretter son choix. Parmi les bénéfices, il cite une baisse significative des angoisses des résidents, selon lui due en partie au « décloisonnement » du service Alzheimer. « On a toujours eu la chance d’avoir un bel établissement en milieu rural, à la lisière d’une forêt, mais le problème c’est que les unités Alzheimer restaient fermées, parce que le terrain n’était pas sécurisé, raconte-t-il. Aujourd’hui, les résidents sortent, sans être accompagnés : il n’y a plus cette notion d’enfermement ».

Ce regain d’indépendance s’est souvent doublé d’une autonomie grandissante. Grâce à des gestes simples, comme le soin des poules ou l’entretien du potager, certains sembleraient avoir retrouvé un « sens » à leur quotidien.

Plus inattendu, le jardin thérapeutique aurait également eu des retombées positives sur les familles des résidents. « Souvent, lorsqu’on met un proche dans une unité comme celle-ci, on culpabilise beaucoup, explique le directeur de l’EHPAD. Se retrouver dans un cadre extérieur agréable, avec des plantes, une forêt, ça aide à déculpabiliser ». « Il n’y a plus cette notion d’institutionnalisation, ni même d’enfermement de leur proche », ajoute Eric Morgenthaler, séduit par le nouvel extérieur de son établissement.

Le « jardin idéal », fruit d’une longue réflexion

Face au succès de ces jardins thérapeutiques, quelques entreprises se sont lancées sur le marché. Si Eric Morgenthaler dénonce « celles qui collent à leurs productions un logo ‘jardin thérapeutique’ alors qu’ils livrent des jardins clé en main », c’est parce que l’élaboration de ces paysages doit répondre à des règles bien précises.

Le processus débute par une sélection drastique parmi les demandes des directeurs d’établissement. Pour Nathalie Joulié Morand, directrice développement chez Terramie, pas question d’installer un jardin thérapeutique s’il ne s’agit que « d’une lubie ou d’un effet de mode ». « Il faut qu’ils soient créés avec l’envie d’en faire un véritable outil, parallèle à la médecine traditionnelle », poursuit-elle.

On ne mettra jamais d’allées noires pour des personnes atteintes d’Alzheimer, par exemple. Pour eux, cette couleur fait peur, car elle évoque le vide.
Nathalie Joulié Morand, directrice développement chez Terramie

 

Une fois les motivations douteuses écartées, l’équipe de Terramie organise des entretiens avec les équipes de soignants et les patients. Ensemble, ils réfléchissent au « jardin idéal », celui qui saura combler les attentes de chacun. Si cela peut sembler simple au premier abord, la directrice développement explique qu’il n’en est rien. « Il faut penser à tout un tas de choses, assure-t-elle. Il y a des détails qui ont de l’importance. On ne mettra jamais d’allées noires pour des personnes atteintes d’Alzheimer, par exemple. Pour eux, cette couleur fait peur, car elle évoque le vide ».

Quinze jardins thérapeutiques installés en un an

En moyenne, un jardin thérapeutique réalisé dans les règles de l’art mettrait six à sept mois à être livré. Un délai plus long que celui de la concurrence, qui n’entache pourtant pas le succès de Terramie. Depuis sa création il y a tout juste un an, la petite entreprise a déjà honoré une quinzaine de commandes.

Ses jardins « écologiques » et « ludiques » – on y trouve des roseaux en guise d’outil musical – font aujourd’hui le bonheur de plusieurs EHPAD, mais aussi de centres d’accueil pour personnes handicapées ou pour autistes, ou encore, de centres d’addictologie. Et à l’EHPAD de Saint Quirin, le jardin thérapeutique ne profitera bientôt plus seulement aux résidents. S’il accueille d’ores et déjà une fois par semaine des « enfants ayant des difficultés sociales assez importantes », il devrait bénéficier dès le printemps, « à tous les habitants du village », explique Eric Morgenthaler, plein d’enthousiasme.

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Étudiante en journalisme, sans cesse à la recherche de cerveaux bouillonnants d'idées novatrices, et de projets solidaires ou écologiques prometteurs.

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