Comment le BTP est devenu un acteur du développement durable

À rebours des idées reçues, cela fait quelque 25 ans que le secteur du BTP a entamé la transformation de ses pratiques industrielles, anticipant l’objectif actuel de décarbonation de l’économie. En France, par exemple en matière d’émission de gaz à effet de serre, le BTP est loin derrière le secteur des transports. Portrait d’un secteur mésestimé.

Rédigé par Martin Lucas, le 31 Aug 2021, à 14 h 45 min
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Le BTP n’est pas le pollueur que l’on croit, les chiffres sont là pour en attester. Selon les données françaises de l’Agence internationale de l’énergie (2020), les transports restent de très loin le premier secteur responsable des émissions de gaz à effet de serre (41 %), devant un trio formé par les habitations résidentielles (13 %), l’industrie et la construction (13 %) et la production énergétique (12 %)(1). Contrairement aux apparences, le secteur de la construction n’est pas à la traîne. Bien au contraire. Elle est même largement en avance par rapport à d’autres secteurs d’activité en termes d’innovation.

Le BTP, moteur de l’innovation

« Le secteur du bâtiment innove, estime en effet l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME)(2). Un bâtiment construit selon la réglementation actuelle consomme en moyenne 9 fois moins d’énergie que le même bâtiment construit en 1974 et émet 3 fois moins de gaz à effet de serre. Au rythme des réglementations thermiques qui se sont succédé depuis 1974, les professionnels construisent des bâtiments de plus en plus performants. Chaque nouvelle réglementation est synonyme d’efforts considérables de la part des entreprises et artisans pour en maîtriser le contenu et atteindre les performances exigées ».
Que ce soit pour le résidentiel comme pour les bureaux, pour le neuf comme pour la rénovation de l’ancien, le secteur du BTP est en effet très réglementé. Ce qui l’incite aussi à poursuivre ses efforts, car la bataille du développement durable n’est pas encore gagnée.

BTP développement durable

Résidentiel, bureaux, neuf ou rénovation de l’ancien, le secteur du BTP est très réglementé © VOJTa Herout

« C’est une évidence, nous avons notre part du chemin à faire, comme tous les secteurs, souligne Guillaume Sauvé, président d’Eiffage Génie Civil et d’Eiffage Métal. Et nous nous y employons tous les jours, avec des solutions pragmatiques qui réduisent notre empreinte. Notre ingénierie de la construction, nos efforts d’innovation sont un des leviers essentiels pour réduire la ‘facture CO2‘ des autres secteurs. L’émission en CO2 de nos chantiers, de mieux en mieux maîtrisée, est en quelque sorte un investissement qui permettra demain une émission globale bien moindre »(3).

Eiffage, l’un des géants du BTP français, s’appuie sur sa structure pluridisciplinaire pour intégrer les spécificités de chaque métier du bâtiment. Son département de recherche et développement (R&D) participe par exemple à la plateforme carbone & climat Sekoya, créée en 2019 en partenariat avec d’autres entreprises et laboratoires, afin de créer les matériaux décarbonés de demain.
Plusieurs innovations sont déjà utilisées sur le terrain, comme les bétons bas carbone, le recours toujours plus large aux camions électriques, ou encore l’outil d’analyse des sols Carasol pour une optimisation du recyclage des déblais. Il s’agit là d’un axe majeur de décarbonation du secteur de la construction, a fortiori en région parisienne où 45 millions de tonnes de terre, excavées lors des chantiers du Grand Paris Express, doivent être valorisées(4).

Un autre axe majeur d’évolution concerne l’utilisation de matériaux issus des départements de R&D des différents acteurs du BTP. C’est le cas par exemple au collège Josette et Maurice Audin à Vitry-sur-Seine dont les 6780m2 de locaux ont reçu la certification HQE et la labellisation « Bâtiment biosourcé niveau 1 ».
Avec ses 26 salles de classe, son gymnase, son parking souterrain et ses logements de fonction, « le nouveau collège de Vitry est le premier équipement public de cette dimension à intégrer du béton de chanvre en paroi autoportante », se félicite Khalil Bencaid, conducteur des travaux chez Demathieu Bard.

Ces nouvelles solutions techniques sont aujourd’hui au coeur des stratégies du BTP, pour la construction d’un collège comme pour le plus grand chantier actuel d’Europe, celui du Grand Paris(5).
« La trajectoire de réduction des émissions de CO2 liée au Grand Paris Express est estimée entre 25 et 50 millions de tonnes d’ici 2070, estimait Cédric Bourdais début 2021, alors directeur de cabinet de la Société du Grand Paris (SGP). La SGP a développé une méthodologie et un outil propriétaire, lui permettant de mettre à jour régulièrement le bilan carbone global du Grand Paris Express, depuis les phases d’étude et de construction émettrices de carbone jusqu’à la période d’exploitation ». Scrutés à la loupe, les grands chantiers se veulent de plus en plus vertueux. Et grâce à eux, les villes de demain n’en seront que plus durables.

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Les écocités d’aujourd’hui et de demain

Ces cités et quartiers de demain sont déjà en train de sortir de terre, partout en France. Initiée à la fin des années 2000, la construction d’écoquartiers ne fait que s’accélérer, grâce à la politique d’incitation des gouvernements successifs, à la fois dans les grandes villes et dans les régions[sourcehttps://fr.calameo.com/read/003238634bb0d82561703[/source] : « Les petites villes et villes moyennes sont à la fois un élément central de l’identité de notre pays et un atout pour son développement, remarque Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Près d’un quart des Français vivent et travaillent dans ces territoires qui ont été pendant trop longtemps délaissés par les politiques d’aménagement. En lançant ‘Réinventons nos coeurs de ville’‘, nous voulons accompagner les élus qui portent une démarche d’innovation, de qualité urbaine et architecturale pour leur territoire. »

Dans cette aventure, pouvoirs publics et acteurs privés de la construction ont choisi d’unir leurs forces au sein du réseau France Ville Durable, né de la fusion en 2020 de Vivapolis et de l’Institut de la ville durable (IVD).
Son président, le maire de Dunkerque Patrice Vergriete, s’affiche comme un ardent défenseur du développement durable des villes(6) : « C’est aujourd’hui plus que jamais dans nos territoires que s’expérimentent et se construisent les transitions vers le monde de demain, en lien direct avec les habitants, dans le domaine de la mobilité, de l’industrie, de l’urbanisme ou du cadre de vie. »

Les exemples d’écoquartiers et d’écocités sont désormais nombreux en France : à Nantes, Strasbourg, Grenoble, Lille ou encore Bordeaux, les agglomérations réinventent leur façon de construire et d’aménager leur territoire. Cela va du type de constructions et des matériaux utilisés à l’installation de tramways et d’e-busways, de la gestion de l’eau aux routes décarbonées. Partout en France, la volonté politique est là.
Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux, a par exemple annoncé la couleur dès son élection au printemps 2020 : « Ce mandat (jusqu’en 2026) doit être celui de l’action pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et décarboner nos villes ». Politiques et industriels semblent bien sur la même longueur d’ondes.

Les écocités de demain, ce sont aussi celles d’hier rénovées et réinventées. À La Défense par exemple, à l’ouest de Paris, le boulevard circulaire a connu une véritable cure de jouvence(7). En service depuis les années 70, cette voie rapide avait besoin d’une sérieuse remise à niveau.
Lors de l’appel d’offres en 2019, le département des Hauts-de-Seine et la région Ile-de-France ont sélectionné de projets innovants, proposés par plusieurs entreprises du BTP, comme le groupe Colas pour son système de signalisation Flowell de marquage au sol lumineux et dynamique ou Eiffage pour son réseau d’éclairage Luciole. Ce dernier, à base de lampes LED, permet une baisse substantielle de 50 % sur la facture énergétique de l’éclairage public des municipalités, ainsi qu’une réduction de la pollution lumineuse.

À La Défense comme à Bordeaux ou à Vitry-sur-Seine, les villes font peau neuve. Car l’exigence climatique est là : la France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Et la construction – toutes spécialités confondues – compte bien évidemment continuer de jouer son rôle de levier dans la décarbonation de l’économie française.

Illustration bannière : Le bâtiment, un secteur qui innove – © Arva Csaba
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Après avoir travaillé dans la fonction publique territoriale, puis comme salarié dans le secteur privé, je suis à présent consultant freelance en...

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