Le Pérou mène la vie dure aux tribus amazoniennes

Une route menace de couper les territoires de tribus d’Indiens en isolement volontaire en pleine région amazonienne, au Pérou. Le projet fait polémique. D’autant que l’extraction de l’or dans cette région entraîne aussi une intoxication au mercure.

Rédigé par MEWJ79, le 28 Jan 2018, à 13 h 45 min
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Au Pérou, la construction d’une autoroute traversant l’Amazonie inquiète : si elle est bénéfique pour les échanges commerciaux, elle risque de rompre l’isolement de tribus indigènes coupées du monde, tout en favorisant l’orpaillage et la déforestation. Et ces peuples souffrent aussi des conséquences sur la santé de l’utilisation du mercure pour extraire l’or.

Une route pourrait couper le territoire d’Amérindiens en isolement volontaire

Au Pérou, une route, surnommée par ses opposants « La Route de la Mort », menace de couper les territoires de tribus d’Amérindiens en plein coeur de la région amazonienne. Il s’agit d’un projet de tracé de 270 km entre Puerto Esperanza, une agglomération isolée au milieu de la forêt amazonienne, et la voie interocéanique qui relie le Pérou au Brésil. Pour l’instant, on ne peut s’y rendre qu’en avion ou alors par le fleuve, mais cela prend du temps.

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© Maciek A

Pour et contre la Route de la Mort

Les partisans de la route affirment que la ville a besoin de se désenclaver pour pouvoir se développer économiquement. Le problème, c’est que cette route traverserait la région amazonienne qui sépare le Pérou et le Brésil. Selon l’ONG Survival International, cette zone encore protégée abrite la concentration de tribus en isolement volontaire la plus importante au monde.

L’impact des routes en Amazonie est facile à vérifier. Ainsi, une voie peut effectivement désenclaver une ville et permettre aux agriculteurs d’exporter plus facilement leur production, mais les effets négatifs sont nombreux.

Une route augmente le nombre de colons qui vont s’installer le long de la voie et commencer à construire des chemins secondaires, qui vont s’enfoncer chaque fois plus dans la forêt. Tout cela va couper en deux le territoire des Indiens non contactés, qui ne pourront plus traverser alors que leur culture est nomade. 

Autre conséquence probable, tous les trafics vont augmenter aussi, notamment de bois précieux, sans oublier les chercheurs d’or illégaux qui provoquent partout de véritables désastres écologiques.

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La trans-amazonienne au Brésil © Pedarilhos

Un projet déjà rejeté, mais poursuivi illégalement

Du côté des soutiens, deux personnes portent ce projet depuis des années. Un député local Carlos Tubino et un curé italien, le père Miguel Piovesan, qui a déjà dans le passé parlé des Indiens en isolement volontaire comme de personnes « préhistoriques ». Ce dernier est également connu pour critiquer toutes les ONG internationales opposées au projet de construction de cette route dans une région extrêmement riche en faune et en flore, mais également très fragile. Ce projet a déjà été rejeté en 2012 par le Congrès péruvien, mais la construction de la voie a continué illégalement.

Aujourd’hui, ses promoteurs profitent des récentes élections générales pour représenter le projet. Les Fujimoristes (partisan de l’ancien président autoritaire Alberto Fujimori) ont en effet la majorité dans la nouvelle assemblée, et leur leader Keiko Fujimori (fille de Fujimori) s’est montrée, lors de la campagne électorale, plutôt favorable aux intérêts des mineurs informels.

L’ONG Survival International, qui se spécialise dans la défense des Amérindiens en isolement volontaire, a demandé l’intervention des Nations-Unies. Elle a également demandé au gouvernement du nouveau président Pedro Pablo Kuczynski de mettre son veto à ce projet, si jamais il était approuvé par le Congrès.

Les mineurs artisanaux utilisent du mercure pour extraire l’or, les habitants sont contaminés

Mais ce n’est pas le seul problème auquel sont confrontées les tribus d’Amazonie. Ainsi, une étrange intoxication au mercure décime les Nahua, entraînant des cas d’anémie et de sévères problèmes rénaux.

Si le souci n’est pas récent, il n’a pas été résolu. Pire, de nombreuses morts sont à déplorer. L’explication vient de la ruée vers l’or. Pour extraire le minerai, les mineurs artisanaux utilisent du mercure. Un composant extrêmement polluant qui s’infiltre dans les terres et les eaux de Puerto Maldonado, contaminant le poisson.

Lire aussi : Des chercheurs d’or massacrent une tribu inconnue en Amazonie

Une étude de l’institut scientifique américain Carnegie a montré que neuf des 15 espèces de poissons les plus consommés localement présentent des niveaux de mercure supérieurs aux normes. Et 78 % des habitants affichent des taux alarmants dans leur corps.

Le Pérou est le cinquième producteur mondial d’or. Selon un rapport de 2016 de l’Initiative mondiale contre le crime organisé, 90 % du métal précieux de la région Madre de Dios vient de mines artisanales ou illégales. Les mauvaises conditions des travailleurs, la prostitution et de nombreuses morts sont à décréter dans ces campements. Manuel Calloquispe en sait quelque chose. Correspondant du journal El Comercio et animateur d’une émission télévisée locale, il a été menacé, et même roué de coups chez lui, pour avoir osé raconter la réalité de Madre de Dios. L’omerta semble donc régner.

Illustration bannière : Amérindien du Pérou – © Anton_Ivanov Shutterstock
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Journaliste, je fais le grand écart entre football et littérature jeunesse.

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