L’Office national de la chasse cible la nouvelle Agence de Biodiversité

Deux services publics censés travailler ensemble pour la protection de la biodiversité n’arrivent pas à s’entendre. Au lieu de mutualiser leurs services, ils se séparent sur fond de confusion, de rivalité et de sous-financement : une situation créée en grande partie par le Ministère de l’Environnement lui-même.

Rédigé par Paul Boucher, le 26 Jan 2017, à 7 h 00 min
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Avant même que la toute nouvelle Agence Française pour la Biodiversité (AFB) ait pu tenir sa première réunion de Conseil le 19 janvier, l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) a tiré une salve meurtrière contre elle. En effet, le 11 janvier, lors d’un conseil d’administration extraordinaire, le président de l’ONCFS, Henri Sabarot, a fait voter une motion mettant fin à la mutualisation des deux agences publiques.

Office national de la chasse vs Agence Française de Biodiversité : retour sur les faits

Dès le 23 mars 2016, 5 jours donc après le vote à l’Assemblé nationale créant l’Agence, Loïc Chauveau tirait la sonnette d’alarme dans Science et Avenir : « l’État a échoué à créer un organisme véritablement fédérateur. L’Office national de la chasse et de la faune sauvage n’intégrera pas l’AFB. Trop d’incompatibilités. » La raison ? Le budget de l’ONCFS est alimenté à 70 % par les permis de chasse. Or l’AFB est soutenu par les associations environnementales qui tentent de mieux encadrer, donc forcement restreindre, l’activité des chasseurs.

En fait, l’ONCFS aurait voulu être le pivot de la future Agence pour la Biodiversité : « Nos missions sont les mêmes que l’AFB, mais la logique aurait voulu que tout soit fédéré autour de l’ONCFS qui est l’organisme avec le plus de moyens et de personnels », assurait dans la presse le 16 mars Jean-Pierre Poly, directeur général de l’ONCFS.

Mais le Ministère de l’Environnement, qui a pourtant inscrit la mutualisation des deux offices dans la loi n°2016-1087 « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages », a nommé à la tête de l’AFB Christophe Aubel, l’ancien directeur de la ligue Rassemblement des opposants à la chasse (Ligue ROC). Le mariage ne pouvait pas plus mal commencer …

Office national de la chasse, agence française de biodiversitéPuis, patatras ! M. Sabarot convoque son C.A. extraordinaire et présente une motion(1) visant à surseoir au projet de mutualisation des deux établissements. Malgré les interventions de François Mitteault, commissaire du gouvernement, qui lui demande de « temporiser et prendre le temps », et de Dominique Melleton, administrateur du Syndicat National de l’Environnement, qui le met en garde contre les risques d’une telle démarche pour l’avenir de l’AFB, le Président met au vote la motion, qui est adoptée à 10 voix POUR ; 6 voix CONTRE ; et 3 ABSTENTIONS, dont la voix du SNE(2).

Comment en est-on arrivé à une telle situation ?

Le SNE renvoie dos à dos le Ministère de l’Environnement et l’Office de la Chasse : « Le ministère : il avance sans moyens et sans vision ! Il a été mis en échec sur le dossier AFB face au monde de la chasse… Le monde de la chasse mène un lobbying acharné vers les futurs candidats aux élections présidentielles, anticipant certainement l’alternance politique ! La Fédération nationale des chasseurs cherche à déstabiliser le projet d’AFB : du lobbying parlementaire pour dépouiller la nouvelle agence de ses missions de police judiciaire au profit de l’ONCFS, aux échanges avec le Président de la République pour contrer tout rapprochement entre l’AFB et l’ONCFS. »

Triste constat, au moment où est signalée la disparition prochaine d’un nombre important d’espèces d’animaux et de plantes, que de voir « les petits jeux politiques, les lobbies, les phrases assassines » l’emporter sur la raison !

Illustration bannière : Chasseur – © Dmitry Kalinovsky Shutterstock
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Professeur d’université à la retraite, Paul aime observer le monde moderne et ses évolutions. Il s’intéresse tout particulièrement à l’économie...

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