Ce médecin a compris comment guérir la violence comme une maladie contagieuse

« La violence n’est pas comme un virus, c’est un virus », affirme Gary Slutkin, médecin épidémiologiste et fondateur de l’ONG Cure Violence. Il a ainsi identifié des méthodes révolutionnaires pour réduire le niveau de violence urbaine.

Rédigé par Stephen Boucher, le 12 Aug 2017, à 8 h 00 min
Ce médecin a compris comment guérir la violence comme une maladie contagieuse
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De retour d’Afrique, où il travaillait au traitement de maladies telles que la tuberculose et le choléra, Gary Slutkin furent frappé en consultant des cartes de la violence dans les villes américaines, qu’elles ressemblaient étrangement à celles qu’il avait l’habitude de voir pour les maladies contagieuses. « Ça ressemblait à des épidémies infectieuses. Puis nous avons posé la question : qu’est ce qui prédit vraiment un acte de violence ? Et il s’avère que la meilleure prédiction d’un acte de violence est un acte de violence précédent« , raconte-t-il.

« Peut-être« , se demanda-t-il à cet instant, « que la violence se propage d’une personne à l’autre, comme une maladie, comme la grippe cause une autre grippe qui cause une autre grippe » explique-t-il. Jusqu’à comprendre que, non « la violence n’agit pas comme une maladie contagieuse, c’est une maladie contagieuse ». C’est-à-dire que, dans groupe donné, la contagion commence par un agent infectieux. Et c’est en remontant à sa source que l’on peut ralentir, voire arrêter la propagation du virus de la violence.

Presentation ©TED de Gary Slutkin

« Cure Violence » guérit très concrètement de la violence

Il fonde alors l’ONG Cure Violence, dont le mot d’ordre est qu’il faut « traiter la violence comme une épidémie » et qu’on peut « y remédier en l’arrêtant à sa source« . Théorique tout ça ? Les résultats tangibles et spectaculaires sont là pour prouver que cet éclairage inattendu sur la violence, du fait du croisement de perspectives inhabituelles, est juste.

Gary Slutkin explique que la première expérience a permis de réduire les tirs par arme à feu de 67 % dans le quartier de West Garfield à Chicago. Ce qui a de plus permis au quartier de revivre,  et aux mères d’utiliser de nouveau les squares monopolisés jusque là par les gangs.

« Pour arrêter la transmission de la violence, vous devez d’abord identifier les premiers cas. Pour la tuberculose, vous devez trouver quelqu’un qui infecte d’autres personnes« . C’est pareil pour la violence explique le Dr Slutkin, qui met ensuite en place avec Cure Violence un dispositif pour arrêter la violence à sa source : des « interrupteurs de violence« , qui sont des personnes connues localement, formées aux techniques de persuasion, qui viennent calmer les situations, refroidir les esprits, gagner du temps, et reconfigurer les conflits.

Ensuite, il faut identifier les personnes qui ont été exposées à cet initiateur : « La deuxième chose à faire consiste à prévenir la propagation, ce qui signifie trouver qui d’autre a été exposé, mais qui ne contaminera personne pour le moment. Comme quelqu’un qui aurait la tuberculose sans symptôme apparent, ce serait quelqu’un qui se contenterait de traîner dans le quartier, mais dans le même groupe de violence. Ces personnes-là aussi doivent être gérées et dirigées dans un sens particulier répondant au processus spécifique de la maladie. »

Enfin, il faut s’occuper du contexte, comme l’éducation, pour « renforcer l’immunité de groupe« .

La violence que l’on voit contamine nos comportements

Lors de la deuxième expérience permise par des fonds philanthropiques, la violence diminua de 37 % dans quatre quartiers. Et depuis, ce sont plusieurs dizaines de quartiers qui ont bénéficié de cette approche, permettant de réduire la violence jusqu’à 70 % de son niveau originel.

Gary Slutkin en conclue « la violence ne se produit pas forcément parce que les gens sont mauvais. On pensait la même chose pour la tuberculose, la lèpre, l’épilepsie. Pourquoi ? Parce qu’on ne comprenait pas complètement ce qui se passait au niveau biologique. Il se passe une chose similaire avec la biologie des comportements. Les gens acquièrent les comportements d’autres personnes« , par effet mimétique.

Une approche alternative donc, selon Gary Slutkin, à l’idée qu’il faut « tout résoudre en même temps » pour diminuer la violence urbaine : « L’autre explication ou d’une certaine manière ; la solution proposée, est « s’il-vous-plaît-réparez-tout » : les écoles, la communauté, les maisons, les familles, tout. J’avais aussi entendu parler de ça auparavant. J’appelle ça la théorie du « tout », ou TST : Tout Sur Terre. Mais nous avons également réalisé dans le traitement d’autres processus et problèmes que, parfois, il ne faut pas tout arranger ».

Malgré son approche scientifique et la preuve des résultats obtenus, Cure Violence a pourtant rencontré beaucoup d’opposition. Car toute approche créative gênerait les acteurs impliqués ? C’est ce que suppose Dr Slutkin : « Il y a des industries entières conçues pour gérer les mauvaises personnes« . Fort de ses résultats, ses méthodes ont néanmoins été adoptées dans d’autres pays : Honduras, Porto-Rico, Kenya, Irak. Bientôt en Europe ?

Illustration bannière Femme exprimant sa gratitude © Anton Jankovoy
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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

1 commentaire Donnez votre avis
  1. Pourquoi ne pas ajouter ceci à ces merveilleuses réalisations
    « Baisse inattendue de la criminalité dans plusieurs villes aux États-Unis :
    15 novembre 2010. «Une baisse des « crimes violents » aux États-Unis durant ces 50 derniers mois est rapportée par le FBI.
    Les « crimes violents » ont diminué pendant 3 années consécutives, selon les rapports du FBI, avec maintenant un nombre d’homicides qui est le plus bas depuis 40 ans. L’agence Reuters a rapporté : «Les statistiques de fin d’année 2009 pour les plus grandes villes américaines défient les prédictions de la police annonçant une vague de criminalité, laquelle aurait dû, logiquement, être déclenchée par la récession, la hausse des saisies immobilières et le désespoir social».
    Cette tendance significative et inattendue de la criminalité s’est maintenue au cours des 3 premiers trimestres de 2010.
    La presse américaine s’en fait l’écho :
    * Le Time – 15 novembre 2010 : «Les crimes violents en Amérique le plus bas depuis 1973».
    * Le Wall Street Journal – 10 novembre 2010 : «Taux de criminalité à New York le plus faible depuis les premières statistiques établies en 1963».
    * Le Chicago Tribune – 9 novembre 2010 : «Chicago peut terminer 2010 avec son plus bas taux d’homicides depuis 1965».
    * Le Los Angeles Times – 14 octobre 2010 : «Le taux d’homicides le plus faible depuis 1975».
    * Le Houston Chronicle – 4 novembre 2010 : «Diminution significative de tous les cas de criminalité graves au cours des neuf premiers mois de 2010». »

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