Les grandes figures de la transition écologique : Elinor Oström et les biens communs

Spécialiste des biens communs et première femme à recevoir le prix Nobel, Elinor Oström est une des grandes figures de la transition écologique.

Rédigé par Camille Peschet, le 9 Jun 2019, à 12 h 55 min
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Une nouvelle gouvernance des biens communs, voilà ce à quoi la politologue et économiste Elinor Oström a consacré sa carrière avec son mari. Elinor Oström est née en 1933 au milieu de la grande dépression à Los Angeles et décédée en juin 2012. En 2009, elle est la première femme à recevoir le prix Nobel pour le développement de sa théorie des communs. Selon les termes du comité, elle a été primée pour « avoir démontré comment les copropriétés peuvent être efficacement gérées par des associations d’usagers ».

Bien communs : une opposition à la thèse de Garett Hardin, « La Tragédie des communs »

Les travaux de recherches d’Elinor Oström ont abouti à montrer qu’il existait une troisième voie pour la gestion des ressources, entre la propriété exclusive et la propriété d’état.

Elle réfutait ainsi la thèse avancée par Garrett Hardin dans La Tragédie des communs qui a prévalu pendant de nombreuses années. Pour Garrett Hardin, les biens laissés à l’usage de tous sont utilisés à l’excès sans que personne ne sente la responsabilité de prendre en charge leur renouvellement. Il est donc nécessaire de privatiser les biens communs. Même si cette mesure est sources d’inégalités elle est préférable à la ruine des communs.

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© Holger Motzkau 2010 / Wikipedia/Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0

Pour Elinor Oström ce n’est justement pas la seule alternative possible.

Une vie consacrée à l’analyse de terrain de la gestion de différents biens communs

Via le Workshop Political Theory and Political Analysis, fondé en 1973 avec son mari, elle mène un grand travail d’observation et d’analyse de gestions des communs dans différentes parties du monde. Utilisant des méthodes d’investigation issues de l’économie expérimentale et de la théorie des jeux, elle fait dialoguer plusieurs disciplines entre elles.

Elle met ainsi en évidence que la gestion des communs passe par des arrangements constitutionnels (souvent informels) acceptés par les acteurs concernés. Elle souligne également que les communs ne sont pas l’exploitation par tous et sans contrainte d’une ressource en accès libre mais une propriété partagée par des ayant-droits.

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Les biens communs : ni une ressource à privatiser, ni une ressource en accès libre

Pour Elinor Oström, il existe une notion de propriété pour la communauté ayant l’usage et la responsabilité du bien mais non une privatisation. D’autant que les droits de propriétés associés aux biens communs peuvent être séparés entre différents acteurs et que ces droits s’associent à des devoirs pour les bénéficiaires.

Huit grand principes mis en avant dans la gestion des communs

Le cadre d’analyse qu’Elinor Oström développe lui permet de tirer huit grands principes à toute gestion des biens communs par une communauté :

  • des groupes aux frontières définies ;

  • des règles régissant l’usage des biens collectifs qui répondent aux spécificités et besoins locaux ;

  •  la capacité des individus concernés à les modifier ;

  • le respect de ces règles par les autorités extérieures ;

  • le contrôle du respect des règles par la communauté qui dispose d’un système de sanctions graduées ;

  • l’accès à des mécanismes de résolution des conflits peu coûteux ;

  • la résolution des conflits et activités de gouvernance organisées en strates différentes et imbriquées.

Si ces grands principes se retrouvent dans toute gestion des communs des communautés étudiées, Elinor Oström souligne bien qu’il n’existe pas de solution universelle. Il est donc nécessaire, pour les autorités étatiques, d’accepter qu’ils existent une multitude de synergies différentes et de règles émergentes qui se réinventent dans une symbiose avec des règles plus générales :

Les gens confrontés à la nécessité d’assurer et de préserver un commun vital à leur survie ont bien plus d’imagination et de créativité que ce que les institutions peuvent avoir dans un regard non empirique et hors sol.
Elinor Oström

Les communs et la prise de conscience écologique

La prise de conscience écologique élargit la notion de communs à des ressources planétaires. Entre 1970 et 1980, les travaux de recherche tournés essentiellement vers des communs locaux s’élargissent aux ressources globales avec la prise de conscience écologique. Cette notion de communs pour les océans, le climat, la biodiversité émerge aux yeux du grand public avec la conférence de Rio +20.

Dans ce contexte, Elinor Oström observe et met plus spécifiquement en avant les formes de résilience que développent des communautés confrontées à la préservation d’une ressource qui peut se dégrader.

Ainsi comme Gaël Giraud, ou Dominique Méda, autres grandes figures de la transition écologique, Elinor Oström ne va pas dans le sens d’une croissance infinie. Elle pointe du doigt la nécessité d’une prise de conscience que la préservation des ressources passent par des interactions sociales qui permettent le partage de celles-ci.

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Elinor Oström © Courtesy of Indiana University 2012 / Wikipedia/Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0

Un nouvel élan pour la démocratie participative

Si les travaux d’Elinor Oström ont eu une reconnaissance institutionnelle tardive, ils ont permis ces dernières années de donner un nouveau souffle aux questions démocratiques en introduisant la notion de démocratie participative. Tout particulièrement avec la nécessité, si nous voulons la préservations des communs universaux, que les plus fragiles soient respectés, écoutés et participent à la gestion des communs :

Ce que nous mettons trop souvent de côté est ce que les citoyens peuvent faire et l’importance d’un investissement réel des personnes concernées.
Elinor Oström

Un regard nouveau sur la capacité de l’homme à gérer les ressources si on laisse le local agir

Les travaux d’Elinor Oström amènent des pistes pour la préservation des ressources écologiques et nous montrent la capacité de résilience et d’inventivité de l’homme dans une communauté d’usager d’un bien à protéger quand on le lui permet. Elle met en évidence la nécessité de trouver des nouvelles voies de gestions des ressources vitales entre l’accès libre et la privatisation que les états doivent accompagner.

Illustration bannière : © CC BY-SA 3.0 Prolineserver 2010 / Wikipedia/Wikimedia Commons / CC BY-SA 3.0
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Portée par un cadre familial m'ayant sensibilisée à une consommation responsable et en faveur d'une production énergétique renouvelable, je me suis...

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