Biocarburants : l’enfer est pavé de bonnes intentions

Rédigé par Consoglobe, le 10 Nov 2011, à 16 h 03 min
Biocarburants : l’enfer est pavé de bonnes intentions
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L’enfer des biocarburants est-il pavé de bonnes intentions ? Cette question, de plus en plus de chercheurs et experts de l’environnement se la posent du fait de l’explosion annoncée – et en cours – des agrocarburants, qu’on appelait plutôt biocarburants lors de leur apparition sur le marché. ConsoGlobe fait le point : types d’agrocarburants, arguments pour et contre.

« Biocarburants », « agrocarburants », « 1ère », « 2e », « 3e », « 4e » générations : repères

Agrocarburants ou biocarburants : on appelle biocarburant tous les combustibles liquides produits à partir de plantes cultivées. Beaucoup préfèrent l’appellation « agrocarburants » à celle de « biocarburants » pour souligner l’impact de ceux-ci sur l’agriculture et les cultures vivrières.

Deux types d’agrocarburants dits de première génération ont tout d’abord été développés :

1 – La filière bioéthanol, un alcool mélangé à l’essence (SP95 et SP98, SP95-E10, E85), donc aussi appelée superéthanol. Poussée par les céréaliers et les betteraviers, le bioéthanol est fabriqué à partir de plantes à sucre : canne à sucre, betterave, blé…

2 – La filière du biodiesel, dérivé d’huile végétale, utilisé dans les moteurs diesel, poussée donc par les producteurs de colza, soja, arachide et tournesol, qui est proposée à la pompe avec le gazole dans une proportion de 5 %.

En Europe, on fabrique surtout de l’huile pour biodiesel tandis qu’aux États-Unis et au Brésil, on préfère la fermentation alcoolique des sucres pour produire de l’éthanol.

Les biocarburants de 1ère génération sont aujourd’hui produits à l’échelle industrielle. Mais ils ne peuvent être produits qu’en quantité limitée, dans la mesure où ils rentrent en concurrence avec la production alimentaire.

2ème génération

Donc de nouvelles matières premières ont été recherchées, menant à une deuxième génération d’agrocarburants, fabriqués à partir de déchets végétaux et à base de cellulose : feuilles, paille, déchets agricoles, bois, plantes dédiées, résidus forestiers, etc. Leurs procédés de fabrication sont encore à l’étude. Une mise en production industrielle est envisagée à l’horizon 2015-2020.

Pointe ensuite son nez une troisième et une quatrième générations d’agrocarburants, développées respectivement à partir d’algues, et de micro-organismes génétiquement modifiés. Les défis techniques et économiques sont toutefois nombreux avant de les voir dans nos stations services.

agrocarburants- biocarburants

Les agrocarburants de première génération peuvent déjà être trouvés dans certaines stations services.

Inconvénient des biocarburants n°1 : la déforestation

Produire et utiliser plus de biocarburants n’a, à première vue, que des avantages. Le biocarburant permet d’émettre moins de CO2 dans l’atmosphère et donc de limiter le réchauffement planétaire. Il offre du travail dans les zones rurales.

Mais bien vite, les biocarburants dits de première génération sont apparus comme une vraie fausse bonne idée. Pourquoi ? Tout simplement parce que la production massive de biodiesel ou d’éthanol a de sérieux inconvénients : déforestation accélérée, bilan énergétique décevant, renchérissement des denrées alimentaires dans le monde, dégradation des conditions de travail de nombreux producteurs agricoles.

Pour ceux qui croient tenir LA solution au réchauffement climatique et qui poussent la production industrielle des biocarburants, la remise en question doit se faire … et vite !

Il faut bien trouver des surfaces pour cultiver. Or les cultures les plus efficaces pour les biocarburants sont des cultures tropicales. Le Brésil produit ainsi 6.000 litres d’éthanol avec un hectare contre 1.200 litres pour 2 fois plus cher en Angleterre par exemple. Les surfaces occupées par la canne à sucre plantée pour le biocarburant empiètent souvent sur des pâturages ou sur la forêt amazonienne ou vers le cerrado qui, sur un quart des surfaces, représente les meilleurs sols brésiliens.

Un dossier paru dans Courrier International explique : « il est évident que le Brésil devra utiliser ses immenses étendues de forêt pour répondre à la nouvelle donne énergétique ; il est tout aussi évident que la destruction de la forêt entraînera un désastre écologique qui affectera l’ensemble de l’humanité. »

La FAO – l’organisation mondiale des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture – publie des chiffres qui montrent clairement qu’il est illusoire de penser que l’extension des cultures destinées aux biocarburants ne va pas empiéter sur les surfaces agricoles disponibles par habitant :

  • 1,36 hectare par personne dans le Nord
  • 0,67 ha par personne dans le Sud
  • 0,67 ha en Chine
  • 0,18 ha en Inde

La culture du soja, du maïs, érode les sols, pollue les nappes phréatiques, nécessite de grandes quantités de pesticides, d’engrais, de carburant pour la plantation, la récolte et le séchage.

L’Agence européenne de l’environnement estime que la France la surface agricole nécessaire pour les agrocarburants était de 0,5 million d’hectares en 2010 et atteindrait 1 million d’hectares en 2020.

Inconvénient n°2 des biocarburants : l’inflation des prix et la pénurie alimentaires

L’inflation des prix sur toute la chaîne de production et de vente du maïs. En effet, le maïs sert à de nombreux usages : nourriture pour animaux, édulcorant  alimentaire, etc. Plus généralement, le blé qui sert pour l’éthanol ou le colza et le soja qui servent pour le biodiesel, sont tous affectés par une hausse mondiale des prix, parallèlement à une diminution historique des stocks.

Un peu partout dans le monde, ce sont les consommateurs qui en ressentent déjà les effets négatifs et certains gouvernements commencent déjà à essayer de freiner l’essor des biocarburants, et Chine et en Inde notamment. La pénurie alimentaire est un risque en conséquence directe de la pression sur les surfaces agricoles et les prix.

Le manioc sert aussi à fabriquer du biocarburant

Le manioc sert aussi à fabriquer du biocarburant

Des experts annoncent des hausses de prix énormes sur toutes les denrées alimentaires de base dans le monde entier ; par exemple +41 % pour le maïs d’ici à 2020 ; +76 % pour les oléagineux (colza, soja, tournesol) ;+30 % pour le blé ; +135 % pour le manioc qui est pourtant un aliment crucial dans les pays les plus pauvres d’Afrique subsaharienne, d’Amérique latine ou d’Asie.

Si les prix alimentaires restent connectés à ceux du pétrole, ce sont 1,2 milliard de personnes qui risquent de ne pas manger à leur faim d’ici 2025.

La Banque mondiale a calculé que la consommation calorique des populations les plus pauvres diminue de 0,5 % à chaque fois que le prix des principaux produits alimentaires augmente de 1 %. Quand une denrée alimentaire augmente, on la remplace pour une autre, moins chère, mais moins riche, moins nourrissante.

Inconvénient n°3 : faible rendement énergétique et impact écologique douteux

Voici, les principaux rendements énergétiques des carburants, selon le laboratoire des énergies renouvelables du gouvernement américain, soit le rapport entre l’énergie fournie par un carburant et celle nécessaire à sa production :

  • Essence = 0,81. Il faut plus d’énergie pour la produire qu’elle n’en fournit.
  • Diesel à base de pétrole = 0,83 – idem.
  • Ethanol à base de maïs = 1,25 à 1,35.
  • Biodiesel de soja = 1,93 à 3,21
  • Ethanol de cellulose = de 5 à 6 !

Le bilan écologique très douteux des agrocarburants

Si on prend en compte d’autres critères comme les émissions de gaz à effet de serre par kilomètre parcouru, on voit que les gains apportés par les biocarburants sont assez médiocres et parfois plus que mitigés. Par exemple, rouler en biodiesel émet plus d’oxyde d’azote que rouler à l’essence. Avec un bilan écologique modeste, l’éthanol, fabriqué à partir de maïs ou de soja, dont la production est gourmande en énergie et très polluante, n’est vraiment pas la panacée.

Zoom : l’éthanol pollue nos poumons !

Une récente étude de Stanford University montre par ailleurs que l’éthanol – fabriqué avec du maïs, de canne ou de betterave – est mauvais pour les poumons.

Certes, l’éthanol est un biocarburant qui dégage moins de gaz à effet de serre et moins de benzène que l’essence, mais il produit beaucoup plus d’un composé organique volatil (COV), qui est une des causes du smog et de la formation d’ozone : l’acétaldéhyde.

Si toutes les voitures utilisaient du super éthanol E85 d’ici à 2020 aux Etats-Unis, la surmortalité engendrée serait de 4 %, due à la recrudescence des problèmes respiratoires liées à la pollution atmosphérique. Réjouissant…

ILUC : l’impact indirect sur les terres cultivées

De plus, pour faire le bilan en termes d’émissions de gaz à effet de serre des agrocarburants, il faut prendre en compte l’impact global de leur culture, y compris l’impact du changement indirect d’affectation des sols sur les émissions. Cette notion – ILUC de son acronyme anglais – est essentielle : l’utilisation de terres initialement dédiées à la production alimentaire entraîne, indirectement, la déforestation en Amazonie ou en Asie en compensation de cette nouvelle affectation de la production.

Cette déforestation a un impact bien plus important par la libération des stocks de carbone stockés par les forêts primaires que les gains faibles des biocarburants en théorie, si l’on ne considère pas l’ensemble de la chaîne de causes à effets. Le rendement des agrocarburants de seconde génération promet toutefois d’être bien meilleur que ceux de première génération.

La suite : passer aux biocarburants de 2ème génération

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54 commentaires Donnez votre avis
  1. Bonjour,
    Je suis très intéressé par le sujet mais n’y connaissant rien, j’aurai aimé avoir les sources qui ont permises d’écrire cet article afin d’avoir un oeil critique?
    Je vous remercie

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