Alcool : le gouvernement veut alourdir la fiscalité dès 2026

Le gouvernement entend utiliser la fiscalité comme levier pour réduire la consommation d’alcool en France. Plusieurs amendements en ce sens ont été déposés fin octobre 2025.

Rédigé par , le 7 Nov 2025, à 9 h 18 min
Alcool : le gouvernement veut alourdir la fiscalité dès 2026
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Augmenter les taxes sur l’alcool, c’est une orientation que soutiennent les associations de santé publique, mais qui crispe l’ensemble de la filière viticole et des spiritueux.

Une fiscalité présentée comme un outil de prévention

Depuis fin octobre 2025, l’Assemblée nationale s’enflamme autour d’un sujet qui dépasse la simple question budgétaire : l’alcool. Une quinzaine d’amendements au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2026 prévoient d’augmenter les taxes sur l’alcool, au nom de la prévention et de la santé publique. Ce durcissement fiscal s’inscrit dans une stratégie plus large de lutte contre les comportements à risque, au même titre que les taxes sur les produits sucrés. Si le gouvernement se défend de vouloir pénaliser les producteurs, il assume une logique « comportementale », jugée efficace pour réduire les dommages liés à la consommation d’alcool.

En France, la fiscalité de l’alcool n’avait pas connu d’évolution majeure depuis plusieurs années. Le plafond de revalorisation des accises, limité à 1,75 % par an, freinait toute hausse significative, même en période d’inflation. Les députés ont donc décidé d’y mettre fin. Le rapporteur général du budget de la Sécurité sociale, Thibault Bazin, a justifié cette suppression en expliquant qu’elle ne provoquerait pas de hausse brutale des prix en 2026, l’inflation étant estimée à 1,3 %. Mais pour les partisans de la mesure, l’enjeu n’est pas tant économique que sanitaire. « Le prix a un effet désincitatif », a fait valoir la députée socialiste Béatrice Bellay, citée par La Revue du vin de France(1). De nombreux travaux vont dans ce sens. Selon l’association Addictions France, une hausse des prix de l’alcool entraîne mécaniquement une baisse de la consommation : ainsi, une augmentation de 10 % du prix des spiritueux pourrait réduire leur consommation de près de 8 %. « La taxe sur l’alcool est souvent décrite comme une stratégie gagnant-gagnant-gagnant : bénéfique pour la santé, bénéfique pour les finances publiques et bénéfique pour l’équité », fait valoir Addictions France.

Pour les défenseurs de cette politique, il s’agit donc d’un instrument de santé publique plus que d’un outil budgétaire. Le raisonnement est simple : en augmentant le coût d’accès, on décourage les excès et on prévient les pathologies associées, du cancer du foie à la cirrhose, sans pour autant interdire la consommation d’alcool. Cette logique rejoint celle appliquée depuis plusieurs années au tabac ou aux sodas, où la fiscalité a été utilisée comme incitation au changement de comportement.

Approvisionnement en bouteilles de gin sur les rayons des supermarchés

Des mesures ciblant les produits les plus attractifs pour les jeunes

Le projet de loi prévoit également d’élargir la taxe sur les boissons dites « premix », ces mélanges d’alcool et de soda prisés par les jeunes adultes. Jusqu’ici limitée aux produits contenant moins de 7 % d’alcool, cette taxe s’appliquerait désormais jusqu’à 25 %. Selon les députés à l’origine de la mesure, l’objectif est de freiner la diffusion de boissons à forte teneur en sucre et à goût sucré, souvent perçues comme inoffensives alors qu’elles facilitent l’entrée dans la consommation d’alcool. Une autre disposition, plus symbolique, crée une taxe de 3 % sur les dépenses publicitaires des marques d’alcool pour les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 10 millions d’euros. Cette taxe, adoptée en commission, vise à réduire la visibilité commerciale des boissons alcoolisées et à limiter leur promotion dans les médias. Pour son auteur, le député Hadrien Clouet (LFI), elle permettra de « rééquilibrer les efforts entre les géants des spiritueux et les petits producteurs ». En d’autres termes, il s’agit de responsabiliser les grandes entreprises du secteur, souvent les plus présentes dans la communication et le marketing, accusées d’entretenir une culture de l’alcoolisation festive.

Ces mesures s’inscrivent dans une approche plus globale : faire de la fiscalité un instrument de prévention. Cependant, d’après le rapport d’Addictions France, les recettes tirées de l’alcool ne reflètent pas le poids réel de chaque catégorie dans la consommation. Les vins représentent 51,3 % des volumes achetés mais seulement 23 % des recettes fiscales, tandis que les spiritueux ne comptent que pour 8,3 % des volumes mais génèrent 55,7 % des recettes. Ce déséquilibre alimente le débat sur la cohérence d’un système de taxes jugé obsolète par les experts en santé publique.

La filière viticole dénonce une « fiscalité punitive »

Face à cette offensive, les représentants de la filière viticole et des spiritueux dénoncent une dérive idéologique. Les producteurs craignent que ces nouvelles taxes sur l’alcool affaiblissent leur compétitivité à l’international, alors même que la France reste le deuxième exportateur mondial de vins et spiritueux après les États-Unis. Les fédérations professionnelles évoquent une « fiscalité punitive » qui frapperait indistinctement petits producteurs et grands groupes.

Les critiques portent aussi sur l’efficacité réelle de ces mesures. Si la consommation moyenne d’alcool en France a diminué de près de 20 % en vingt ans, les viticulteurs estiment que la politique de taxation atteint désormais ses limites. Plusieurs députés ruraux, y compris dans la majorité, ont relayé ces inquiétudes, redoutant que la hausse des prix ne pénalise surtout les territoires viticoles et les cafés de proximité, déjà fragilisés par l’inflation.

Mais pour le gouvernement, le signal politique prime. En intégrant ces amendements au budget dela Sécurité sociale, l’exécutif assume de faire de la fiscalité un instrument de régulation des comportements. Les débats en séance publique s’annoncent houleux, tant la question de l’alcool touche à la fois au patrimoine culturel, à la santé publique et aux équilibres économiques régionaux.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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