« Made in France » : attention, tous les produits tricolores ne le sont pas vraiment !
Entre patriotisme économique et envie de consommer local, le « made in France » séduit de plus en plus. Mais derrière cette étiquette flatteuse, la réalité est souvent plus nuancée.

Si certaines entreprises jouent avec les symboles nationaux, d’autres profitent simplement d’une réglementation permissive. Alors, comment faire la différence entre un vrai et un faux « fabriqué en France » ?
« Made in France » : la règlementation est en effet permissive
Le 27 octobre 2025, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a publié une nouvelle mise en garde sur les mentions trompeuses liées au « fabriqué en France ». En effet, face à l’attrait croissant de ce label auprès des consommateurs, de nombreuses marques surfent sur la vague du patriotisme industriel. Pourtant, toutes ne respectent pas les critères exigés pour apposer la mention « made in France ». Si certaines pratiques relèvent clairement de la tromperie, d’autres sont parfaitement légales : la loi française laisse en effet une large marge d’interprétation.
Le cadre juridique du « made in France » est bien défini dans la loi, mais pas toujours compris du grand public. Contrairement à ce que beaucoup imaginent, il ne suffit pas qu’un produit soit partiellement fabriqué en France pour arborer cette mention. Selon le ministère de l’Économie, un produit ne peut être qualifié de « fabriqué en France » que s’il a été entièrement obtenu dans le pays ou s’il y a subi sa dernière transformation substantielle. En clair, l’étape qui confère au produit sa forme ou sa fonction finale doit avoir eu lieu sur le territoire national.
Dans les faits, cela laisse une grande latitude. Un vêtement conçu à partir de tissus importés, mais cousu en France, peut légalement se revendiquer « made in France ». Idem pour un appareil électronique assemblé dans l’Hexagone à partir de composants asiatiques. Tout dépend du degré de transformation apporté sur le sol français. Cette souplesse explique pourquoi tant de produits affichent fièrement les couleurs bleu-blanc-rouge alors que leur conception, leurs matériaux ou leur chaîne logistique restent largement internationaux.
Les contrôles de la DGCCRF illustrent d’ailleurs ce flou. En 2023, l’administration a contrôlé 1.499 entreprises dans le secteur non alimentaire : 239 d’entre elles présentaient des anomalies, soit près de 16 %. Certaines utilisaient la mention « fabriqué en France » alors que seule l’étape de conditionnement avait lieu dans le pays. D’autres mettaient en avant un drapeau tricolore ou un coq gaulois sans que cela corresponde à une origine réelle.
Quand le marketing s’empare du « made in France »
Si le consommateur pense souvent encourager la production locale, il n’achète pas toujours ce qu’il croit. La DGCCRF observe que certaines entreprises jouent délibérément sur l’ambiguïté : « conçu en France », « marque française », « inspiré en France » ou « conditionné en France » ne sont pas synonymes de fabrication française. Pourtant, ces mentions sont fréquemment mises en avant sur les emballages, au même titre que des symboles patriotiques.
Un récent exemple illustre bien le problème : une entreprise normande vendait du film alimentaire présenté comme « fabriqué en France ». En réalité, le produit provenait d’un autre pays européen et n’était que redécoupé et emballé sur place. Autre cas relevé en Isère : des billes d’argile arborant fièrement un logo tricolore alors que la matière première provenait d’Allemagne. Seul le conditionnement final avait lieu en France.
Ces pratiques ne relèvent pas toujours de la fraude caractérisée. Dans bien des cas, la réglementation permet d’apposer la mention « fabriqué en France » dès lors qu’une étape essentielle de transformation est réalisée sur le territoire. Mais cette subtilité échappe souvent aux consommateurs, qui associent spontanément la mention à une production 100 % nationale. Ce décalage alimente un sentiment de tromperie, voire de « marketing patriotique » abusif.
Pourtant, de nombreuses entreprises respectent scrupuleusement les règles. Certaines vont même au-delà, en recherchant des certifications plus exigeantes comme le label « Origine France Garantie », qui impose qu’au moins 50 % du prix de revient unitaire soit d’origine française et que la caractéristique essentielle du produit soit réalisée en France. Mais ce label reste minoritaire : la grande majorité des produits « made in France » se contentent de la mention générique, moins contraignante.
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La transparence sur l’origine, un point d’honneur pour les entreprises de bonne foi
Pour s’y retrouver, le consommateur doit redoubler d’attention. Le réflexe le plus sûr consiste à lire attentivement l’étiquette ou l’emballage, au-delà des logos et des slogans. Une simple mention « assemblé en France » ou « conditionné en France » indique souvent qu’une partie du processus seulement a eu lieu sur le territoire. La DGCCRF rappelle d’ailleurs que « tous les produits arborant un drapeau tricolore ne sont pas forcément fabriqués en France ».
La prudence s’impose aussi face aux prix trop attractifs : un produit se disant « fabriqué en France » mais vendu à un tarif équivalent à celui d’une importation de masse mérite vérification. En cas de doute, il ne faut pas hésiter à interroger la marque sur l’origine réelle des composants ou sur les étapes de production. Les entreprises transparentes n’ont aucun mal à détailler ces informations.
Le consommateur averti peut également se fier aux labels officiels : « Origine France Garantie » pour les biens manufacturés, « Entreprise du Patrimoine Vivant » pour le savoir-faire artisanal, ou encore « France Terre Textile » pour le textile. Ces signes distinctifs apportent un niveau d’assurance bien supérieur à la simple mention « made in France ».
Mais le plus important reste de comprendre que l’étiquette « fabriqué en France » n’est pas un gage absolu. Elle repose sur une logique juridique et douanière, non sur une définition morale ou patriotique. Autrement dit, un produit peut être « légalement français » sans l’être complètement dans son essence. C’est cette frontière, subtile mais essentielle, que la DGCCRF s’efforce de faire respecter à travers ses contrôles réguliers.
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