Fraises d’Espagne : les abus continuent, leur boycott se fait attendre

Malgré les nombreux reportages sur les conditions de travail épouvantables et les violences dramatiques dans les fermes à fraises en Espagne, une seule chaîne de supermarchés en Europe les a à ce jour boycottées.

Rédigé par Anton Kunin, le 9 May 2022, à 11 h 19 min
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Le Danois Salling Group, qui détient les supermarchés Føtex, Netto et Bilka, est le seul en Europe à avoir refusé d’acheter des fraises en provenance des alentours de la ville de Huelva, au sud de l’Espagne, où les travailleuses qui les cueillent subissent constamment des menaces et des violences sexuelles.

Culture de fraises en Espagne : un véritable système d’exploitation émaillé de violences inacceptables

La réponse judiciaire se fait toujours attendre pour les femmes marocaines qui subissent des menaces et des violences sexuelles dans les fermes à fraises, aux alentours de la ville de Huelva, au sud de l’Espagne. Tout comme le boycott de ces fraises par des supermarchés à travers le continent (à l’exception du Danois Salling Group, qui a fait connaître en mars 2022 sa décision d’arrêter ses achats). Les cas d’abus ne sont pas isolés dans la culture de fraises en Espagne, et pour cause : 16 femmes travaillant ou ayant travaillé dans 7 fermes à fraises différentes au sud de l’Espagne, ont livré en juillet 2021 des témoignages concordants aux journalistes d’Al Jazeera et le média d’investigation danois Danwatch.

Ces femmes, arrivées avec des visas de travailleurs saisonniers, censées repartir au Maroc après la saison de cueillette, racontent n’avoir droit qu’à 30 minutes de repos par jour, tout en travaillant sous serre, alors que les températures avoisinent les 40 degrés. Chaque sortie aux toilettes fait l’objet d’une pénalité, selon leurs récits. Et pour avoir droit à de l’eau et de la nourriture, elles seraient obligées d’avoir des relations sexuelles avec leurs supérieurs, rapportent-elles également.

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Les femmes marocaines victimes d’abus sexuels en Espagne

Dans les années 2000, les fermes à fraises en Espagne employaient surtout des hommes marocains. Mais ces derniers avaient du mal à accepter les piètres conditions de travail et réclamaient le respect de leurs droits. Au milieu des années 2010, les patrons ont donc considéré que les femmes étaient plus « dociles ». Malgré des plaintes déposées par ces femmes, la police espagnole a refusé d’activer les protocoles nationaux en matière de traite d’êtres humains, ce qui aurait permis à ces femmes d’obtenir de l’aide et du soutien le temps de l’instruction de leurs dossiers. Et aucune audition par la justice espagnole n’a encore eu lieu à ce jour dans ce dossier.

les fraises d'Espagne

Les fraises en provenance des alentours de Huelva sont vendues par de grands supermarchés au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en France, Belgique, Danemark, Allemagne et Suède. 400.000 tonnes de fraises sont cueillies dans cette région chaque année, ce qui a valu à la fraise le surnom d’« or rouge » en Espagne. La majorité de ces fraises sont vendues à l’export, qui représente 580 millions d’euros par an. Difficile donc pour les défenseurs de ces femmes victimes d’abus de convaincre tant les supermarchés que les pouvoirs publics espagnols d’arrêter leur soutien à ce triste système.

Des fraises d’Espagne polluées aux pesticides

Outre le recours à une main-d’oeuvre exploitée, maltraitée et sous-payée, les fraises en provenance d’Espagne sont arrosées de pesticides pour permettre un rendement maximal. Des pesticides, mais également des fongicides et des insecticides dont certains sont pourtant interdits en Europe. Les risques pour la santé sont réels, la plupart de ces produits chimiques étant considérés comme des perturbateurs endocriniens.

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Mais à l’heure où le porte-monnaie des Français est impacté par les prix à la hausse, les fraises d’Espagne ont un argument de taille : un prix imbattable. C’est pourquoi leur succès est encore assuré, malgré la face sombre de leur exploitation…

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

5 commentaires Donnez votre avis
  1. Mais à quoi sert l’Europe si c’est pour fermer les yeux sur tous les abus : utilisation de produits interdits et surtout exploitation de ces femmes dans tous les sens du terme. C’est équerrant et honteux.

  2. Il faudrait ne plus en acheter, c’est facile à dire, je comprends que tous les porte-monnaie ne peuvent accéder aux fraises françaises.

    • Il n’y à pas que les fraises de France comme alternative
      Il y aussi l’achat de fraise directement chez le producteur
      C’est moins cher
      Il y a aussi certains producteur qui propose aux gens de venir
      eux mêmes cueillir les fraises sur leur terrains c’est moins cher
      Faire son propre jardin

      Il ne faut pas oublier que les fraises en provenance d’Espagne sont arrosées de pesticides pour permettre un rendement maximal.
      Des pesticides, mais également des fongicides et des insecticides dont certains sont pourtant interdits en Europe.
      Les risques pour la santé sont réels, la plupart de ces produits chimiques étant considérés comme des perturbateurs endocriniens.

  3. Monsieur Kunin,

    Merci pour votre article, qui explique pourquoi j’ai été très étonné de ne plus avoir vu de fraises espagnoles dans les supermarchés belges depuis +/- janvier 2022 ( notamment Carrefour Belgique, Aldi Belgique (?), Delhaize et Albert Hein Belgique, je crois Albert Hein Nederland ). Je ne fréquente pas régulièrement les magasins Colruyt ni Lidl Belgique ( Spar et autres chaînes ont une importance très mineure ).

    En tout cas aucune indication d’origine espagnole dans les publicités ni aucun prix cassé depuis janvier 2022 ( sauf AH Belgique en ce début mai 2022, 3€ les 500g, pour des fraises cultivées/en provenance de la criée de Hoogstraten au nord de Antwerpen ( Anvers ) en Belgique.

    Je ne crois pas que les fraises espagnoles soient « naturalisées » belges dans les criées de Hoogstraten, BelOrta et Wépion ( détenues par les producteurs locaux.

    J’en conclus que s’il n’y a aucun boycott officiel de la part es distributeurs belges, il y a un boycott de fait.
    Qu’en pensez-vous ?

    Meilleures salutations.

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