En Birmanie, un moine jardinier cultive des plantes et des âmes

« Mon nom est Pyin Nyaw Ba Tha, mais ici tout le monde m’appelle ‘le jardinier' ». Reportage photographique de Maxime Calligaro pour consoGlobe sur le moine jardinier Pyin Nyaw Ba Tha qui « fait pousser des êtres et des arbres » dans un pays happé par un développement économique rapide, les tensions ethniques et une transition démocratique encore fragile.

Rédigé par Maxime Calligaro, le 28 May 2017, à 17 h 21 min
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“Mes élèves sont mes plantes”

« Mes élèves sont mes plantes« , confie le moine qui tient plus du chef d’entreprise que du jardinier. Il répond aux questions tout en distribuant les ordres – entre enseignants et parascolaires il gère une centaine d’employés -, dégainant alternativement ses deux smartphones. Il s’interrompt pour saluer les nombreux mécènes venus se prosterner devant lui et contribuer à la santé financière de l’établissement.

moine jardinier

Prêche Dhamma délivré par le vénérable Pyan Nyaw aux généreux donateurs de l’école.

L’école repose sur lui et sur son nom. Les donations individuellement sont nombreuses, mais ce sont surtout ses prêches “dhamma” – ces sermons publics délivrés à l’invitation de résidents d’un quartier, qui permettent de faire tourner l’école dont la fréquentation a plus que doublé en dix ans. 2500 dollars en moyenne pour une heure de prêche de cette célébrité qui occupe la onzième position dans le clergé bouddhiste birman. L’ensemble des bénéfices est reversé au monastère, mais Pyin Nyaw en profite pour s’offrir quelques plaisirs coupables avoue-t-il en lorgnant sur une canette de Coca-Cola glacée alors que, dehors, la chaleur monte jusqu’à 40 degrés.

moine jardinier

5h du matin, direction la salle de prière et de méditation.

Je vous présente Tun Tun, mon assistant”, dit-il qu’une tête passe par une la porte entrouverte de son bureau. Tun Tun Win, la quarantaine, visage rond et affable, raconte avec fierté comment il en est venu à travailler pour le moine. Avant d’être son assistant, Tun Tun était dirigeant dans une compagnie pétrolière basée à Singapour. Un jour, ce pieux businessman rencontre Pyin Nyam qui vient de perdre son chauffeur. « J’ai sauté sur l’occasion » dit-il, pas mécontent de son effet. « Des regrets ? Non, j’en avais assez de vivre dans les avions, et de n’avoir pour but que l’argent. Ma vie est plus riche ici« , confie-t-il dans un anglais impeccable.

moine jardinier

Dans l’école Pann Pyo Let, tout le monde met la main à la pâte.

Les journées sont remplies et rythmées dans l’école monastique de Pyin Nyaw. À cinq heures du matin, alors qu’il fait encore nuit noire, une nuée d’élèves somnolents se dirige vers la grande salle de prière pour 15 minutes de chant et 30 minutes de méditation – une heure pour la moitié des élèves qui suivent le cursus religieux, proposé mais non obligatoire dans cette école “mixte”.

Six heures : petit déjeuner collectif et toilette. Sept heures : une heure réservée au nettoyage de l’école par les élèves eux-mêmes – dans ce pays sorti de l’isolation et plongé subitement dans la société de consommation, l’éducation environnementale est complètement à faire, l’état des rues des grandes villes et des plages en témoigne. Pour les moines novices, le tour des villages alentour pour récolter les aumônes. Huit heure, la classe peut commencer.

Faire pousser des êtres, et des arbres

Mais comme si scolariser les enfants et les initier à la protection de l’environnement ne suffisait pas, Pyan Nyaw, moine-jardinier hyperactif s’est donné une autre mission : “Je ne fais pas que faire pousser des êtres, je fais pousser des arbres”. Depuis 2004, il achète les terrains alentour pour le reboiser.

Un jour, j’ai appris que la Birmanie connaissait un grave problème de déforestation. Nous sommes le troisième pays le plus touché après le Brésil et l’Indonésie » dit-il d’un air triste. « Bon sang, le Bouddha prêchait sous un arbre, nous avons une dette envers les arbres !« . Il se lance donc dans la replantation de 400.000 mètres carrés d’arbres divers et variés qu’il fait visiter à bord d’une voiturette électrique. 70 % du terrain est à présent reboisé, et certaines parcelles viennent visiblement d’être plantées.

moine jardinier

Et il y a beaucoup à faire !

J’attends l’aide de la mousson », dit-il alors qu’à cette période de l’année, qui correspond à l’arrivée du printemps en Europe, la Birmanie n’a pas vu la pluie depuis des mois. Très vite, son projet attire l’attention du public et il décide d’user de son influence pour oeuvrer au processus de paix du pays.

Lire la suite page suivante : Un jardin pour la paix

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Ancienne plume de politiques, Maxime a été formé au journalisme à Londres dans les locaux du journal 'The Economist', grâce au programme Nico Colchester....

1 commentaire Donnez votre avis
  1. Bonjour,

    Je suis énormément intéressé par le projet et étant à la recherche d’une expérience dans le volontariat social et solidaire, je voudrais savoir s’il était possible de se rendre là bas et de proposer de l’aide à Pyin afin de l’aider autant au niveau de l’éducation qu’au niveau naturel.

    Merci d’avance pour votre réponse, très bon article sinon, voilà ce qui devrait passer au 20h, ce genre d’initiatives!

    Cordialement,
    Lucas

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