Cruselita (2). Derrière des bijoux, des hommes et la nature

Rédigé par Consoglobe, le 10 Dec 2009, à 12 h 03 min

Deuxième partie de l’interview d’Emeric Creuse, co-fondateur de la marque de bijoux et accessoires « éthiques », Cruselita,  qui nous explique et nous révèle les « dessous » de ses produits, de l’origine de leurs matières premières à leur distribution. L’occasion de découvrir une démarche réellement durable et passionnée, malgré les obstacles et les progrès qui restent à faire.

Developpement durable articlePhoto : Olivier Chauvignat

 consoGlobe : Pour votre collection récup’, vous indiquez que les emballages métalliques sont récupérés dans des déchetteries et triés sur place : avez-vous des garanties quant aux conditions de travail des personnes chargées de cette collecte ?
Emeric Creuse : La collection Récup’ est un projet éthique global sur lequel nous avons passé beaucoup de temps et qui nous tient particulièrement à coeur.
À Madagascar, seulement 6 % des déchets sont ramassés périodiquement. Les quantités de déchets dans la seule capitale Antananarivo sont estimées à 70 tonnes par jour. Il n’y a pas de déchetteries mais des décharges à ciel ouvert. Durant les mois qui ont suivi la crise politique de janvier 2009, j’ai pu constater que la situation peut rapidement se dégrader dramatiquement lorsque le ramassage régulier n’est plus du tout assuré : bennes débordantes en centre ville, odeurs pestilentielles, la saison des pluies et le ruissellement des eaux aggravant les risques sanitaires.
Malgré l’opiniâtreté du père Pedro dont l’association Akamasoa fait vivre aujourd’hui une quasi-ville de 20000 âmes, « le peuple de la décharge » existe toujours, avec une véritable organisation informelle. En effet lorsque les camions qui transportent les bennes arrivent à la décharge à ciel ouvert situé à 7 km du centre, les ordures ont déjà été en partie triées au niveau des bennes et même au niveau des ordures des ménages. Il semblerait que chaque benne soit gérée par une famille qui en ait en quelque sorte l’usufruit. Une fois triés les déchets sont récupérés par des collecteurs spécialisés qui les revendent à des grossistes ou des marchands.

Developpement durable articleSource : Frehel Cap Amitié Partage

Pour la fabrication de cette collection nous travaillons avec des artisans d’Anosybe l’un des quartiers les plus pauvres de la capitale. Aujourd’hui 8 collecteurs sont chargés pour ces artisans de récupérer les plaques d’emballages métalliques sélectionnés et c’est apparemment très compliqué. Pour répondre à votre question : les conditions de collecte sont miséreuses et nous n’avons malheureusement pas pour l’instant les moyens d’y remédier. Mais ce qui est certain c’est que grâce à nos commandes des artisans illettrés gagnent plus qu’un employé de banque lambda, que leurs enfants sont scolarisés, et qu’à travers notre petite filière nous prouvons qu’il est possible de valoriser avec humour et décalage des déchets.
Nous aimerions aller plus loin dans la démarche et recherchons des soutiens financiers, des associations partenaires qui agissent dans ce domaine, des artistes, des chercheurs, ou encore des reporters-cinéastes qui aimeraient témoigner sur la filière ‘Recup’.

Avez-vous d’autres projets de développement durable sur place ?
Oui : au delà de nos activités et partenariat avec les producteurs d’artisanat nous finançons un projet de protection de la biodiversité et d’aménagement intégré en partenariat avec WWF_Madagascar et Fanamby dans la zone protégée de la fameuse allée des baobabs proche de Morondava.

Developpement durable articleSource : http://www.alleedesbaobabs.org

Pouvez-vous nous dire combien de temps il leur faut pour fabriquer un bijou de vote collection Récup’ ?
Par exemple pour une paire de boucle d’oreille capsule, il faut une demi-heure de la fabrication jusqu’au conditionnement mais pour cela il faut que tous les éléments et intrants soient disponibles ! En effet la collecte et la sélection des plaques d’emballages métalliques est un processus long, les apprêts des bijoux (dormeuse, anneaux, chaines …) et leur traitement de surface sont réalisés en France, puis les bijoux sont montés, contrôlés, conditionnés dans notre propre atelier de finition à Madagascar ; enfin la pochette cadeau est fabriquée en coton malgache par un autre groupe d’artisans. Il s’agit avant tout de bien coordonner toutes ces étapes.

Developpement durable articleBijoux Cruselita, collection Récup’

Au plan environnemental, quels sont les arguments qui démontrent que vos bijoux -sont plus écologiques que des bijoux « lambda » ?
Nous sommes très vigilants et contrôlons dans la mesure du possible tous les processus et les étapes, tout en restant pragmatiques. L’origine des matières premières est très importante et nous ne travaillons qu’avec des matières premières recyclées ou naturelles issues d’une gestion durable.
Par exemple nous avons dessiné une collection de bijoux en bois précieux, mais jusqu’à maintenant nous n’avons pas identifié de fournisseur de bois qui puisse nous garantir la traçabilité des essences que nous recherchons (ébène, palissandre…). La conséquence ? Pour le moment cette collection reste dans nos tiroirs !

Developpement durable articleBijoux Cruselita en coton crocheté

Pour notre collection en crochet, le coton n’est pas bio, tout simplement parce qu’il n’y a pas de coton bio à Madagascar. Évidemment nous pourrions importer du coton bio par voie aérienne mais le bilan carbone serait alourdi.
Par contre nous avons des pistes pour faire du crochet avec du coton de récupération. Et bien entendu, les zébus d’élevage dont nous récupérons la corne sont tués pour leur viande. La fabrication fait intervenir très peu d’intrants et il n’y a pas de processus industriel sachant que tout est fait à la main par des artisans aux savoir-faire affutés.

Mais, pour la collection Récup’,  fabriquer vos apprêts en France et non au même endroit que les bijoux (Madagascar) alourdit votre impact environnemental ?
A Madagascar il n’y a pas de fabrication d’apprêt, tout vient d’Asie et la qualité est vraiment médiocre. Les apprêts sont fabriqués et traités en France parce nous exigeons une qualité irréprochable à pour nos clients et que les eaux usées des traitements de surfaces peuvent être très nocifs pour l’environnement. Nous tenions à travailler avec des entreprises qui garantissent le respect des normes européennes en vigueur.

Developpement durable articlePar contre, pour les collections de bijoux Cruselita en crochet et en corne les apprêts sont en argent 925 fabriqués à Madagascar mais nous ne connaissons pas l’origine de l’argent ni les conditions d’extraction dans les mines. Il faudra qu’on se penche sur ce sujet !

Et qu’en est-il du transport de vos bijoux ?
Le transport des produits est malheureusement aérien. Cette situation est surtout imposée par les contraintes du marché. Lorsque qu’un point de vente commande sur les salons début septembre, en général il veut être livré le plus rapidement possible et de toute façon avant fin novembre pour ses ventes de Noël. Entre des temps de fabrication longs, des transits time containers minimum Madagascar-Marseille de 35 jours, il est impossible de livrer les clients selon leur souhait par voie maritime.
Bien entendu j’espère que les mentalités changeront et que le rythme frénétique de la mode saura évoluer et s’adapter aux conditions nécessaires à mettre en oeuvre pour sauvegarder de notre planète. En attendant ce jour nous sommes en train de mettre en place une compensation carbone.

Lire la première partie de l’interview

A découvrir : les bijoux Cruselita dans la boutique consoGlobe 

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