Demain je crée mon jardin sauvage

Pour beaucoup d’entre nous, le terme « jardin sauvage » est un oxymore : ou c’est un jardin, ou c’est sauvage ! On a du mal à imaginer un jardin où on laisserait pousser les « mauvaises herbes », où tout ne serait pas aligné au cordeau, avec séparation nette des espèces.

Rédigé par Paul Boucher, le 12 Apr 2022, à 17 h 37 min
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Pourtant, un mouvement de plus en plus fort se fait vers ce type de cultures, se fondant même sur des recherches scientifiques les plus pointues.

 Pourquoi un jardin sauvage ?

La notion de « jardin sauvage » prend racine – si on peut dire – dans le romantisme anglais du XIXsiècle, notamment dans les écrits du jardinier irlandais William Robinson (1838-1935), auteur de The Wild Garden (1870).
Pour leur donner un caractère plus naturel, Mr. Robinson veut laisser entrer dans ses jardins les fleurs rustiques. À l’époque, le souci était plus esthétique qu’écologique. On est en plein dans la poésie de Byron ou les romans des soeurs Brontë.

jardin sauvage

Un jardin sauvage n’est pas un espace abandonné à la nature. Il faut l’organiser pour ne pas qu’il se transforme en friche © Andrew Roland

Mais aujourd’hui, alors que l’agriculture intensive transforme les paysages, que les zones humides, les friches, les landes sauvages sont détruites pour favoriser des activités « rentables », on cherche à réintroduire la nature dans des espaces non-productifs liés à l’activité humaine, afin de favoriser la biodiversité, de créer des couloirs permettant le déplacement des espèces, de conserver des plantes indigènes, de réduire les intrants chimiques.
Ainsi, petit à petit les jardins publics, les berges d’autoroutes, les bords de chemins, les ronds-points, et, bien sûr, les jardins privés, se transforment et deviennent (un peu) plus sauvages.

Par où commencer ?

La première chose à faire est peut-être… de ne rien faire ! En tout cas de ne pas se précipiter. Comme disait Lao Tseu(1) : un voyage de mille kilomètres commence par un seul pas.
De même, « ensauvager » son environnement n’est pas l’affaire d’un après-midi. Et puis, cela peut avoir des effets inattendus sur vous-même, sur votre entourage, sur votre façon de vivre.

Commencez par observer votre terrain et par réfléchir. Renseignez-vous avant de faire quoi que ce soit.  Qu’est-ce que vous voulez, qu’est-ce que vous pouvez faire chez vous ? Il n’y a pas qu’une sorte de jardin sauvage, ni une seule façon de procéder. Tout dépend de la nature du sol et de la grandeur du terrain, de vos objectifs et de votre style de vie, du climat de votre région.
Une rocaille semi-naturelle en milieu méditerranéen ? Un étang bordé d’arbres dans le bocage normand ? Un verger-potager ou une prairie naturelle dans la Creuse ? Faut-il mélanger zones boisées, zones cultivées et zones herbacées ? Planter des haies ou des parterres de fleurs et/ou de légumes, laisser certaines zones en friche ?(3)

coup de coeur

Le jardin naturel, de Jean-Marie Lespinasse

Depuis 40 ans, Jean-Marie Lespinasse pratique le jardinage. Il fut toujours désireux de réaliser un jardin d’une conception proche de celle de la nature, sans produits chimiques, loin des contraintes des cultures contemporaines : labour, engrais, traitements phytosanitaires, désherbage…

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Les principes de base

Dans tous les guides, sur tous les sites, on retrouve à peu près les mêmes principes de base :

  • Ne pas utiliser de produits toxiques pour la faune et la flore : engrais chimiques et pesticides de toutes sortes (insecticides, fongicides, anti-mousses, etc.) ;
  • Déranger le sol le moins possible : ni labour, ni bêchage, ni même sarclage pour les plus radicaux ;
  • Utiliser des couvre sols plutôt que des engrais, soit sous forme de compost ou de paillage (le mulch) réparti à même le sol, soit sous forme d’engrais verts (trèfle blanc, luzerne, féverole, lupin) ;
  • Mélanger les plantes, avec, dans la mesure du possible, des plantes indigènes locales et des plantes utiles aux espèces animales (arbres à baies, plantes mellifères, fleurs simples produisant nectar) ; en tout cas des plantes robustes qui restent saines sans recours aux produits chimiques ;
  • Ne pas essayer de tout contrôler et accepter de se laisser surprendre : laisser de nouvelles espèces s’installer spontanément, laisser pousser la pelouse par endroits, tailler moins souvent les haies, conserver du bois mort.

L’idée derrière tout ça est de laisser se réinstaller petit à petit les équilibres naturels. Exemple : vos salades bio sont envahies par des limaces. Catastrophe ! Comme vous vous interdisez, à juste titre, les produits anti-limaces chimiques, vous n’avez bientôt plus de salades.
Mais au lieu de vous énerver, réfléchissez : pourquoi est-ce qu’il y a toutes ces limaces chez moi ? Qui sont les ennemis naturelles des limaces ? Les hérissons, ou les poules si j’en ai, ou tout simplement moi, si je les enlève manuellement.

Comment faire pour qu’il y ait des hérissons dans mon jardin ? Peut-être faudrait-il que je veille à ce qu’ils aient un lieu où hiverner. Donc la prochaine fois que je coupe du bois, je laisserai le tas sur place, en aménageant un abri hérisson.

Quelques exemples de projets simples

Le plus facile pour commencer peut être tout simplement d’arrêter de tondre son gazon. Ou de laisser au moins une partie non tondue. Ou de ne le tondre qu’à certains moments de l’année, pour favoriser par exemple, l’éclosion de fleurs sauvages qui vont nourrir les insectes, qui eux, nourrissent les oiseaux.
Ou ne pas tondre avec une tondeuse, mais faucher manuellement.

jardin sauvage

Moins tondre et laisser pousser les végétaux feront le bonheur des hérissons © Coatesy

Quand on construit un muret de jardin, on le fera en « pierres sèches », c’est-à-dire sans ciment, on peut aussi remplacer le ciment par de la glaise, ce qui permettra aux crapauds et aux plantes sauvages de s’y installer.

Un autre projet, un peu plus difficile et plus long à produire ses effets, consiste à planter des haies ou des bosquets d’arbres à fruits ou d’arbustes à baies. Une haie libre, c’est-à-dire non taillée, a l’avantage de pouvoir fleurir et produire des fruits, et d’être ainsi plus attrayante pour les insectes, oiseaux et mammifères.
Les espèces épineuses protègent les petits animaux de leurs prédateurs, comme les chats et autres, les espèces persistantes leur offrent un abri en hiver.

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Professeur d’université à la retraite, Paul aime observer le monde moderne et ses évolutions. Il s’intéresse tout particulièrement à l’économie...

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