Quand la nature perd le nord : l’étrange cas de la fasciation
Une tige qui ressemble à un ruban, une fleur qui se multiplie sans fin, un légume à l’allure grotesque… Le monde végétal recèle des anomalies qui défient la logique du vivant. L’une d’elles intrigue autant qu’elle séduit : la fasciation. Un phénomène rare, parfois spectaculaire, toujours déroutant.

Alors que les réseaux sociaux regorgent d’images de tomates difformes, de cactus spiralés ou de brocolis géants, un terme ancien refait surface dans les forums de jardiniers : la fasciation. Ce mot savant désigne une anomalie de croissance aussi spectaculaire qu’énigmatique, capable de transformer une plante ordinaire en curiosité botanique. Entre trouble génétique, réponse au stress ou simple caprice de la nature, cette bizarrerie intrigue les scientifiques depuis des siècles et fascine, littéralement, les amateurs de jardinage. Mais que cache vraiment cette déformation végétale ?
Quand les plantes déraillent : la fasciation à l’oeuvre
Imaginez une tige qui se transforme en ruban. Ou une inflorescence qui s’étale comme un éventail froissé. Bienvenue dans l’univers de la fasciation, une altération de la croissance apicale qui survient lorsque les cellules du méristème – le tissu de croissance de la plante – se mettent à proliférer de manière anarchique. Résultat ? Des tiges en crête, des fleurs fusionnées, des fruits difformes… ou des compositions florales que ne renierait pas Salvador Dalí.
D’où vient ce désordre végétal ? D’un caprice génétique ? D’un stress environnemental ? D’une infection bactérienne ? À vrai dire, toutes ces réponses sont valables. La fasciation est un phénomène multifactoriel. Elle peut :
– survenir après un traumatisme (gel, morsure d’insecte, blessure par outil) ;
– résulter d’un déséquilibre hormonal (notamment de l’auxine) ;
– être causée par des agents pathogènes comme le bactérie Rhodococcus fascians ;
– ou s’expliquer par une simple mutation spontanée.
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Ni contagieuse, ni éternelle : une curiosité sans danger
Derrière cette anarchie cellulaire se cache parfois la génétique. Certaines plantes peuvent transmettre la fasciation par graines, tandis que d’autres ne la conservent que par bouturage ou greffage. La bonne nouvelle ? La fasciation n’est ni contagieuse ni irréversible. Elle ne s’étend pas à d’autres parties de la plante ni aux plantes voisines. Et chez les vivaces, elle peut disparaître d’elle-même l’année suivante. Le site de la Royal Horticultural Society (RHS) le confirme : « Ce phénomène rare et imprévisible est souvent limité à une seule pousse et ne réapparaît pas d’année en année ». En cas de gêne esthétique, une simple coupe suffit. Les parties déformées peuvent être taillées sans nuire à la santé globale du végétal.
Une étrangeté naturelle à domestiquer ?
La fasciation peut même conférer un avantage agronomique. « La valeur commerciale de la tomate repose en grande partie sur une mutation fasciée préhistorique ayant entraîné l’augmentation de la taille du fruit », rappelait un article de The Botanical Review. Les fraises géantes soudées, les brocolis hypertrophiés ou les tomates beefsteak doivent en partie leur apparence à cette mutation.
Que faire si vous croisez une plante fasciée dans votre jardin ? Rien, ou presque. Vous pouvez l’admirer. Ou la tailler. Ou la multiplier si l’aspect vous plaît. Une plante fasciée peut être une monstruosité ou une variation fascinante, tout dépend du regard que l’on porte. Et si vous tombez sur une tige déformée dans vos tomates cet été… gardez-vous bien de l’arracher. Elle cache peut-être un miracle génétique ancestral — et un sujet de conversation idéal pour votre prochaine promenade botanique.
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