Pâques : des chocolats au goût amer pour la planète

Oeufs, lapins, poules, cloches… Derrière les gourmandises chocolatées de Pâques, une industrie du chocolat aux impacts sociaux et environnementaux désastreux. Dès lors, est-il possible d’accommoder plaisir du palais et protection de la planète ?

Rédigé par Cecile, le 10 Apr 2023, à 10 h 10 min
Pâques : des chocolats au goût amer pour la planète
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Qui dit week-end pascal, dit nécessairement oeufs de Pâques et autres gourmandises au chocolat, des friandises dont nous raffolons dans l’Hexagone. La consommation moyenne de chaque Français s’élèverait à environ 6,4 kg par an, d’après les chiffres du Syndicat du chocolat. Rien qu’à Pâques, nous serions capables d’en dévorer près de 15 000 tonnes, pour le plus grand plaisir des acteurs de cette filière dont la croissance annuelle ne faiblit pas. Malheureusement, si ce marché prospère profite aux commerçants français, il ne fait pas le bonheur des millions de petits producteurs de cacao, dont 75 % se trouvent en Afrique.

L’industrie du chocolat :  des impacts environnementaux et sociaux particulièrement désastreux

Ces producteurs de cacao, dont le nombre est estimé à environ 6 millions, vivent pour la plupart sous le seuil de pauvreté, car la majorité des bénéfices – près de 80 % du marché – revient principalement à cinq multinationales : Nestlé, Ferrero, Hershey, Mars et Mondelez, selon l’ONG Mighty Earth. Ainsi, alors que la majeure partie de la production de chocolat provient d’Afrique et notamment de Côte d’Ivoire, seuls 3 % des profits reviennent au continent africain.

Autre problématique selon l’Unicef : le travail de près de deux millions d’enfants sur ces productions cacaoyères, notamment en Afrique de l’Ouest. Enfin, l’industrie du chocolat n’est pas sans conséquences pour l’environnement. Car pour laisser place aux cacaotiers, la déforestation est de mise. La forêt primaire d’Afrique de l’Ouest est particulièrement visée et sa disparition met à son tour en péril toute la biodiversité.

En 60 ans, la Côte d’Ivoire aurait ainsi perdu près de 90 % de ses forêts.

une plantation de cacao

La production de cacao entraîne une vaste déforestation – © iStock.

En outre, les nombreuses étapes de la production et de l’export de chocolat dans le monde émettent des quantités considérables de gaz à effet de serre. On estime ainsi que pour un kilo de chocolat, près de cinq kilos de CO2 seraient générés, sans compter des milliers de litres d’eau – près de 3 400 – nécessaires à la fabrication d’une seule tablette de chocolat. Un impact environnemental conséquent, qui fait d’ailleurs dire à certains experts que le monde pourrait venir à manquer de chocolat d’ici 2050. Selon ces chercheurs, seuls 10 % des 300 exploitations observées pour les besoins de cette étude seraient encore en mesure de produire du cacao en raison du réchauffement climatique. Dès lors, peut-on faire rimer dégustation de chocolat et consommation responsable ?

Peut-on vraiment faire confiance aux chocolats certifiés équitables ?

Les consommateurs peuvent commencer par opter pour du chocolat labellisé bio. Le label bio français AB permet de s’assurer qu’au moins 95 % des ingrédients employés dans la fabrication du chocolat proviennent de l’agriculture biologique. Néanmoins, les produits estampillés bio ne sont pas nécessairement la garantie d’une juste rémunération pour les producteurs. Pour cela, il conviendrait a priori de se tourner vers les labels équitables, tels que FairTrade Max HavelaarFair for life, World fair trade organization,, AgriÉthique FranceBio Partenaire, Le Symbole des producteurs paysans, Ecocert équitable ou encore Paysans d’ici d’Ethiquable, Ensemble de Biocoop et d’autres.

Outre une garantie de traçabilité, le commerce équitable assure notamment un prix d’achat minimum aux petits producteurs de cacao, auquel s’ajoute une prime permettant le développement d’un projet social, économique ou écologique profitant à la collectivité locale. Mais la majeure partie du cacao labellisé équitable provient du Pérou, de République dominicaine et d’Équateur, contrairement au cacao sans label, en provenance principale de Côte d’Ivoire. Autre limite au commerce équitable : le prix d’achat minimum dont bénéficient les producteurs est certes nécessaire, mais son niveau est bien souvent encore insuffisant.

des fèves de cacao

Les labels équitables ne sont pas forcément la garantie de conditions de vie meilleures pour les producteurs – © iStock.

Autre problématique : une traçabilité… pas si assurée. En effet, certains labels préfèrent opter pour une traçabilité davantage « comptable » que réelle, basée sur des équations de production simples du type « tant tonnes de fèves issues d’une production équitable doivent servir à produire tant de tonnes de chocolat labellisé équitable ». Mais en pratique, du cacao issu de filières conventionnelles peut très bien se retrouver mélanger pour des questions de praticité. Dès lors, impossible d’affirmer avec certitude à un consommateur s’apprêtant à croquer dans un carreau de chocolat équitable que sa tablette l’est entièrement.

Enfin, Le Basic soulignait en 2016 que les plantations de cacao, même certifiées équitables, pouvaient avoir quand même recours au travail d’enfants. En outre, la fameuse prime équitable ne serait parfois réinvestie qu’à hauteur de 20 % dans le développement de services locaux, 30 % étant directement destinés aux producteurs, qui n’en feraient pas nécessairement bénéficier la population locale.

Attention également aux labels créés par les multinationales, à l’instar de Cocoa Plan, fondé par Nestlé. Ces labels non contrôlés par un organisme indépendant ne permettraient pas d’affirmer avec certitude que les conditions de vie des producteurs sont réellement améliorées.

A lire aussi : Produits du commerce équitable : démêler le vrai du faux

Un chocolat bio et équitable, le combo minimal pour consommer éthique ?

A contrario de la traçabilité équitable, le label bio permet bien de s’assurer de la traçabilité physique des fèves de cacao, laquelle est obligatoire.

Si le consommateur choisit d’acheter du chocolat labellisé bio et issu du commerce équitable, il peut a minima s’assurer que les producteurs sont un peu mieux rémunérés et qu’aucun produit chimique n’a été déversé dans les plantations.

En France, près de 90 % du chocolat équitable serait d’ailleurs labellisé bio, les deux labels se complétant bien. En effet, certains producteurs commenceraient par intégrer le commerce équitable et se serviraient de ses retombées pour investir dans des pratiques écologiques, afin d’obtenir le label bio.

Autres alternatives intéressantes : Le Club « Chocolatiers Engagés », une association bénévole créée par des artisans défendant « une filière de chocolat durable et de qualité ». Leurs engagements environnementaux, sociaux et économiques sont multiples : de la garantie d’un prix d’achat minimum révisé annuellement avec les coopératives, à une traçabilité totale des lots de fève. Citons également l’entreprise coopérative Ethiquable, labellisée « Symbole des producteurs paysans » et « agriculture biologique », qui se démarque notamment avec un prix minimum d’achat aux producteurs plus important.

le chocolat de pâques

Certaines alternatives semblent plus prometteuses que les autres ! © iStock.

Vous l’aurez donc compris, il apparaît difficile de faire parfaitement rimer chocolat et consommation totalement responsable, mais certains choix permettent toutefois de favoriser l’émergence de transformations plus que souhaitables pour l’environnement comme les hommes !

Illustration bannière : les vrais coûts environnementaux et sociaux du chocolat
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  1. « La consommation moyenne de chaque Français s’élèverait à environ 6,4 kg par an, d’après les chiffres du Syndicat du chocolat. Rien qu’à Pâques, nous serions capables d’en dévorer près de 15 000 tonnes ». Il y a une erreur, non ? Cela ferait 4,5 kg par Français pour Pâques.

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