Les canons à neige face au réchauffement climatique

L’hiver exceptionnellement doux ne fait pas froid aux yeux aux stations de sports d’hiver, grâce aux canons à neige. Ceux-ci permettent donc d’ignorer les effets du changement climatique. Mais pour combien de temps ? Et à quel coût environnemental ?

Rédigé par Stephen Boucher, le 29 Dec 2015, à 14 h 41 min
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Avec des températures en journée aux alentours des 10 °C en bas de piste, cette saison de congés d’hiver aura été particulièrement mauvaise pour les stations de ski des Alpes, en France, Suisse et Autriche. Elle offre un aperçu on ne peut plus parlant de l’avenir des sports d’hiver sur une planète qui se réchauffe. Mais la parade serait pour l’instant en place avec les canons à neige, plus pacifiquement appelés enneigeurs par les professionnels. Sous la mince couche de neige artificielle, l’avenir du secteur est toutefois menacé.

Le manque de neige donne des sueurs froides aux stations

La plupart des stations de moyenne montagne ne peuvent exploiter qu’une partie de leur domaine. On y voit plus de marron que de blanc. Alexis Bongard, directeur de l’office du tourisme de La Clusaz (Haute-Savoie) indique à francetvinfo avoir ouvert 30 % du domaine. A Valmorel (Savoie), seulement 15 % du domaine étaient ouverts ces derniers jours. Même chose d’ailleurs en Amérique du Nord : la station de Killington par exemple au Vermont n’avait que 24 pistes d’ouvertes cette semaine sur 155. Même au Québec, les chutes de neige ont été faibles jusqu’ici.

Selon Fraser Wilkin, du site météorologique dédié au ski weathertoski.co.uk, la situation actuelle est dans la foulée des années précédentes : « Si l’on prend les Alpes dans leur ensemble, je pense que c’est aussi mauvais que l’année passée ». Mais avec des variations : « L’an passé, il y avait plus de neige dans les Alpes du Sud que dans le Nord-Ouest. »

En Suisse, la Confédération a déjà averti qu’il faudrait cesser d’investir dans le ski à moyenne et basse altitude.

Les conditions d’enneignement particulièrement mauvaises ont d’autres conséquences dramatiques. La mort d’un jeune Britannique à Méribel mi-décembre est attribué au manque de neige, la tête du garçon ayant violemment heurté le sol.

Le malheur des uns fait, pour l’instant, le bonheur des autres

Les stations à plus haute altitude, comme Avoriaz, Val d’Isère, Val Thorens (Savoie) ou Zermatt (Suisse) se réjouissent, recevant plus de visiteurs, car profitant d’un enneigement moindre, mais suffisant pour skier. L’absence de neige donne tout de même des sueurs froides aux responsables, comme en témoignent les Tweets de leurs comptes officiels.

En attendant, les professionnels comptent sur un refroidissement à venir et les canons à neige, qui ont tourné presque toutes les nuits en bas de piste dans de nombreuses stations. « La situation était à peu près similaire l’année dernière : après un départ un peu difficile, cela s’était subitement amélioré. Il suffit d’une chute de 20-30 cm de neige pour que nous puissions ouvrir la totalité de notre domaine, déclare ainsi Bérangère Blanc à francetvinfo, à Valmorel. Et puis, la semaine de Noël n’est pas la plus remplie de la saison. En revanche, s’il n’y a pas de neige en février… »

Les canons à neige ne sont pas sans conséquences pour l’environnement, même ceux de génération plus récente : le bruit perturbe la faune locale la nuit, les canons consomment de l’énergie, parfois elle-même polluante, tandis que les bassins d’accumulation pour le stockage de l’eau enlaidissent le paysage. Les stations françaises n’ont toutefois plus recours à l’ajout d’adjuvants chimiques.

Évoluer vers un nouveau modèle de tourisme de montagne

Becky Horton, qui représente le Tyrol en Autriche, se rassure : « Ça nous arrangerait si Mère Nature se bougeait, mais les infrastructures pour fabriquer de la neige et les technologies utilisées dans les stations de nos jours nous permettent d’assurer l’ouverture des pistes. »

Néanmoins, le recours aux enneigeurs n’est toutefois pas sans coût : plusieurs centaines de milliers d’euros par an, qui peuvent nuire considérablement aux profits de petites stations. Face à la perte de rentabilité et au risque de faillite, il faut s’attendre à des demandes de subventions des stations dans les années à venir. Force leur est donc d’envisager d’évoluer vers d’autres formes de tourisme de montagne.

L’année 2015 sera probablement la plus chaude jamais enregistrée de mémoire humaine, notamment du fait du phénomène El Niño. Dans un éditorial paru mi-décembre, le quotidien suisse Le Temps appelait à une « révolution mentale » et concluait : « L’hiver sans neige sonne le glas du ski industriel ».

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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

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