Abeilles domestiques et abeilles sauvages : la compétition des ressources

Les insectes pollinisateurs sont nécessaires à la reproduction de la plupart des plantes. Or, quand on évoque cette question, on pense immédiatement à nos abeilles qu’on sait en danger ! Pourtant, la réalité est un peu différente et on imagine moins que ces mêmes abeilles domestiques puissent représenter un danger pour les autres insectes pollinisateurs voire même pour les plantes qu’elles butinent !

Rédigé par Charlie Trisse, le 20 May 2021, à 8 h 00 min
Abeilles domestiques et abeilles sauvages : la compétition des ressources
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Face au déclin des abeilles domestiques, des initiatives se sont multipliées, en particulier, dans les zones urbaines par la mise en place de ruches ou en limitant l’utilisation de pesticides. Si les humains ont voulu agir en faveur des pollinisateurs, il semblerait qu’ils aient oublié que toutes les abeilles ne sont pas les mêmes, et qu’en changeant les lois de la nature, il modifie l’écosystème, et ce au détriment des abeilles sauvages.

Abeilles domestiques et abeilles sauvages : de quoi parle-t-on ?

Les abeilles dites domestiques, les plus connues, sont celles qui produisent du miel. Leur nom scientifique est Apis mellifera pour les abeilles à miel occidentales, et Apis cerana, pour les abeilles à miel orientales.
Les Apis mellifera ont un rôle primordial dans notre économie, avec près d’1,6 million de ruches pour plus de 21.600 tonnes de miel par an(1).

abeilles domestiques

Les abeilles domestiques fournissent du miel © kosolovskyy

Les « abeilles sauvages » (tisserandes, charpentières, halictes, mégachiles, collètes, etc.) et autres pollinisateurs englobent près de 1.000 espèces en France, dont des espèces de bourdons solitaires, de papillons nocturnes ou encore des mouches syrphes. Au total, on en recense près de 20.000 espèces dans le monde.
Contrairement aux abeilles domestiques, les pollinisateurs sauvages ne font pas de miel (le nectar butiné est mélangé avec le pollen, pour en faire de la nourriture pour les jeunes) et ne représentent donc pas un intérêt économique majeur évident. Conséquence : ils sont bien moins protégés que les Apis mellifera.

Pourtant, ils assurent un rôle de premier plan pour notre écosystème. Plus de 80 % des plantes à fleurs dépendent de ces insectes sauvages ; les abeilles domestiques n’assurant que 15 % de la pollinisation. Ainsi, les abeilles sauvages garantissent le rendement de près de 75 % des cultures agricoles (dont 90 % des arbres fruitiers), soit une rente de 153 milliards de dollars par an au niveau mondial (et 22 milliards en Europe)(2). L’importance de l’abeille dans l’arboriculture est dix fois supérieure à celle dans l’apiculture.

Lire aussi : Un hectare de forêt vaut 1080 dollars, une ruche en vaut 1050 : la valeur de la biodiversité

Vers une extinction des abeilles sauvages

Aujourd’hui, les initiatives en faveur des abeilles laissent penser que les humains ont pu préserver l’espèce, mais c’est sans compter l’absence de différenciation entre ces deux catégories de pollinisateurs. Le nombre d’abeilles sauvages continue de baisser à un rythme alarmant : 50 % de toutes les espèces d’abeilles européennes sont menacées d’extinction.

Si les deux espèces souffrent de l’activité humaine, les experts estiment que le phénomène d’effondrement dans les colonies d’abeilles domestiques ne relève pas du même facteur que le déclin spectaculaire de milliers d’espèces de pollinisateurs sauvages.

abeilles domestiques, pollinisateurs sauvages

Un bourdon qui butine © Jari Sokka

Ces derniers sont victimes de l’introduction massive des abeilles mellifères, reconstituées par l’élevage et l’agriculture, dans leur environnement. Selon des chercheurs de Cambridge dans la revue Science : « Les abeilles domestiquées contribuent au déclin des abeilles sauvages par la concurrence des ressources »(3).

 

Par exemple, dans les villes, les espèces sauvages sont présentes dans les milieux urbains : dans le Grand Lyon, on en compte 291 espèces et 67 dans Paris. Mais, en augmentant le nombre de ruches, on augmente les populations d’abeilles à nourrir pour une même quantité de nourriture. Il s’en suit une compétition entre les espèces. Les colonies d’abeilles domestiques comptent en moyenne 50-80.000 individus alors que les pollinisateurs sauvages sont solitaires ou en petites colonies.

Ce débordement massif des abeilles d’élevage dans le paysage avec une concurrence potentielle avec les pollinisateurs sauvages entraîne également la transmission des maladies contagieuses vers les espèces sauvages, plus fragiles.
« Une modification des patrons de flux de pollen entre plantes pouvant entraîner une perturbation de la reproduction des plantes et une modification de la composition des communautés végétales » expliquent les chercheurs.

Faire des abeilles domestiques des abeilles d’élevage pour sauver les abeilles sauvages

Pour préserver les abeilles sauvages, les chercheurs proposent de considérer l’abeille domestique comme un animal d’élevage(4). « Les abeilles domestiques peuvent être nécessaires pour la pollinisation des cultures, mais l’apiculture est une activité agraire qui ne doit pas être confondue avec la conversation de faune ».

abeilles domestiques

Retour aux ruches © Photografiero

Mais, l’apiculture reste un élevage à part, car contrairement aux autres élevages (bovins, porcins…), il est impossible de contrôler les déplacements des abeilles d’élevage. Ainsi, les chercheurs encouragent un meilleur contrôle de l’apiculture, en limitant la taille des ruches ou en contrôlant les ruches aménagées dans les aires protégées.

Aux États-Unis, certains agriculteurs louent des ruchers afin d’attirer les abeilles sauvages pour polliniser leurs cultures. À notre niveau, il est également possible d’agir en privilégiant les plantes locales indigènes riches en pollen et nectar, en construisant des nids pour insectes, en évitant d’avoir recours aux produits phytosanitaires et en s’assurant qu’il y a des fleurs pour ces espèces aussi.

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Article mis à jour et republié

Illustration bannière : Abeille qui butine – © Suti Stock Photo
Références :
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Titulaire d'un master 2 en "Journalisme et communication à l'international" de Sciences Po Aix et disposant d'un bachelor en "Relations Internationales" de...

7 commentaires Donnez votre avis
  1. Oui pour planter des plantes mellifères mais il faut surtout privilégier une apiculture plus douce et vivre AVEC les abeilles ! Perrine Bertrand a fait un film sur les abeilles qui en parle , simplement Etre avec les Abeilles qui devrait sortir d’un moment à l’autre !!! en attendant que les cinémas le sortent….!!!

  2. alors on laisse tomber l’apiculture industrielle et on mange le délicieux faux-miel chimique des chinois!et les qq amateurs qui garderont qq ruches pourront vendre leur miel à prix d’or!!

    • oui on laisse tombe l’apiculture industrielle ou pas et on fiche la paix aux abeilles qui travaillent durement pour récolter leur miel qui est leur nourriture pour survivre en hivers et on mange autre chose.Je pense qu’on a largement assez a manger sur terre sans qu’on meurt de faim.

    • oui d’autant que produire du miel en stimulant les abeilles au sirop de sucre au primptemps ou au candy l’hiver,les supléter en proteines du fait de l’elevage intensif des colonies..l’apiculture marche sur la tête et surfe sur la vague de l’ecologie…

  3. Bonjour, je cherche à comprendre ce que l’article veut bien vouloir dire lorsqu’en évoquant à juste titre les 1000 espéces d’abeilles dites sauvages ou solitaires existant en France, il y est compris les bourdons solitaires dont la plupart sinon la majorité s’organisent en petite colonie, et les papillons qui jusqu’à preuve du contraire n’ont rien d’une abeille fut elle sauvage.Quant aux syrphes, ben comme il est dit ce sont bien des diptéres.

    • Il faudrait remplacer « les abeilles sauvages » par « les pollinisateurs sauvages » sans doute !

  4. Quelles que soient les plantes mellifères que vous choisirez de semer ou de planter au jardin, l’idéal est de multiplier les espèces, afin d’avoir une grande diversité de fleurs et des floraisons échelonnées sur toute l’année. Evitez les fleurs doubles, au profit des fleurs simples, beaucoup plus riches en pollen et en nectar.

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