‘L’ère de l’électro-mobilité est enfin arrivée’

Une coalition de grandes entreprises et ONG, dont Renault-Nissan, Tesla, Siemens, Transport & Environment et l’Union Internationale des Transports Publics, s’est constituée pour faire pression sur les États membres de l’Union européenne pour accélérer le déploiement des infrastructures permettant la mobilité électrique. Signe que l’ère de l’électromobilité serait arrivée ? Nous avons rencontré le président de la coalition, Nicolas Erb, d’Alstom.

Rédigé par Stephen Boucher, le 11 Apr 2017, à 7 h 00 min
‘L’ère de l’électro-mobilité est enfin arrivée’
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Nicolas Erb, Directeur « EU Affairs » chez Alstom, déclarait, au moment de la création de la Plateforme européenne pour l’électro-mobilité, « l’Europe a une occasion unique de gagner sur tellement de fronts avec l’e-mobilité. Tout d’abord, nous récupérerons le quelque 1 milliard d’euros que l’Europe dépense chaque jour en pétrole pour se fournir en pétrole, qui a un très fort impact environnemental ; nous augmenterons considérablement l’accès à la mobilité ; nous créerons des emplois de qualité et nous préserverons la santé de nos concitoyens en réduisant la pollution atmosphérique ».

L’ère de l’électro-mobilité est-elle arrivée ?

Si la révolution de l’e-mobilité est au bord du point de bascule, les 25 entreprises et ONG membres de la plateforme veulent néanmoins souligner l’urgence de « passer la vitesse supérieure pour que cette révolution ait vraiment lieu ».

Nicolas Erb, Président de la plateforme, nous a expliqué pourquoi.

consoGlobe.com : peut-on vraiment dire que ‘l’ère de l’électro-mobilité est enfin arrivée’ ?

électro-mobilité

Nicolas Erb

Nicolas Erb – Oui, du point de vue des différents membres de la plateforme, il y a des solutions prêtes pour tous les modes de transport. Pour preuve : on en est à plus de 2 millions de véhicules électriques sur les routes dans le monde, sans compter bien sûr les autres véhicules électriques dans le secteur ferroviaire, qui est essentiellement électrifié, et les développements intéressants comme celui des vélos électriques. Il y a une tendance pour tous les modes de transports à la mise sur le marché de solutions électriques.

consoGlobe.com : pourquoi alors avez-vous décidé de créer une Platforme européenne pour l’électromobilité ?

Nicolas Erb – Il y a des discussions intenses au niveau européen sur ce que devrait être le système de mobilité demain, notamment intégrant l’Accord de Paris, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, en réduisant les émissions de particules fines, pour améliorer la qualité de l’air, et en réduisant la dépendance énergétique de l’Europe aux ressources [de carburants fossiles] qui ne sont pas disponibles en Europe. L’électro-mobilité peut permettre de répondre à ces trois défis.

Mais pour nous, il ne s’agit pas seulement d’électrifier des modes de transport, mais de mettre en oeuvre aussi une nouvelle mobilité, d’intégrer les différents modes de transports entre eux, et d’augmenter la place du transport public. Ceci, l’électrification le permettra, ainsi que de réfléchir à l’efficacité énergétique du transport dans son ensemble, comme on le fait par exemple avec la récupération de l’énergie de freinage dans le transport ferroviaire.

consoGlobe.com : vous dites vouloir « sonner l’alarme » dans votre déclaration, à l’occasion de la création de la Plateforme. Quel est le danger immédiat ?

Nicolas Erb – En 2014, les États membres de l’Union européenne ont adopté une directive qui leur demandait de déployer des infrastructures pour les carburants alternatifs. Pour beaucoup de modes de transport, le point bloquant n’est en effet pas le véhicule, mais l’inquiétude des utilisateurs de trouver des points de recharge. Donc l’idée était de demander aux États de développer une stratégie de déploiement de points de recharge de sources d’énergie alternatives à l’horizon 2030. Ceci devait se traduire par chaque État par la communication de ses plans avant novembre 2016. Aujourd’hui, seulement 17 États l’ont fait.

Ceci pose aussi un problème pour l’étape d’après, qui est de faire une analyse européenne pour avancer vers un objectif commun. Mais si on n’a pas tous les plans, on prend du retard. Et tant que l’on n’affiche pas une vision complémentaire, on ne donne pas confiance aux utilisateurs dans cette solution. Si on veut aller vers une mobilité à basses, voire 0 émission, il faut une stratégie cohérente. Pour l’instant, la Commission espère toujours avoir l’intégralité des documents autour de l’été, pour faire l’analyse d’ici la fin 2017.

Platform for electro-mobility par Transport & Environment sur Vimeo. En anglais. Pour les sous-titres en français, cliquer sur cc en bas à droite de l’écran et choisir la langue.

La Plateforme pour l’électro-mobilité

Constituée en 2015 pour « unir les organisations de la société civile, de l’industrie et des différents modes de transports » afin d’électrifier les transports en Europe et promouvoir les solutions pour ce faire auprès des institutions et États membres européens. Ses principales demandes sont :

  • Plus de stations de recharge, en ville et au-delà ;
  • Plus de flexibilité pour que les types d’équipements de recharge puissent fonctionner entre eux ;
  • Des procédures pour les permis de véhicules électriques et les incitations financières simplifiées ;
  • Des exigences plus importantes pour que la recharge des véhicules électriques dans les bâtiments ;
  • Un budget plus important pour le Mécanisme d’Interconnexion en Europe pour l’électrification de tous les modes de transport ;
  • Placer la multi-modalité électrique au coeur de la stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre, « des métros aux vélos électriques ».

Plus d’informations sur le site de la Plateforme pour l’électro-mobilité.

consoGlobe.com : quelles sont les demandes précises de la Plateforme pour l’électro-mobilité ?

Nicolas Erb – Souvent les textes législatifs et réglementaires ne sont pas parfaitement coordonnés entre politique des transports et politique énergétique. Ce qu’on souhaite c’est promouvoir de manière constante et « holistique » l’électro-mobilité, il faut une « vision système » de la mobilité. Dans le domaine de la politique énergétique, la Commission européenne a fait des propositions dans le cadre d’un paquet législatif de novembre 2016, qui revoit par exemple la performance énergétique des bâtiments  et qui traite d’isolation, mais la Commission proposait aussi que dans les nouveaux bâtiments de bureaux, on installe un nombre minimum de points de recharge. C’est un bon exemple, parce que dans les bâtiments neufs ou ceux dans lesquels on opère une rénovation lourde, les coûts sont relativement minimes, alors que si on doit ajouter des points de recharge dans des bâtiments déjà construits, c’est coûteux et compliqué.

De même, nous prônons la prise en compte au niveau de la politique d’urbanisme de la nécessité de mettre à disposition des points de charge. On demande aussi que dans la planification urbaine on ait une vraie réflexion multimodale : il faut faciliter l’accès aux transports publics, par exemple en localisant ces points de charge près des gares (de tramways ou de trains), avec des points de location de vélos électriques, etc. C’est une vraie vision intégrée de la mobilité électrique dans les villes.

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© Markus Mainka Shutterstock

En plus, il y a une directive sur les énergies renouvelables, qui devrait aussi fixer un pourcentage minimal de carburants alternatifs dans le système de transport. Là aussi, nous souhaitons que cela prenne en compte non seulement les biocarburants mais l’électro-mobilité. Notre rôle est de s’assurer que tous les textes qui peuvent mettre en oeuvre cette vision en Europe facilitent la cause de l’électro-mobilité.

consoGlobe.com  : concrètement, si on faisait ce qu’ambitionne la plateforme, quelle serait le pourcentage de véhicules électriques particuliers et autres sur les routes d’Europe d’ici 2030 ?

Nicolas Erb – Dans la directive – donc approuvée par tous les États membres ! – le point de départ était d’atteindre un maillage minimum du territoire par des points de recharge électrique, afin de donner confiance aux utilisateurs qu’ils pourront recharger leurs véhicules quand le besoin s’en fait sentir.

Concernant la France, son plan national établi suite à la Directive Carburants Alternatifs fixe un objectif de 2.400.000 véhicules électriques et véhicules hybrides rechargeables en  2023  (véhicules particuliers et utilitaires légers) de moins d’une tonne de charge utile. La Ministre de l’énergie, de l’environnement et de la mer a indiqué, le 1er octobre 2016, que la France est aujourd’hui en avance sur cette trajectoire et devrait rapidement atteindre le million de points de charge, avec 900.000  points de recharge chez les particuliers (qui peuvent être financés par le crédit d’impôt transition énergétique) et 100.000 points de recharge ouverts au public, notamment  grâce au prolongement du soutien au déploiement de bornes de recharge dans le cadre du  programme d’investissements d’avenir.

consoGlobe.com : voyez-vous ces problématiques abordées dans le cadre de la campagne présidentielle française ? Qu’est-ce vous aimeriez entendre de la part des candidats ? Quel est l’enjeu pour la France et son industrie spécifiquement ?

Nicolas Erb – Il y a un certain nombre d’acteurs français dans la plateforme, Alstom, Renault-Nissan : il y a des industriels français qui ont des solutions d’électro-mobilité. Nous avons présenté notre bus électrique. Renault a un plan d’investissement suivi depuis plusieurs années. La France est donc très active sur ces sujets, il y a des ambitions. La difficulté c’est que l’avenir de l’électro-mobilité ne se traite pas qu’au niveau national : il faut une vraie volonté également au niveau des grandes agglomérations. Or l’Europe ne va pas chercher à définir les politiques de mobilité des villes particulières. Il faut donc une vraie volonté partagée du niveau urbain au niveau européen.

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© Feel good studio Shutterstock

consoGlobe.com : à l’inverse, quelle est l’opportunité pour l’Union européenne ? Le fait que Donald Trump revienne sur tous les soutiens au développement des énergies renouvelables et de R&D en matière de mobilité électrique constitue-t-il une opportunité pour l’Europe ?

Nicolas Erb – Il est encore tôt pour se positionner. La proposition de budget de la nouvelle administration est en cours d’examen. Il faut attendre un peu avant de voir s’il y aura des effets importants sur la politique des transports américaine et son impact sur l’Europe. Il y a aussi cette notion de niveaux de gouvernance aux États-Unis : il y a beaucoup de choses qui vont se décider au niveau de la ville, dans le cadre des États ou local. En Europe, certaines villes ou régions vont plus vite, pour le déploiement, par exemple Paris qui a annoncé souhaiter remplacer ses bus par des bus électriques. Certaines villes n’attendent pas une volonté européenne pour avancer. De manière symétrique, la situation peut être la même aux États-Unis, certains États sont très ambitieux.

Au final, j’insisterai sur le fait que, techniquement, les solutions sont désormais prêtes et qu’il faut une vision multimodale pour avancer. Il ne s’agit pas de remplacer une voiture diesel par une voiture électrique. La Plateforme met en avant l’importance d’une vision multimodale intégrant véhicules particuliers et transports publics.

Illustration bannière : L’électro-mobilité est en passe de gagner – © Tom Wang Shutterstock
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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

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