L’agroécologie s’arme pour conquérir l’Europe

À l’occasion de la fondation d’Agroecology Europe, une association européenne pour la promotion de l’agroécologie, consoGlobe.com a rencontré son secrétaire, Alain Peeters. Nous l’avons interrogé sur sa conception de l’agroécologie et sur les bouleversements que traverse le monde agricole. 

Rédigé par Romane Dubrulle, le 20 Mar 2016, à 15 h 29 min
L’agroécologie s’arme pour conquérir l’Europe
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Fin janvier se sont réunis au domaine de Graux, le centre pilote de l’agroécologie en Belgique, les 19 fondateurs de l’association Agroecology Europe, un projet qui germait dans les têtes depuis quelque temps déjà.

En juillet 2015, à l’occasion de l’exposition universelle de Milan, un colloque sur l’agroécologie était organisé par le centre commun de recherche de la Commission Européenne. Une équipe de chercheurs, de scientifiques et d’associations, originaires de dix pays différents, s’est alors organisée autour d’objectifs communs : mettre l’agroécologie au premier plan dans l’agenda agricole et alimentaire, stimuler la recherche et l’enseignement, diffuser les idées dans la société et chez les décideurs politiques et enfin laisser une place plus importante aux jeunes.

agroécologie jeune pousse

© Denis and Yulia Pogostins / Shutterstock.com

Qu’est-ce que l’agroécologie ?

Alain Peeters, secrétaire de l’association, mais aussi chercheur et ancien professeur de l’Université catholique de Louvain, nous donne sa définition de l’agroécologie. « L’agroécologie est à la fois une science, une technique et un mouvement social. Plus que la combinaison de l’agronomie et de l’écologie, c’est une véritable discipline scientifique ».

Il ressort de cette discipline scientifique, un ensemble de techniques et de pratiques agricoles, telles l’utilisation raisonnée des engrais, la réduction ou l’abandon du labour, la pratique de l’inter-culture et l’optimisation de la rotation des cultures. Par exemple, plutôt que d’utiliser des pesticides, l’agroécologie favorise une diversité de micro-organismes afin de lutter contre les parasites. Ceci permet la création d’un écosystème équilibré et diversifié, capable de se défendre lui-même. La nature est ainsi copiée, c’est ce que l’on appelle le biomimétisme, c’est-à-dire la reproduction des fonctionnements écosystémiques, dont les conditions et les avantages sont souvent écologiquement très efficients.

L’agroécologie est aussi un mouvement social, prônant la justice et le bien-être de l’Homme. L’AISBL (Association internationale sans but lucratif) Agroecology Europe souhaite aussi participer à cet élan et s’associe pour cela avec d’autres associations et ONG comme slow food ou IFOAM (International Federation of Organic Agriculture Movements). Agroecology Europe veut aussi s’ouvrir aux agriculteurs, aux acteurs politiques, aux conseillers et syndicats agricoles. L’association s’attend d’ailleurs à une forte participation des associations d’exploitants.

L’agroécologie : LA solution d’avenir pour les pays en voie de développement…

La notion apparait pour la première fois en 1928 dans la bouche de Basil Bensin, un agronome américain. Mais ce n’est qu’en 1995 que le père fondateur de la discipline, Miguel Altieri, professeur de la Berkeley University en Californie, en donne sa définition : « L’agroécologie est la science de la gestion des ressources naturelles au bénéfice des plus démunis confrontés à un environnement défavorable ». Ainsi, elle serait une solution pour les agriculteurs des pays en développement, souvent contraints de produire dans des conditions difficiles, avec peu de moyen à leur disposition.

Agroécologie Amérique du Sud

© Elzbieta Sekowska / Shutterstock.com

En Amérique latine, le mouvement est déjà bien amorcé. Il a permis d’augmenter le niveau de vie de nombreux paysans, notamment grâce à l’action de la SOCLA (Sociedad Científica Latinoamerica de Agroecología), la première association défendant cette nouvelle forme d’agriculture à l’échelle d’un continent.

L’intérêt pour le mouvement est aussi croissant en Afrique. Selon Alain Peeters, « l’augmentation des rendements grâce à l’agroécologie pourrait-être spectaculaire pour les petits producteurs et offrir une solution à la dégradation des sols », particulièrement dans les pays tropicaux. En effet, elle permet de réduire les apports d’intrants, donc les investissements et contribue à une meilleure résistance des cultures aux conditions difficiles, notamment par la sélection et l’utilisation de variétés plus robustes. De plus, il est souvent possible de se passer d’irrigation.

Avant tout, cette solution est humaine. Les petits producteurs peuvent continuer à vivre dans les campagnes et ne sont plus forcés à l’exode dans les grandes villes. L’agroécologie pour Alain Peeters, sortirait les agriculteurs du cycle de pauvreté, stoppant ainsi leur « prolétarisation ». Ce type d’agriculture permet aussi l’autosuffisance région par région, un enjeu hautement stratégique pour les pays, puisqu’il leur éviterait de dépendre des importations étrangères.

… mais aussi pour les pays européens

Alain Peeters revient sur les causes de la crise agricole que nous traversons en ce moment, montrant en quoi l’agroécologie est aussi la solution d’avenir en Europe. Pour ce chercheur, cette crise serait même plus qu’une crise : « c’est un effondrement, un changement de système ». La situation est dramatique, car la crise se différencie des autres par le fait que « nous sommes proches de l’extinction d’un modèle industriel et familial ». Si le nombre d’agriculteurs continue de baisser au même rythme que depuis les années 1970, il n’y en aura plus en 2025.

agroécologique Amérique du Sud

© Stockr / Shutterstock.com

Alain Peeters explique que le modèle actuel, basé sur des investissements importants et sur une course à l’agrandissement des exploitations, demande toujours plus de nouvelles technologies dispendieuses et entraine des coûts de production élevés (utilisation d’engrais, de pesticides). Ce modèle est toujours soutenu par la PAC (Politique Agricole Commune) mais est désormais en danger, surtout pour les filières laitière et porcine. Aujourd’hui, les prix restent instables alors que les investissements sont lourds et le coût des intrants augmentent plus vite que le revenu des agriculteurs. « Dès leur installation, les jeunes sont endettés, ils ne peuvent faire face à une succession de crises, à un avenir incertain ». Le chercheur tient à rappeler que les agriculteurs sont les plus touchés par le suicide.

On peut constater que les agriculteurs bio sont ceux qui résistent le mieux à la crise. En effet, leurs productions demandent moins d’investissements, ils transforment souvent eux-mêmes leurs produits et travaillent beaucoup en circuits courts et locaux. Les producteurs peuvent donc augmenter la valeur ajoutée de leurs produits. De plus, le marché du bio est en extension et connaît même des problèmes de production pour son propre marché. L’agroécologie peut venir en renfort de ce modèle en augmentant la rentabilité des cultures.

Lire la suite :

l’agroécologie, une agriculture « plus intensive en intelligence »

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J'ai toujours été passionnée par l'écriture, la politique et le développement durable. Il est, selon moi, urgent de changer notre façon de consommer et...

1 commentaire Donnez votre avis
  1. Développer des micro fermes à proximité des grandes villes : c’est ce que proposent les Zadistes de Notre Dame des Landes, au lieu d’implanter un méga aéroport qui détruirait plus de 1.200 ha de zones humides protégeant Nantes des inondations et des sécheresses, alors que l’aéroport actuel est loin d’être saturé puisqu’il a la superficie de celui de Genève avec trois fois moins de trafic ! Ne laissons pas les politiques nous imposer leur mégalomanie. Souvenez-vous de la construction de bureaux à outrance de l’ère Chirac à Paris aboutissant à une pénurie de logements alors que de nombreux bureaux sont inoccupés.

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