Xylella Fastidiosa attaque en Corse, que fait le gouvernement ?

Rédigé par Stephen Boucher, le 28 Jul 2015, à 11 h 34 min
Xylella Fastidiosa attaque en Corse, que fait le gouvernement ?
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Ça y est, la bactérie tueuse des végétaux a été repérée sur le continent français. En Corse plus précisément, malgré les précautions prises pour éviter son importation de l’Italie voisine. Mais les mesures étaient-elles suffisantes, et suffiront-elles à éradiquer l’épidémie qui menace plantes et paysages de Corse, et peut-être, demain, de l’Hexagone ?

Xylella : déjà trop tard

Un premier cas de Xylella Fastidiosa a été annoncé jeudi de la semaine passée par le ministère de l’agriculture. L’origine de la souche n’est pas encore connue, mais est probablement italienne. Des plants de Polygale à feuilles de myrte couramment employés comme buissons décoratifs dans la zone, ont été identifiés près de la station balnéaire de Propriano en Corse du Sud sur une haie entourant une zone artisanale. Dite « tueuse des oliviers », la bactérie, qui sévit principalement aujourd’hui en Italie, est en réalité responsable du lent dépérissement de quelque 200 espèces de végétaux, y compris la vigne.

Xylella fastidiosa

Dégâts de la bactérie Xylella fastidiosa sur des feuilles de vigne © Emanuele Mazzoni / Shutterstock.com

De nouvelles mesures annoncées

Aujourd’hui, aucune parade biologique ni chimique n’a été trouvée à cette bactérie qui a atteint 10 % des oliviers des Pouilles en Italie, où la contagion n’a pu être contenue.

« Angoisse », « traumatisme », « peste des plantes » : l’inquiétude est vive en Corse, comme en témoigne Marie-Pierre Bianchini, responsable de la division économie rurale à l’Odarc, qui témoigne pour Corse Matin  : « Bien sûr qu’il y a matière à s’alarmer ! D’une part parce qu’il s’agit du premier foyer identifié en Corse. Et d’autre part, parce que nous sommes apparemment en présence d’un niveau d’infestation déjà avancé, dès lors où il ne s’agit pas d’un seul pied, mais bien de toute une haie de Polygale à feuille de myrte. Si la découverte de la bactérie date d’avant-hier, la contamination, elle, ne date pas d’hier. Elle remonte plus vraisemblablement à une bonne quinzaine de jours, voire un mois. »

La plus haute autorité de l’Etat en Corse a donc mis en branle un plan d’urgence, dans le cadre du fameux dispositif Orsec, dès le 24 juillet, le lendemain de la découverte de l’échantillon contaminé. La préfecture de Corse du Sud a indiqué que des actions de recherche se poursuivaient pour mesurer l’étendue de la contamination : « plus de 50 prélèvements ont été effectués à proximité de la zone infectée ». Les autorités affirment avoir mis en place un triptyque « destruction, surveillance, sanction » pour éviter l’épidémie.

Mise à jour juin 2017

Selon l’INRA, la « Xylella fastidiosa est présente aujourd’hui sur plus d’une trentaine d’espèces végétales en Corse et en région Paca : lavandes, cistes, faux genêt d’Espagne, romarin, immortelle italienne (en Corse), etc. En Europe, elle a été identifiée en 2016 sur des lauriers roses en Allemagne ainsi qu’en pleine Méditerranée. Tout l’archipel des Baléares est touché« . Mais dans les cas de l’archipel espanol, ce sont trois sous-espèces de Xylella qui ravagent les arbres.

Un attentisme décrié

Mais est-ce assez ? Les mesures prises ne pourront pas couvrir l’ensemble du terrain, et un entomologiste ne pourra surveiller chaque bosquet : la diffusion risque d’être large.

Que ce soit sur le ton de l’humour, comme dans la vidéo ci-dessous du collectif d’acteurs corses I Kongoni, ou de manière plus virulente comme les représentants de Corsica Libera, la dénonciation de l’insuffisance des contrôles, de la lenteur et de l’insuffisance de la réaction publique fuse donc. Les élus de Corsica Libera, dans un communiqué, affirment que « la gestion programmée, purement routinière, ne [prend] pas en compte la gravité de la situation » et soulignent que « l’urgence commande d’interdire toute introduction de végétaux dans l’ile et de renforcer les mesures d’intervention prévues sur les zones touchées ».

L’Association Corse des Élus de Montagne, qui manifeste depuis un an ses craintes, est catégorique : « l’État est pleinement fautif, dans la mesure où l’alerte a été donnée il y a plus d’un an, et à maintes reprises, avec toutes les informations nécessaires sur ce qu’il est convenu d’appeler à juste titre une ‘peste’ végétale » et dénonce l’adoption de « ‘mesurettes’ pour se donner bonne conscience administrative » quand menace « la plus grande catastrophe sanitaire que la Corse ait jamais connue, à l’instar de la région italienne des Pouilles, déjà dévastée ».

Agnès Simonpietri, représentante du collectif Xylella Fastidiosa, a déploré jeudi soir, après l’annonce, « la colère succède à l’inquiétude car cela fait des mois que nous réclamons l’arrêt complet de l’importation de végétaux dans l’île et nous n’avons jamais été entendus ». Elle ajoute : « Si plusieurs foyers sont enregistrés, cela deviendra ingérable, car la bactérie attaque aussi les plantes sauvages et tout le couvert végétal de l’île est donc bien menacé ».

La Xylella Fastidiosa est transmise par les insectes suceurs ou piqueurs tels que la cigale, attaquant d’abord la cime du feuillage avant de se propager jusqu’au tronc.

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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

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