Vers la fin de la mensualisation : les Français veulent être payés à la demande
Le 11 mars 2025, un texte discret mais potentiellement explosif a fait son apparition dans les travées de l’Assemblée nationale. La proposition de loi n° 1087, portée par le député Jean Laussucq, remet frontalement en question une institution française : la mensualisation du salaire.

Considérée comme un « progrès social » lors de son instauration par la loi du 19 janvier 1978, la mensualisation pourrait bien céder la place à une nouvelle logique de versement plus fragmentée, hebdomadaire ou à la demande, selon les termes mêmes du parlementaire.
Dans les faits, très peu d’entreprises acceptent de verser un acompte
Important acquis social, la mensualisation du salaire ne recueille plus une adhésion universelle. Selon une étude OpinionWay pour Stairwage publiée le 5 mai 2025 dans Le Parisien, 63 % des actifs souhaitent désormais être payés au cours du mois.Cette proportion grimpe même à 75 % chez les moins de 35 ans. La demande semble être aussi bien économique que psychologique : éviter les découverts récurrents et ne plus vivre la paie comme une délivrance ponctuelle, mais comme un flux continu.
L’outil pour cela existe d’ailleurs déjà : l’acompte sur salaire, encadré par l’article L.3242-1 du Code du travail. Ce droit oblige tout employeur à verser, une fois par mois, jusqu’à 50 % du salaire acquis si le salarié le demande. Encore faut-il que ce dernier soit informé, ose faire la demande, et surtout que l’employeur s’exécute. Car dans les faits, la majorité des employeurs refusent ou ignorent les demandes d’acompte. Aux yeux des entreprises, la démarche est lourde et chronophage.
La proposition de Jean Laussucq vise donc à « assouplir l’accès aux acomptes », en permettant des versements au 7, 14 et 21 du mois, pour ceux qui le souhaitent. Il faut savoir qu’un quart des Français sont à découvert chaque mois. Une spirale qui alimente les frais bancaires, les crédits revolving et les situations de détresse budgétaire.
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Certaines entreprises ont déjà sous-traité la gestion des acomptes sur salaire
Face à ce blocage systémique, une nouvelle vague d’applications RH s’engouffre dans la brèche. En France il y a notamment Spayr, Rosaly et Wagestream. Ces outils permettent de demander un acompte en quelques clics, 24h/24, avec validation instantanée. Selon Spayr, cité par Capital, « le montant moyen des acomptes a bondi de 66 % entre juin et août 2023 ». Une croissance fulgurante qui confirme l’appétence du marché. Ces entreprises proposent désormais aux employeurs une gestion automatisée des demandes, en contournant les lourdeurs administratives.
Pour l’instant, la proposition de loi n° 1087 est examinée par la Commission des affaires sociales. Elle devra franchir de nombreux obstacles politiques, syndicaux et techniques avant d’être adoptée. Mais une chose est sûre : le tabou est brisé. Le simple fait qu’un député s’attaque frontalement à la mensualisation, considérée comme intouchable depuis 1978, marque un virage symbolique. Le reste ne sera qu’une question de calendrier… et de courage législatif.
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