Pesticides : ce que l’Europe prépare en silence provoque la colère des scientifiques

Un projet de directive européenne pourrait supprimer les réexamens réguliers des pesticides. Plus de 2.300 scientifiques alertent : ce serait un recul sanitaire « majeur », avec des risques graves pour la santé et la biodiversité. Voici pourquoi ils tirent le signal d’alarme.

Rédigé par , le 9 Dec 2025, à 11 h 00 min
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Les signataires de cet appel réclament le maintien des évaluations régulières et un cadre réglementaire plus strict — avant qu’il ne soit trop tard.

Pesticides : pourquoi les scientifiques jugent le projet de directive européenne alarmant

Le 8 décembre 2025, un vaste collectif composé d’experts de la santé et du vivant a adressé au gouvernement français un appel solennel autour du débat sur les pesticides. Dans leur collimateur, un projet législatif européen qui pourrait modifier en profondeur les règles d’autorisation des produits phytosanitaires. À l’heure où la question des pesticides cristallise préoccupations et controverse, ce signal d’alarme jette un pavé dans la mare réglementaire.

Les signataires — plus de 2.300 médecins et scientifiques — dénoncent d’abord le contenu de la directive « Omnibus VII ». Selon eux, le projet propose de supprimer le renouvellement périodique des autorisations de mise sur le marché (AMM) pour la majorité des pesticides. Actuellement, ces substances sont réévaluées tous les 10 à 15 ans, afin de tenir compte des nouvelles données scientifiques. Or, en l’absence de réexamen régulier, les agences sanitaires perdraient la capacité de surveiller les effets à long terme des pesticides sur la santé humaine et l’environnement. Le collectif met en garde contre un recul réglementaire majeur — un retour en arrière de plusieurs décennies — et craint que l’évaluation scientifique rigoureuse soit réduite à peau de chagrin.

Dans leur lettre ouverte, les médecins et chercheurs appellent le gouvernement à s’opposer fermement au projet « Omnibus VII ». Ils demandent un renforcement du rôle et des moyens de l’Anses, l’institution scientifique chargée de l’évaluation sanitaire des pesticides en France. Ils rappellent l’importance de maintenir des évaluations indépendantes, fondées sur les données scientifiques les plus récentes. Comme l’a déclaré le Docteur Pierre-Michel Périnaud : « Quand une substance active de pesticide bénéficie d’une autorisation, en général, c’est sur dix à quinze ans ». Ils plaident également pour un soutien accru aux alternatives aux pesticides, afin de réduire l’exposition toxique des agriculteurs, des riverains et de l’environnement.

Pesticides : en 2025, les scientifiques alertaient déjà

Ce mouvement s’inscrit dans une dynamique déjà engagée en 2025. Au printemps 2025, environ 1.200 scientifiques et médecins avaient déjà publié une lettre ouverte contre la proposition de la loi dite « Loi Duplomb ». Ils s’y opposaient car elle prévoyait notamment la réintroduction ou l’assouplissement de l’usage de certains pesticides interdits, comme les néonicotinoïdes.

À l’époque, les experts dénonçaient un affaiblissement de l’expertise indépendante ainsi qu’une remise en cause des avancées sanitaires et environnementales obtenues ces dernières années. Aujourd’hui, la menace vient de Bruxelles, mais le message des scientifiques reste le même : la santé publique et la biodiversité ne doivent pas céder devant les logiques administratives ou industrielles.

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La communauté médicale et scientifique unie pour tenter de nous éviter le pire

Le débat dépasse le simple cadre réglementaire. Dans leurs alertes, les signataires du collectif évoquent les risques graves liés aux pesticides : contamination de l’eau, effets sur la santé humaine (cancers, perturbations endocriniennes, maladies neurodégénératives), dangers pour les populations exposées comme les agriculteurs et les riverains, ainsi que pour la biodiversité, en particulier les pollinisateurs. Ils insistent aussi sur le phénomène d’« effets cocktail » — c’est-à-dire l’exposition simultanée à plusieurs substances chimiques — dont les conséquences sont difficilement prévisibles mais potentiellement aggravées. Dans ce contexte, la suppression des réexamens périodiques exposerait la population et les milieux naturels à des risques à long terme, sans possibilité de réagir.

Le projet « Omnibus VII », porté par la Commission européenne, pourrait être soumis à examen autour du 16 décembre 2025. Si le texte est adopté, cela constituera un tournant réglementaire majeur. Selon les défenseurs de l’environnement, la déréglementation profiterait avant tout aux intérêts de l’industrie agrochimique, au détriment de la santé publique et de l’écosystème. Les signataires de la lettre ouverte appellent les États membres, la France en particulier, à bloquer ce projet. Ils réclament un cadre réglementaire fondé sur la science, la précaution, ainsi qu’un contrôle indépendant des substances chimiques.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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