Mobilité du quotidien : les choix déséquilibrés des pouvoirs publics

Vélos et trottinettes pour les citadins, voitures et trains pour le plus grand nombre… Les modes de transport du quotidien concernent une immense majorité de Français dans leurs déplacements domicile-travail. Tous ont un point commun : ils doivent aujourd’hui s’inscrire dans la transition écologique à long terme. Les pouvoirs publics semblent l’avoir compris, quoi que…

Rédigé par Daniel Paul, le 20 Aug 2021, à 7 h 55 min
Mobilité du quotidien : les choix déséquilibrés des pouvoirs publics
Précédent
Suivant

Vélos électriques et trottinettes partagées sont à la mode. Il suffit pour s’en convaincre de se balader dans les rues des grandes villes. Ils répondent avantageusement aux impératifs de la mobilité durable : aucune émission de gaz à effet de serre (GES), fluidification du trafic, utilisation individuelle… Les transports en commun – train ou bus – sont quant à eux en train de faire peau neuve, un peu partout en France.
Quid de la voiture ? Cette dernière reste le moyen de transport le plus utilisé par les Français, avec 39 millions de véhicules en circulation(1) : 93 % d’entre eux appartiennent à des particuliers, 7 % à des entreprises, l’ensemble affichant au compteur 10,6 ans d’ancienneté en moyenne.

C’est donc sur la route que la révolution en cours devrait être massivement soutenue par les pouvoirs publics, État et régions en tête. Les déclarations d’intention sont une chose, les actes en sont une autre.

Mobilité électrique : des aides oui, mais l’État pourrait faire mieux

C’est vrai, les primes à l’achat sont là. Par exemple, les communes subventionnent les candidats au vélo électrique jusqu’à 500 euros, des primes sociales pour les moins fortunés non assujettis à l’impôt sur le revenu peuvent même prendre le relai(2).
Côté automobile, l’État s’est montré généreux jusqu’en juin dernier avec jusqu’à 7.000 euros de ristourne pour certains modèles électriques neufs. Depuis le 25 juillet, l’État a repris ses mesures incitatives avec un bonus écologique qui peut aller jusqu’à 7.000 euros pour l’acquisition par un particulier d’un véhicule utilitaire léger électrique neuf (jusqu’à 5.000 euros s’il s’agit d’une entreprise)(3).

C’est bien, mais très certainement insuffisant sachant que le prix des véhicules leaders du marché – se situent généralement au-dessus des 30.000 euros. Ces mesures en forme d’incitation doivent – selon les mots du ministre délégué aux Transports Jean-Baptiste Djebbari – « permettre aux ménages les moins aisés d’avoir accès à l’électrique »(4).

La mise de départ représente encore un frein évident pour les nombreux ménages qui aimeraient acquérir une voiture électrique © LeManna

Même si un « plein » revient ensuite à 10 euros environ, la mise de départ représente encore un frein évident pour les nombreux ménages qui aimeraient se laisser tenter par l’expérience. Le ministre ne peut pas l’ignorer.

Plus de véhicules à moteur thermique en vente dès 2040

Car il y a urgence. En 2040 – après-demain donc -, les constructeurs ne devront vendre que des véhicules à moteur non thermique en France, conformément à l’objectif fixé par le gouvernement quand Nicolas Hulot était ministre de la Transition écologique.
Objectif repris par sa successeure Barbara Pompili(5). « Pour respecter l’Accord de Paris et répondre au défi de l’urgence climatique, nous devons réduire nos émissions de gaz à effet de serre, écrit l’actuelle ministre. Le secteur des transports est un contributeur important qui doit se transformer pour assurer la transition écologique. C’est le sens de l’histoire, et c’est le sens des mesures prises au niveau européen. L’interdiction des ventes de véhicules thermiques émetteur de GES en 2040 s’inscrit dans cette démarche ».

Un scénario qui semble pourtant hautement improbable à de nombreux acteurs du secteur des transports, en France comme à l’étranger. Chez les constructeurs automobiles, le doute grandit. La PDG de General Motors, Mary Barra, considère que « la transition arrivera certes, mais avec le temps »… Et sûrement pas en seulement vingt ans(6) !

Chez les analystes, même son de cloche. Selon Christophe Theuil et Laurent Hecquet, respectivement président et directeur général de l’Observatoire des mobilités durables MAP, « certains prédisent que la part de marché du véhicule électrique d’ici 4 à 6 ans représentera 50 % en Europe. L’accélération est certes réelle, mais il est encore bien difficile de percevoir le progrès dans les offres et surtout de savoir à quelle échéance le véhicule électrique pourrait véritablement succéder au véhicule à moteur thermique. Dans son analyse Mix Powertrain, la Plateforme automobile PFA projette que le parc de véhicules électriques en France sera en 2035 de 7 millions ce qui peut paraitre bien peu au regard d’un parc roulant actuel »(7). Comment changer la donne dans ces conditions ?

En 2040, les constructeurs ne devront vendre que des véhicules à moteur non thermique en France © HJBC / Shutterstock

Réorienter la politique publique

En décembre 2019, le Parlement a promulgué la loi d’orientation des mobilités, censée donner le cap de la politique publique pour favoriser des modes de transports propres, accessibles et moins coûteux. « Pour répondre aux nombreux besoins de mobilité non satisfaits, poursuit Laurent Hecquet, l’enjeu est de faire de l’innovation un véritable levier pour faire émerger de nouvelles solutions, en tirant à la fois parti des nouvelles formes de mobilité (covoiturage, flottes en libre-service, véhicules autonomes…) et des nouvelles offres multimodales ». Des objectifs en réalité atteignables, à condition de réorienter la politique publique.

Dans son plan de relance de 100 milliards d’euros annoncé en septembre dernier, le gouvernement a réservé une enveloppe de 11 milliards aux transports, dont 200 millions d’euros pour les pistes cyclables, 4,7 milliards pour le train, et seulement 2 milliards pour le secteur routier(8). Ce dernier aurait mérité mieux. Car le secteur ferroviaire – grand bénéficiaire du plan – ne sera pas synonyme d’innovations, mais plutôt de rénovation de certaines lignes et de remboursements des trous budgétaires actuels.
La route est aujourd’hui beaucoup plus porteuse en termes d’innovation que les vélos ou le train. Les deux milliards alloués semblent donc dérisoires face aux enjeux des dix – voire trente – années à venir, en termes d’engagement public pour encourager les investissements privés.

Ne pas négliger les équipements routiers

Le soutien tant attendu à la filière « route » pourrait faire basculer la France entière dans le monde d’après, celui de la mobilité durable, dans les grandes villes comme dans les territoires, car les projets sont légion. Dans le sud de la France par exemple, des partenariats public-privé (PPP) ont donné le « La » de la transition écologique version transport routier et autoroutier.

En 2019, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur présidée par Renaud Muselier et l’opérateur Vinci Autoroutes ont signé une convention pour transformer le maillage de six départements (Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var, Vaucluse)(9). De grands chantiers ont commencé pour l’installation de bornes de recharge ultrarapide pour les voitures électriques, pour les mises en place de files réservées aux transports en commun sur l’A8 et celle de parkings dédiés au covoiturage
« Certains des projets contenus dans la convention seront pris en charge par les régions, via les contrats de plan notamment, par l’État et par des tiers-investisseurs, expliquait alors Pierre Coppey, le PDG de Vinci Autoroutes, qui a fait de la mobilité durable la pierre angulaire de la stratégie de l’entreprise. Je pense notamment aux bornes de recharge électrique qui pourraient être financées par des consortiums. Cela va faire l’objet de discussions futures ».

Développer des infrastructures pour faciliter le covoiturage © Pack-Shot / Shutterstock

La réorientation de la politique publique vers la route devrait être d’intérêt public dans les décennies à venir. A la fois dans le quotidien des Français et dans la perspective d’une société « zéro carbone » à l’horizon 2050.

L’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) planche d’arrache-pied sur les routes du futur, qu’elles soient recyclées, intelligentes, avec une empreinte environnementale irréprochable et des coûts en diminution constante(10).

Pour accompagner cette évolution future, les pouvoirs publics se doivent investir. C’est un enjeu crucial pour réussir la trajectoire carbone que la France s’est donnée, que la construction de pistes cyclables ne suffira pas à atteindre.

Illustration bannière : La voiture  reste le moyen de transport le plus utilisé par les Français, avec 39 millions de véhicules en circulation – © Paulik_by
Références :
Pour vous c'est un clic, pour nous c'est beaucoup !
consoGlobe vous recommande aussi...



Je suis actuellement Conseiller/consultant freelance en stratégie des marques et des entreprises auprès des PME/TPE. Mon cursus universitaire orienté "droit...

Aucun commentaire, soyez le premier à réagir ! Donnez votre avis

Moi aussi je donne mon avis