Moins de tabac, plus de nicotine : l’OMS alerte sur une victoire en trompe-l’oeil

Depuis 2010, le nombre de fumeurs à travers le monde a diminué de 120 millions, soit une baisse relative de 27%, mais le tabagisme reste solidement ancré : un adulte sur cinq dans le monde est encore dépendant du tabac, nous apprend l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans son dernier rapport sur le sujet.

Rédigé par , le 8 Oct 2025, à 9 h 11 min
Moins de tabac, plus de nicotine : l’OMS alerte sur une victoire en trompe-l’oeil
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La prévalence mondiale du tabac continue de baisser — mais trop lentement pour atteindre la cible de réduction de 30 % d’ici 2025.

Tabagisme : une baisse mondiale réelle mais des objectifs hors d’atteinte

Si les dernières données du tabagisme montrent une tendance globale à la baisse — 120 millions de consommateurs en moins à travers le monde depuis 2010, — dans son dernier rapport sur la question, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) alerte sur la stagnation observée dans plusieurs régions, ainsi que sur l’explosion du vapotage chez les jeunes.

Entre 2000 et 2024, le nombre total de fumeurs est passé de 1,379 milliard à 1,202 milliard, soit une baisse relative de 13 % en effectifs absolus et de 41 % à 32 % en taux ajusté par âge. Depuis 2010, la réduction relative atteint 27 %, mais le rythme reste insuffisant pour atteindre la cible de −30 % fixée pour 2025. La prévalence mondiale standardisée est aujourd’hui estimée à 19,5 % (hommes : 32,5 % ; femmes : 6,6 %). Les projections de l’OMS indiquent une poursuite du recul à 18,7 % d’ici 2030, mais sans inversion majeure des inégalités régionales. « Le monde a fait des progrès remarquables, mais nous ne devons pas relâcher nos efforts », a déclaré le Dr Ruediger Krech, directeur de la promotion de la santé à l’OMS.

Des écarts persistants entre les sexes et les régions

La baisse du tabagisme féminin a été plus rapide : la proportion de femmes consommatrices est passée de 11 % en 2010 à 6,6 % en 2024, et leur nombre a chuté de 277 millions à 206 millions. En revanche, les hommes restent beaucoup plus nombreux : 996 millions en 2024 contre 1,06 milliard en 2010.

Sur le plan régional, les contrastes sont saisissants :

  • – Asie du Sud-Est : prévalence masculine divisée par deux depuis 2000 (70 % à 37 %), soit plus de 50 % de la baisse mondiale ;
  • Afrique : taux le plus bas (9,5 %), avec de nombreux pays en voie d’atteindre les cibles OMS ;
  • Europe : région la plus touchée, avec une prévalence moyenne de 24,1 % (17,4 % chez les femmes), et des pays d’Europe orientale où plus d’un homme sur trois fume encore ;
  • Méditerranée orientale : légère baisse (29 % à 23 %) mais un retard chez les femmes, dont la prévalence a augmenté dans certains États ;
  • Amériques : recul marqué depuis 2000 (22 % à 12 %), avec une réduction particulièrement nette en Amérique du Sud.

Les pays à revenu élevé présentent aujourd’hui une moyenne de 19,7 %, contre 15,2 % dans les pays à revenu intermédiaire et 12,3 % dans les pays à faible revenu. Ces disparités s’expliquent à la fois par la réglementation, la taxation et la disponibilité des services de sevrage.

Nouveaux produits, nouveaux défis : cigarettes électroniques et tabac sans fumée

Pour la première fois, l’OMS publie une estimation globale de l’usage des produits alternatifs : plus de 100 millions de personnes utilisent désormais des cigarettes électroniques, dont 86 millions d’adultes et 15 millions d’adolescents âgés de 13 à 15 ans. Dans les pays disposant de données fiables, les adolescents sont en moyenne neuf fois plus susceptibles de vapoter que les adultes. En parallèle, environ 360 millions de personnes consomment du tabac sans fumée, principalement en Asie du Sud, où ce type de produit représente plus de 50 % de la consommation totale.

« Les cigarettes électroniques alimentent une nouvelle vague de dépendance à la nicotine », avertit le Dr Etienne Krug, directeur du département des maladies non transmissibles à l’OMS. Les experts redoutent que ces produits entretiennent le tabagisme sous d’autres formes, d’autant que les stratégies marketing ciblent activement les jeunes. Selon les projections du rapport, la croissance du marché des e-cigarettes pourrait annuler une partie des gains de santé publique obtenus depuis deux décennies.

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L’enjeu de la surveillance et du sevrage : 70 % de la population mondiale désormais couverte

Les politiques antitabac fondées sur le programme MPOWER (suivi, prévention, offre d’aide, avertissements, interdiction de publicité et hausse des taxes) ont permis des progrès substantiels : 74 pays disposent aujourd’hui d’un système de surveillance complet et 50 autres offrent un accès national à des services de sevrage gratuits ou subventionnés. Les effets se mesurent : dans les pays ayant mis en oeuvre au moins quatre des six mesures MPOWER, la prévalence du tabagisme a reculé deux fois plus vite que dans les pays faiblement couverts.

Cependant, l’OMS estime qu’en 2024, seuls 37 % des fumeurs dans le monde ont accès à des services de sevrage abordables, un taux « inacceptable » selon le Dr Krech.

Projections 2030 : un recul continu mais insuffisant pour éradiquer le tabac

À ce rythme, la planète comptera encore 1,1 milliard d’usagers du tabac en 2030, dont 890 millions d’hommes et 210 millions de femmes. L’OMS souligne qu’il faudra « au moins dix ans supplémentaires » pour atteindre l’objectif global de réduction de 30 %. Les experts de l’OMS plaident pour un double effort : intensifier la fiscalité du tabac (hausse d’au moins 75 % du prix de vente) et renforcer la régulation des produits émergents à base de nicotine. « Le tabagisme reste la principale cause évitable de mortalité : 8 millions de décès par an, dont 1,3 million chez les non-fumeurs exposés au tabagisme passif », rappelle l’OMS dans son rapport.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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