Tout le monde semble faire plus attention à consommer « durable », « responsable », à avoir un comportement plus respectueux de la planète. Tout le monde deviendrait ce « nouveau consommateur », plus soucieux de valeurs, qui choisit et maîtrise sa consommation. Tout le monde ? Et bien pas vraiment
L’écolo satisfait, écorésistant malgré lui ?
Ce type de consommateur qui résiste au changement est le plus paradoxal : il s’agit d’un consommateur écolo qui finit par ne plus adopter de comportements vertueux. Pourquoi ? A cause d’un effet dont on a déjà parlé lors du débat sur le réchauffement climatique.
L’effet de rebond post conso-durable
L’effet de rebond se manifeste lorsqu’un consommateur qui a fait un effort, trouve dans cet effort, un alibi pour ne plus le faire. On n’éteint pas les ampoules basse conso parce qu’elle consomme moins, on laisse couler l’eau car on a installé un réducteur sur le robinet, on fait plus de kilomètres car on roule en voiture hybride, etc. Illustration :
« Toute l’année, je fais attention, j’achète bio et tout. Et je me suis acheté une Prius. Alors en matière de consommation verte, je fais largement ma part et je n’ai pas du tout honte de prendre l’avion pour mes vacances d’été. »
L’effet rebond mesuré
Steve Sorrell, de l’Université du Sussex, a étudié l’impacct de 3 écogestes d’économie d’énergie : remplacer les courts trajets en voiture par du vélo ou de la marche vélo / baisser son chauffage de 1°C / gaspiller un tiers de moins de nourriture. Selon cet expert, si vous menez ces 3 actions mais consacrez l’argent économisé à vos dépenses habituelles, l’effet de rebond sera de 34 %, ce qui annule d’un tiers vos gains d’émissions de gaz à effet de serre. (6)
Décryptons.
Ce consommateur qui ne suit pas le changement ecocitoyen, comme nous tous, n’est ni tout blanc ni tout noir : il met – un peu – de vert dans ses actes. Mais objectivement, l’effet rebond le pousse, consciemment ou pas, à revenir à une consommation non vertueuse, en contre-point de ses ecogestes. Du point de vue des économistes, ce phénomène est possible car les « externalités » ne sont pas assez chères : autrement dit, le prix des biens et services « non durables et polluants » n’est pas assez élevé et ne tient pas assez compte de leur impact négatif.
L’éco-sceptique éco-résistant, combien de divisions ?
Depuis 2008, on voit donc une proportion minoritaire mais nette des consommateurs faire preuve, au mieux d’éco-lassitude et au pire d’éco-rejet, avec en toile de fond, un regain de l’éco-scepticisime qui se nourrit des théories climato-sceptiques. A la question « Les éco-résistants,combien de division ? », bien difficile de répondre. En croisant les études et notre observation du marché depuis 6 ans, on l’estime de un quart à un tiers des consommateurs.
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Sans doute, avez vous reconnu quelques traits de vos proches parmi ces portraits de consommateurs car ils représentent en réalité 90 % des consommateurs. Cette revue gagnerait à être enrichie de vos témoignages. Partagez-les avec nous !
(6) Pour en savoir plus sur l’effet rebond : ecologie.blog.lemonde.fr/2011/02/24/lefficacite-energetique-peut-nuire-a-la-lutte-pour-le-climat/
Sur la consommation engagée :
Si vous voulez approfondir le sujet de la consommation engagée, je vous conseille le numéro spécial de la Documentation française de « Problèmes politiques et sociaux » : Les enjeux de la consommation engagée, mars 2011. et notamment les articles :
– Motivations des consommateurs engagés, de ?Nil Özçaglar-Toulouse
– Une pratique inégalement partagée dans la société, P.Croutte, F. Delpal, G. Hatchuel
– Encyclo-ecolo : la nouvelle consommation (une synthèse globale des nouveaux comportements de consommations).