Il paraît que le sexe fait tout vendre et que c’est pourquoi on en trouve dans toutes sortes de publicités : pour les voitures, pour les crèmes à raser, pour les canapés, … On avait déjà remarqué que les photos de femmes dénudées servent pour mener campagne sur des thèmes écologiques (1). Mais certains vont plus loin : ils utilisent des « poupées lascives » pour vendre des panneaux solaires…
Pourtant, face à un public motivé par des préoccupations citoyennes et environnementales, on peut s’interroger : chosifier l’image de la femme, le sexisme publicitaire a-t-il une chance de réussir dans le domaine de la consommation durable et des produits écologiques ? consoGlobe a mené son enquête.
L’éco-sexisme à toutes les sauces
Si le sexe fait vendre des voitures et des parfums, alors il n’y a pas de raison que cela ne fonctionne pas avec les produits verts pense le patron de Renewable Girls.
Cette marque américaine de produits solaires s’est fait un nom en utilisant la stratégie du fameux calendrier Pirelli (des jolies filles pour promouvoir une marque de pneus !) : oui, Megan et ses bananes sexy font vendre ! Il appelle ça l’eco-sexisme.
La recette du calendrier, utilisée par les infirmières, les pompiers, les agriculteurs parait bien éculée. Pourtant, si on l’utilise pour des produits qui n’ont aucun rapport, fut-il lointain, avec l’univers du charme (parfums, lingerie, …), c’est que cela doit marcher ?
Le risque que prend John B., le patron de Renewable Girls, est de s’aliéner une grande partie du public, les femmes notamment, uniquement pour plaire à une minorité qui serait sensible à un peu de fesse dans la pub. Pourquoi ?
Parce qu’avant tout, dans un monde de communication, comme l’aurait dit Benetton, il vaut mieux attirer l’attention, faire parler de soi à tout prix plutôt que de rester anonyme : à terme, la notoriété de la marque, dopée par des images à fort contenu en testostérone, est bénéfique au chiffre d’affaires.
Le sexe pour vendre, pourquoi ça marche ?
Pour les gens de marketing, il faut capter l’attention des prospects de la manière la plus efficace et dans le laps de temps le plus court possible pour avoir une chance de faire passer un message. Or comme le font remarquer Joannis et De Barnier dans De la stratégie marketing à la création publicitaire, l’image est encore l’arme la plus efficace pour ça.
Le saviez-vous ? 30 % des hommes qui paraissent dans une publicité sont nus en 2012, contre 3 % 15 ans plus tôt
Les théoriciens du neuro-marketing nous apprennent que pour être efficaces une image doit faire réagir le cerveau pour mieux s’y imprimer. Une image efficace :
1. fait réagir les aires émotionnelles du cerveau.
2. implique la personne à titre personnelle, voire intime (identification, émotion, etc.)
3. fait réagir le sens moral : et quoi de mieux que de choquer pour cela ?
L’image qui met en scène la sexualité, et surtout dans un contexte incongru, voire choquant, répond particulièrement bien à ce cahier des charges. Elle fait appel à notre inconscient profond avec l’espoir, pour les marques, d’associer leur image de manière permanente à la notion de désir.
C’est pourquoi on trouve autant de filles dénudées dans le marketing moderne : 20 % des publicités auraient un rapport direct ou indirect lointain avec le sexe ou la sensualité. (2).
“(…) pour le cerveau humain, le sexe et la nourriture sont les deux besoins les plus importants, ils assurent la survie : la survie individuelle à court terme pour la nourriture et la survie de l’espèce à long terme pour le sexe. Tous les produits liés ou portant des symboles des promesses de la satisfaction de ces besoins fondamentaux se vendent plus facilement.”
La publicité sexuelle joue de nos pulsions profondes
Le cerveau triunique de Mc Lean
On ne peut s’empêcher de réagir à des images à connotation sexuelle car elles stimulent notre cerveau profond,notre cerveau reptilien et limbique.(3)
On ne peut pas résister
Ainsi, que vous soyez d’accord ou pas, regarder des jolies filles aguicheuses (ou garçons) devant des panneaux solaires, vous fait réagir. Mais pas forcément consciemment. Les pubs de bière savent très bien jouer du fait qu’il est facile d’attirer l’attention des hommes avec le corps des femmes et de faire passer l’idée que s’ils achètent le produit, ils obtiendront la femme. (4)
Pour vendre, faites appel à l’inconscient !
C’est le mot d’ordre lancé dans les années 1950 avec le développement des médias de masse. C’est aussi le projet d’Edward Bernays, le neveu de Sigmund Freud. Edward Bernays, concepteur du « public relation », est convaincu que pour faire adopter des idées ou des produits par des individus, il faut s’adresser à leur inconscient et non à leur conscience.
Son idée est de faire consommer les Américains de plus en plus en détournant leurs désirs, en court-circuitant leurs pulsions.
Sur la base d’une théorie freudienne, Bernays construit une stratégie de développement du capitalisme qui permet de capter, de contrôler, de canaliser chaque individu et de l’orienter vers les objets de l’investissement économique, les objets de consommation.
Le but est de prendre le pouvoir sur le psychisme de l’individu afin de l’amener à un comportement pulsionnel. Cette captation est évidemment destructrice. On canalise le désir vers des moyens industriels et pour ce faire, on est obligé de court-circuiter l’énergie libidinale et tout son dispositif, parce que l’énergie libidinale est produite dans un deuxième rang, ce n’est pas une énergie primaire, les énergies primaires ce sont les pulsions. C’est ce qui nous rapproche des animaux.
Le marketing nous ferait-il régresser ?
Nous sommes tous habités par des pulsions et nous pouvons nous comporter comme des bêtes.
Nous sommes témoins d’une régression des masses, qui n’est plus une régression des masses politiques mais une régression des masses de consommateurs. Le marketing est une des grandes causes de désaffection du public pour le progrès. Le marketing est responsable de la destruction progressive de tous les appareils de transformation de la pulsion en libido. » (source : www .bastamag.net/article2202.html)
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