Tout le monde semble faire plus attention à consommer « durable », « responsable », à avoir un comportement plus respectueux de la planète. Tout le monde deviendrait ce « nouveau consommateur », plus soucieux de valeurs, qui choisit et maîtrise sa consommation. Tout le monde ? Et bien pas vraiment
L’écorésistant parano fait de l’éco-rejet
L’écorésistant parano est une catégorie qu’on a vu apparaître en 2008. Après une phase intense de communication sur le réchauffement climatique est apparue une certaine saturation du public, lassé de trop de messages écologiquement corrects.
Avec l’addition de la crise économique, de nouvelles affaires sur des produits causant des problèmes sanitaires (parabens, phtalates, bisphénols, ..) et surtout avec la crise de pouvoir d’achat, l’écorésistant parano s’est manifesté. Il a commencé à réagir à certaines obligations économiques : notamment celle de ne plus acheter que des ampoules basse consommation (fluocompactes ou led) au détriment des ampoules à incandescences classiques désormais interdites.
« Ces ampoules basse conso, c’est de la foutaise ! ! Les gens ne voient pas que c’est pour nous faire acheter toujours plus que les fabricants nous les proposent ? ! Acheter toujours plus, voilà pourquoi on interdit les vieilles ampoules. Moi j’en ai fait un stock parce que, désolé, mais leurs nouvelles ne marchent pas aussi bien qu’ils le disent et coûtent bonbon ». Djibril, 32 ans
- Ce témoignage laissé par un internaute de consoGlobe est typique : « ils », les représentants des Pouvoirs économiques, ont inventé les achats de produits durables pour nous faire acheter toujours plus ; pour rouler le consommateur dans la farine, derrière des arguments (le réchauffement, le trou de la couche d’ozone) dont on doute également.
En résumé, l’écorésistant parano est un consommateur qui n’a jamais cru que le réchauffement soit autre chose qu’un vaste prétexte (complot ?) visant à le pousser à consommer des produits dont il n’a cure. Avec la crise, encouragé par de nouveaux Allègre, il fait son coming out sans complexe.
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L’écorésistant trop intello
Vous l’avez peut-être rencontré. Comme le climato-sceptique, l’écorésistant intello-écolo n’adopte pas une consommation « durable » faite de produits verts ou de comportements quotidien (écogestes). Mais lui, c’est parce qu’il trouve qu’ils les trouvent trop futiles à l’échelle de la question écologique, à sa dimension planétaire complexe… En gros, l’écorésistant intello est un super écolo qui trouve qu’on ne s’attaque pas aux vrais problèmes.
« On parle de modifications à une échelle géologique, de milliards de tonnes de carbone, des milliards de tonnes de polluants générés par les industries et la structure économique mondiale. Fermer mon robinet quand je me lave les dents, éteindre la lumière ou acheter un chargeur solaire est ridicule : ça ne pèse rien. Ce n’est pas là où ça se joue » Thierry, ingénieur informatique, 44 ans.
« C’est tout le système économique mondialisé qu’il faudrait changer, la Chine et l’Inde qu’il faudrait empêcher de grandir, le permafrost qu’il faudrait empêcher de dégeler, les cycles naturels du climat qu’il faudrait changer ! Franchement, je vois pas pourquoi, moi qui ne vis que quelques dizaines d’années, je ne devrais pas partir en vacances en avion aux Caraïbes ; pour ce que ça change ! » Laurent, 34 ans, médecin urgentiste
Bref, l’écorésistant écolo a une vision macro des questions environnementales et ne croit pas aux actions individuelles micro économiques. Pour lui, ce n’est pas en changeant de comportement de consommation qu’on fait avancer les choses : le changement est de la responsabilité des États, des organisations internationales capables de faire évoluer le droit (les accords internationaux). Même les grandes entreprises, soumises à concurrence, ne changent pas d’elles-mêmes pense-t-il.
Pour lui, un bon exemple d’écologie pratique qui lui parait digne de se mobiliser est le traité de Montréal par exemple, qui a su, par l’interdiction des CFC, réduire le trou de la couche d’ozone, mais sur des dizaines d’années.
L’écorésistant est trop intello au sens où il a une conscience et une connaissance trop aiguës de la globalité, de l’intrication, de la complexité des phénomènes écologiques et surtout de leur ampleur. Le petit geste du citoyen consommateur lui parait dérisoire au regard de la taille des enjeux planétaires.
Un article de consoGlobe fait particulièrement bien écho à ce type de points de vue : « Réchauffement, la planète s’en fout » : un scientifique explique qu’à l’inconcevable et gigantesque échelle du temps, il importe finalement peu que la planète mettre 1000 ou 2000 ans à effacer le réchauffement du à l’activité humaine. L’impact humain est une broutille à l’échelle géologique.
Eirik, cadre dirigeant d’un groupe de distribution*, explique :
« Moi, perso, je veux bien faire des efforts, mais franchement, faudrait que ce soit ma boîte*qui s’y mette. Là, ça aurait un impact car on manipule des grandeurs un peu significatives en termes de conso de papier, d’eau, de solvants, d’énergie, de transports…
Mais bon, faut être honnête, on n’avance que si on a y un intérêt en tant qu’entreprise, sinon on reste dans la parlotte. Par exemple, il faudrait que j’équipe nos commerciaux de bagnoles électriques, mais on reste au diesel pour l’instant ; ou bien qu’on modernise nos chaînes de production. »
Quand on lui parle de la nécessité de faire quelque chose à son niveau, une réponse revient souvent : « C’est pas si simple … ».
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* Une multinationale du bâtiment, ndlr
La suite : le consommateur extrêmiste