Dans la lutte contre le logement insalubre, les zones périurbaines ne sont pas à ignorer

La triste actualité, de l’effondrement de trois immeubles à Marseille causant la mort de 8 personnes, rappelle que l’habitat indigne est une réalité et même un fléau à combattre en France mais aussi en Europe. Zoom sur le logement insalubre.

Rédigé par Camille Peschet, le 21 Nov 2018, à 8 h 00 min
Dans la lutte contre le logement insalubre, les zones périurbaines ne sont pas à ignorer
Précédent
Suivant

Selon la loi ALUR du 24 mars 2014, l’habitat indigne désigne « les locaux utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que des logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ». Bien que dangereux pour les occupants et les voisins en raison de son état ou de ses conditions d’occupation, louer (souvent cher) un logement insalubre est pourtant une réalité (et une nécessité) pour bon nombre de personnes en France et en Europe.

Le logement insalubre en chiffres

Si à Marseille le taux de logements insalubres est supérieur à la moyenne – avec environ 40.000 logements entrant dans cette catégorie(1) soit 35 % du parc, le chiffre reste élevé dans beaucoup de régions de France, avec par exemple, 10 % dans les cantons du nord de la France, le centre ou le pourtour méditerranéen ou encore entre 20 et 40 % en Seine Saint-Denis.

logement insalubre

À Marseille, 40.000 logements sont insalubres ou présentent carrément un danger © Grisha Bruev

Ces territoires fragiles sont repérés grâce au croisement des statistiques cadastrales sur l’habitat dégradé et les ressources fiscales des ménages. Avec ce calcul, « on compte officiellement de l’ordre de 400.000 logements potentiellement indignes occupés », estime Christian Mourougane, directeur général adjoint de l’Agence Nationale de l’habitat (ANAH). Tandis que pour la Fondation Abbé Pierre, il faut compter entre 450.000 et 600.000 logements indignes, si on prend en compte l’absence de chauffage ou la mauvaise isolation.

Des améliorations dans la prise en compte des logements insalubres

Il existe tout d’abord un travail de repérage sur le terrain, basé principalement sur des signalements d’occupants ou des propriétaires. Suite à ceux-ci les services de l’État et des communes décident si des travaux permettent de remédier à la situation d’insalubrité constatée. Ainsi l’ANAH a subventionné 110.000 logements entre 2006 et 2013 au titre de la lutte contre l’habitat indigne et dégradé.

En cas de péril immédiat, l’immeuble est évacué et muré.

Une nécessité d’accélérer les procédures

Si le nombre de logements indignes a diminué, passant de 600.000 à 400.000 durant les dix dernières années, il est maintenant nécessaire de réduire le délai entre le temps du signalement et le temps de l’intervention pour éviter d’autres drames comme celui de Marseille.

D’autant que le mal logement se nourrit de la difficulté, dans les grandes villes, d’accéder à un logement sain quand la pression immobilière est forte. En effet le quart de la population la plus modeste a une probabilité deux fois plus grande de vivre dans un logement défectueux. Or ces personnes peinent souvent à accéder à des crédits ou à des locations hors des logements sociaux, et sont la cible des marchands de sommeil.

Logement insalubre : les zones périurbaines, le maillon faible en France et en Europe

Cependant, dans ces améliorations à relater, il reste un maillon faible que sont les zones périurbaines en France et en Europe, avec une insalubrité des logements importante dans ces zones urbaines constituée essentiellement de propriétaire occupants.

logement insalubre

Les deux tiers du parc immobilier résidentiel ont plus de 40 ans © HUANG Zheng

En effet, l’Europe possède un parc immobilier vieillissant avec beaucoup de constructions d’après guerre bâties avec des matériaux peu coûteux, mais également peu efficaces et se dégradant vite avec le temps. Selon le Baromètre habitat sain 2018(2), réalisé par les instituts Ecofys et Fraunhofer pour le groupe Velux et dévoilé fin septembre à Bruxelles lors du Healthy Building Day, journée de réflexion sur le mal-logement en Europe et ses conséquences économiques et sanitaires, les deux tiers du parc ont été construits avant l’entrée en vigueur des premières réglementations thermiques (1979) et seulement 10 % possèdent une étiquette énergétique A ou B. Parallèlement, seul 1 à 2 % de ce parc est rénové chaque année.

Or la population installée en périphérie augmente 54 % plus vite que celle des villes, là encore selon le Baromètre de l’habitat sain 2018. De plus, le logement représente le premier poste de dépense et la part qu’il représente dans le budget est en hausse.

Les freins à lever pour voir une accélération de la rénovation

Il est tout d’abord nécessaire de communiquer sur l’avantage de la rénovation. Aujourd’hui il existe une méconnaissance économique avec une difficulté pour les propriétaires de calculer le rapport coût/bénéfice.

De plus, pour les chantiers de petites tailles, le coût de démarrage peut être excessif. Inciter les ménages est d’autant plus important que les capitaux privés représentent 30 billions d’euros et 71 % des ménages en Europe sont capable de financer des projets de rénovation à 75.000 euros. Ce déblocage de l’épargne doit s’accompagner de politiques ambitieuses pour que l’ensemble des rénovations soit pour aller vers des Bâtiments Base Consommation (BBC) ou mieux encore à énergie passive (bâtiment qui ne consomme pas plus d’énergie que celle qu’il produit) voire positive (bâtiment qui produit plus d’énergie qu’il n’en consomme).

Dans ce contexte, la réglementation, avec son aspect coercitif peut être un catalyseur.

Une nécessité de réduire les coûts de chantier par leur massification

Les directives peuvent tout particulièrement permettre la massification des chantiers avec une possibilité de retour d’expérience rapide et de montée en puissance des solutions les plus efficaces. Ceci permettrait de diminuer rapidement les coûts, tout particulièrement pour les petits chantiers.

Un enjeu de santé public

La rénovation du parc à l’échelle européenne est d’autant plus importante que, lors de la journée de réflexion sur le mal-logement en Europe, le constat a été fait que l’état de santé de la population se dégrade, entraînant des interruptions de travail, une baisse considérable de productivité et des répercussions importantes sur l’économie du fait d’un déficit d’habitat sain

Et que selon un récent rapport d’Eurofound (la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail), le mal-logement coûte aux pays de l’Union Européenne près de 194 milliards d’euros par an, en coûts directs (frais de santé) et indirects (perte de productivité). À comparer avec les 295 milliards d’euros d’investissements nécessaires pour la remise à niveau du parc immobilier en Europe… C’est une somme qui pourrait être rentabilisée en seulement 18 mois par une réduction des frais de santé, une baisse de l’absentéisme dans les entreprises et un gain de productivité. 

Illustration bannière : Trop de logements indignes et insalubres en France et en Europe- © kaetana
Références :
Pour vous c'est un clic, pour nous c'est beaucoup !
consoGlobe vous recommande aussi...



Portée par un cadre familial m'ayant sensibilisée à une consommation responsable et en faveur d'une production énergétique renouvelable, je me suis...

2 commentaires Donnez votre avis
  1. pour les logements insalubres, il faut savoir que même un logement récent peut devenir insalubre. En effet, les gens ont peur de voir partir la chaleur, alors, ils bouchent les entrées d’air de la VMC, la vapeur produite par les occupants s’accumule : cuisine, douches linge qui sèche à l’intérieur alors qu’il ne faudrait pas (mais pas vraiment d’autres solutions surtout en hiver) (les architectes s’en désolent, et veulent revenir aux pièces aérées permettant d’étendre, d’entreposer des légumes etc.°) En plus de tout boucher, ils mettent un poêle à pétrôle qui produit autant d’eau sous forme de vapeur que de combustible consommé, et voilà que le logement devient un sauna… en plus c’est dangereux dans un local qui n’est même plus aéré. Et un logement humide est encore plus difficile à chauffer. A noter que les nouveaux radiateurs électriques avec écran, si on n’a pas le mode d’emploi, ils sont difficiles à régler. Les gens n’y arrivent pas ont peur de trop consommer avec un appareil qu’ils ne maîtrisent pas, ce qui les amène vers des solutions de fortune qui ne peuvent que dégrader le logement.

    Au fait, on veut nous interdire le diésel à cause des particules, mais ave un poêle à pétrôle, les particules sont dans le logement, et toute la famille les respire…. On se demande pourquoi on laisse encore vendre ces engins…

    Ensuite, il existe des maisons très anciennes dont la solidité peut laisser à désirer, avec même des fuites au toit. Là c’est plus qu’insalubre, c’est dangereux.

    Dans certaines villes plutôt saturées de logements à louer, les mauvais logements sont inlouables, personne n’en veut, car les gens ont le choix et les loyers sont plus bas. Reste que pour louer, il y a une question de solvabilité. Lorsqu’on connaît un tant soi peu la législation en matière de location, on comprend que les propriétaires ne vont pas louer à n’importe qui avec le risque d’être pris au piège des impayés, et en plus avec parfois des personnes de mauvaises foi.

    Ou alors, ils laissent de vieux logements en l’état, et les louent à ceux qui les veulent, et qui souvent ne sont pas très solvables, mais qui les prennent car ils ont du mal à trouver ailleurs. Comme les propriétaires n’ont pas fait de frais, ils ne sont pas très regardants.
    Il y a aussi les propriétaires occupants qui sont âgés, n’ont pas trop d’argent, ne veulent pas de chantier chez eux et qui ne font pas la moindre amélioration. Et là ce sera difficile de changer cela.

    • « les propriétaires ne vont pas louer à n’importe qui avec le risque d’être pris au piège des impayés, et en plus avec parfois des personnes de mauvaises foi. Ou alors, ils laissent de vieux logements en l’état, et les louent à ceux qui les veulent, et qui souvent ne sont pas très solvables, mais qui les prennent car ils ont du mal à trouver ailleurs. »

      Que dire des propriétaires qui louent à des gens solvables et de bonne fois, et qui refusent de faire des travaux parce qu’ils veulent uniquement ramasser les loyers ??? Personnellement, j’ai pris « ça » comme vous dites, en été… Une fois l’hiver venu, je me suis aperçue qu’il y avait des ponts thermiques à chaque ouverture, d’où moisissures. La porte d’entrée est foutue et le propriétaire devrait la changer mais ne veut pas ! Il y a des tas d’autres défauts qu’on ne peut que constater une fois dans les lieux, et c’est moi qui devrais encore engager des frais pour déménager et quitter l’endroit ? Non mais, on marche sur la tête ! De tels logements devraient être enlevés du marché locatif point barre ! Ou alors devrait être instaurée une vraie obligation de travaux. Les démarches sont trop longues, trop compliquées et souvent sans résultats pour les locataires pris en otages par des propriétaires indélicats.

Moi aussi je donne mon avis