Climat : la Cour internationale de justice somme les États sommés d’agir… ou de réparer

Le 23 juillet 2025, la Cour internationale de justice (CIJ), bras judiciaire des Nations Unies, a rendu un avis consultatif historique sur les responsabilités des États face à la crise climatique.

Rédigé par , le 24 Jul 2025, à 10 h 33 min
Climat : la Cour internationale de justice somme les États sommés d’agir… ou de réparer
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Sollicitée par l’Assemblée générale des Nations Unies sur proposition du Vanuatu et d’une coalition d’États insulaires, la Cour affirme que les États ont désormais une obligation légale internationale de lutter contre le changement climatique. Et ceux qui s’en abstiennent… pourraient bien devoir en répondre devant d’autres juridictions.

La Cour tranche : la non-action climatique devient une faute de droit international

La Cour internationale de justice n’a pas mâché ses mots : un État qui ne prend pas toutes les mesures possibles pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre ou qui continue à financer les combustibles fossiles, commet un acte internationalement illicite. Dans sa déclaration, le juge Yuji Iwasawa a précisé que « si les pays ne développent pas les plans les plus ambitieux possibles pour lutter contre le changement climatique, cela constitue une violation de leurs engagements dans l’Accord de Paris ».

Plus fort encore, la Cour affirme que les obligations environnementales s’appliquent à tous les États, y compris ceux qui ne sont pas signataires de l’Accord de Paris ou qui en sont sortis. Autrement dit : nul ne peut se cacher derrière le vide juridique ou des traités qu’il a refusés. Le droit à un « environnement propre, sain et durable » devient un droit humain fondamental reconnu au niveau mondial.

Des États exposés à des poursuites : la responsabilité devient concrète

La responsabilité des États, jusqu’ici morale ou diplomatique, prend une tournure judiciaire. Désormais, un pays pourra intenter une action contre un autre devant une juridiction internationale ou nationale, sur la base des dommages causés par ses émissions, actuelles ou passées.

La Cour a ouvert la voie à la réparation intégrale des préjudices subis par les États vulnérables, incluant la compensation financière. Ainsi, si un cyclone détruit un territoire insulaire et qu’il est prouvé qu’un État tiers a contribué au dérèglement climatique ayant aggravé ce phénomène, la justice pourrait lui imposer une réparation. Les pays riches, en particulier ceux ayant une longue histoire d’émissions, sont directement visés.

Le tribunal a statué que les pays en développement ont le droit de demander des dommages pour les impacts du changement climatique, tels que des bâtiments ou des infrastructures détruits. Et les chiffres donnent le vertige : pour les seules années 2000 à 2019, les pertes économiques liées au climat sont estimées à 2 800 milliards de dollars.

Quand les petits États déplacent les montagnes : l’offensive juridique du Pacifique

C’est Vanuatu, État insulaire particulièrement exposé, qui a lancé cette offensive juridique, épaulé par plus de 100 pays, et porté par des étudiants militants comme ceux du groupe Pacific Island Students Fighting Climate Change. Leur démarche, amorcée en 2019, a porté ses fruits. Siosiua Veikune, originaire de Tonga, a réagi avec émotion : « C’est une victoire que nous rapportons fièrement chez nous. Le tribunal a reconnu ce que nous avons vécu — notre souffrance, notre résilience et notre droit à un avenir ».

Au-delà du symbole, cette action met en lumière un tournant stratégique : les petits États, longtemps ignorés dans les négociations climatiques, prennent la tête du combat juridique mondial. La Cour leur donne un levier redoutable contre les puissances polluantes.

Vers une ère du contentieux climatique mondial ?

Concrètement, la CIJ ne rend pas de décisions contraignantes dans le cadre d’un avis consultatif. Mais son autorité est immense. Ses positions peuvent désormais être invoquées devant des juridictions nationales ou régionales, partout dans le monde. Les États-Unis et la Chine, qui ne reconnaissent pas la compétence de la Cour, pourraient tout de même être ciblés via leurs propres tribunaux. Une porte s’est ouverte. Mais attention : comme le rappelle le juriste Harj Narulla, interrogé par la BBC, « la CIJ dépend de la bonne volonté des États pour que ses décisions soient respectées. Elle n’a pas de police ». Et certains, comme la Maison-Blanche, ont déjà botté en touche, affirmant que « le président Trump reste déterminé à placer l’Amérique en tête de ses priorités ».

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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