Désinformation climatique : enquête sur un sabotage mondial organisé

À mesure que le climat s’emballe, le discours public, lui, se trouble. Un nouveau rapport expose comment certains brouillent délibérément les pistes, noyant la vérité scientifique sous un flot de messages trompeurs. Résultat : une paralysie politique qui pourrait se révéler fatale.

Rédigé par , le 20 Jun 2025, à 11 h 10 min
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Le 19 juin 2025, un document d’une portée exceptionnelle a été publié : le rapport SR2025.1 du Panel international sur l’environnement informationnel (IPIE). Ce texte, fruit de dix années de recherche, met au jour une réalité peu visible mais déterminante : l’action contre le changement climatique est sciemment entravée par un système bien huilé de désinformation.

Une désinformation climatique méthodique et orchestrée

Le dernier rapport du Panel international sur l’environnement informationnel, publié le 19 juin 2025, a levé le voile sur un constat aussi implacable qu’inquiétant : la désinformation climatique n’est pas un accident du débat public, mais une stratégie méthodique, structurée et mondiale. À travers une revue systématique de 300 études menées entre 2015 et 2025, le rapport expose l’anatomie d’un sabotage planétaire, où la vérité sur le dérèglement climatique est manipulée, étouffée, voire travestie.

Aujourd’hui, la désinformation climatique s’habille de nuances : elle cible moins les faits scientifiques que les solutions. « Les énergies renouvelables seraient responsables de pannes massives », entend-on désormais, comme en Espagne. Le rapport de l’IPIE montre comment cette stratégie de désinformation s’est transformée, gagnant en sophistication, en ciblage et en puissance.

Derrière cette guerre de l’information, on trouve une constellation d’acteurs bien identifiés : d’abord, les grandes entreprises des énergies fossiles, comme TotalEnergies, ExxonMobil ou BP, dont les campagnes mêlent greenwashing public et lobbying discret. Ces multinationales ont engagé une « double tromperie » : nier puis verdir, tout en poursuivant leurs investissements dans les énergies polluantes.

À leurs côtés, des partis politiques — principalement conservateurs et populistes —, de Donald Trump à l’AfD allemande, en passant par Vox en Espagne ou le Rassemblement national en France, alimentent un climat de doute et d’animosité envers la science.

Enfin, des puissances étatiques s’en mêlent : la Russie, par exemple, finance des fermes de trolls destinées à semer le doute, manipuler les débats et polariser l’opinion sur les réseaux sociaux.

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Canaux de propagation : de la télévision au bot invisible

La désinformation climatique circule à travers tous les canaux modernes d’information. Si les médias traditionnels ne sont pas exempts de critiques — notamment certains quotidiens britanniques ou américains où les éditorialistes conservateurs distillent leur scepticisme —, c’est sur les plateformes numériques que la mécanique devient industrielle.

Le rapport de l’IPIE révèle que jusqu’à 25 % des tweets relayant des discours climatosceptiques sont générés par des bots. Ces comptes automatisés amplifient les messages des figures politiques climatosceptiques, comme Donald Trump, ou promeuvent des théories délirantes : feux de forêt provoqués par des élites pédocriminelles, complots autour de l’ingénierie climatique…

Plus préoccupant encore : les stratégies sont ciblées. Des campagnes numériques visent désormais directement les décideurs, les régulateurs, les parlementaires. L’objectif n’est plus seulement d’influencer l’opinion publique, mais d’empêcher les politiques d’agir. « Ça sent une conspiration structurée », estime Klaus Jensen, l’un des auteurs du rapport.

Les effets sont dévastateurs. Le climat de doute orchestré affaiblit la confiance dans la science, sape la cohérence des politiques publiques et divise les sociétés. Résultat : un effet de boucle. Moins de consensus politique, donc moins d’action climatique, donc plus d’impacts… et plus de marge pour les récits mensongers.

EDITO – La vérité : un climat qui dérange

Que faire contre la désinformation climatique ?

Les solutions ne manquent pas, mais elles exigent courage et coordination. Le rapport recommande quatre grands axes :

– Légiférer : imposer des standards obligatoires de transparence, notamment dans les communications des entreprises fossiles.
– Judiciariser : entamer des procédures contre les auteurs de campagnes mensongères — plusieurs procès sont déjà en cours aux États-Unis.
– Éduquer : renforcer l’enseignement scientifique et médiatique, pour donner aux citoyens les moyens de détecter les fausses informations.
– Coopérer : bâtir des coalitions multi-acteurs, notamment via des initiatives internationales comme celle portée par le Brésil dans le cadre du G20.

La rapporteuse spéciale de l’ONU pour le climat et les droits humains, Elisa Morgera, va encore plus loin. Elle appelle à criminaliser la désinformation environnementale et le greenwashing, y compris pour les agences de publicité qui les diffusent. Un projet de résolution porté par le Brésil sera discuté lors de la COP30.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

1 commentaire Donnez votre avis
  1. Ces faits devraient être considérés comme des délits et être sanctionnés très fort

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