Sauver les commerces de centre-ville, un défi pour les communes de France

Amorcé dès les années 60, avec l’apparition des centres commerciaux en périphérie, le déclin de nos centres-villes s’est accentué dans les décennies suivantes avec la démocratisation de l’automobile et de la propriété individuelle : fleurissant partout, les lotissements péri-urbains ont contribué à déplacer le centre de gravité des activités commerciales et des services. Mais la résistance s’organise autour du centre-ville !

Rédigé par Brigitte Valotto, le 11 Feb 2021, à 8 h 00 min
Sauver les commerces de centre-ville, un défi pour les communes de France
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On les adore, et pourtant… on les tue : 43 % des Français rêvent de vivre dans l’une de nos belles cités provinciales… mais 86 % de ceux qui y habitent estiment qu’elles sont « en train de mourir »(2) ! Leur coeur, le centre-ville ralentit, touché de plein fouet par la crise sanitaire qui les a mises sous éteignoir et a consacré de nouvelles façons de consommer, loin d’elles et de leurs petits commerces…

Désertification des centres-villes – Sous couvert d’écologie…

L’enfer étant pavé de bonnes intentions, les plus récentes politiques écologiques ont accéléré la désertification : en voulant bouter la voiture hors des centres urbains à grand renfort de rues piétonnes, stationnement payant et pluie de contraventions, sans pour autant développer significativement leurs infrastructures de transports en commun, les municipalités des petites ou moyennes bourgades ont en effet donné encore plus d’attrait aux centres commerciaux périphériques – à l’accès facile et gratuit.

Résultat : les pas-de-porte « à vendre » se multiplient dans les rues piétonnes, tandis que d’immenses mails à l’américaine alliant shopping, cinéma, divertissements, s’étendent autour des grandes surfaces, dont la France est d’ailleurs championne d’Europe !

L’engouement pour les commerces de périphérie

Depuis 2010, leur rythme de création qu’on s’attendait à voir décroître s’est au contraire emballé, stimulé par une dérégulation, comme le remarque Franck Gintrand, conseil auprès des collectivités locales et auteur de l’ouvrage Le jour où les zones commerciales auront dévoré nos villes (Editions Thierry Souccar).

On compte désormais plus de 2.000 hypermarchés et 10.000 supermarchés, plus de 800 centres commerciaux hébergeant 30.000 magasins... et chaque demande de création s’accompagne d’une demande d’extension des voisins, dans une course effrénée à la suprématie !

« Chaque acteur tente d’assoir sa suprématie sur sa zone de chalandise pour asphyxier ses concurrents, explique-t-il. Et qu’importe si cette guerre présente un coût élevé sur le plan environnemental et urbain ! Le cynisme consistant à disposer quelques panneaux solaires, ou à créer des pièces d’eau artificielles, ce qui suffit à faire d’une zone commerciale… un projet environnemental ! »

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Les grands centres commerciaux source d’artificialisation des sols en zone péri-urbaines : ici à Nantes © Altitude Drone / Shutterstock

coup de coeur

Le jour où les zones commerciales auront dévoré nos villes de Franck Gintrand

Ce livre décrit pour la première fois les dessous de la guerre impitoyable que se livrent les acteurs de la grande distribution, secteur le plus puissant de l’économie française, et les foncières, plus discrètes mais tout aussi puissantes.

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Un plan ambitieux, mais…

Il ne manquait que l’effet COVID : de confinement en couvre-feu, il achève de transformer en mouroirs les jolis centres historiques de nos provinces : rideaux baissés, boutiques abandonnées, logements vacants…
La crise sanitaire a accentué un phénomène enclenché de longue date : le taux de cellules commerciales vides dans les centres urbains était déjà passé en huit ans de 6 %… à 13 %, en moyenne, selon Olivier Razemon, auteur de Comment la France a tué ses villes (Editions Rue de l’Echiquier, 2016).
Pour lui, la solution passe d’abord par des solutions de transport en commun plus ambitieuses, qui puissent évincer la voiture sans pour autant chasser les habitants en périphérie.

Lancé en mars 2018, le plan « Action coeur de ville », qui concerne 222 agglomérations de taille moyenne, entend mobiliser en leur faveur plus de cinq milliards d’euros. Le programme de revitalisation passe par les transports, mais aussi par la transition numérique : une nécessité mise encore plus en lumière avec la crise sanitaire.
Car non seulement les centres commerciaux tirent mieux leur épingle du jeu que les petits commerçants, mais une nouvelle concurrence s’est fortement développée depuis le premier confinement.

Une nouvelle concurrence aux centre-ville

La vente en ligne est désormais clairement privilégiée par les Français, qu’il s’agisse de se faire livrer ou d’aller récupérer ses courses dans un « drive » de grande surface. D’après une étude Nielsen d’avril dernier, la part de marché du e-commerce pour les produits de grande consommation pourrait rester durablement au-dessus de 8 % (contre à peine 6 % en 2019)(3).
Dans ces conditions, de moins en moins de piétons vont avoir de raison de venir marcher dans ces rues qui leur ont été réservées…

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Acheter en ligne pour faciliter son quotidien, un geste de plus en plus fréquent © Rido

Il faut numériser…

Pour Olivier Sichel, directeur de la Banque des Territoires, engagée depuis 2018 dans le programme Action Coeur de Ville et qui vient d’éditer un guide des solutions numériques pour « revitaliser les commerces de centre-villes en un clic », la solution se trouve peut-être là… où réside le mal !
Pour affronter la numérisation du commerce, les petits commerçants sont appelés… à numériser aussi, et au plus vite !

« La crise du Covid-19 a amplifié le rôle du numérique, tant au niveau de l’activité commerciale que dans les pratiques de consommation », souligne-t-il, observant la très forte hausse de trafic des sites de e-commerce comme la croissance spectaculaire du drive, dès le premier confinement.
Les commerces de proximité, qui hésitaient depuis longtemps sur le seuil de la digitalisation, n’ont pas eu d’autre choix que de le franchir… au plus vite : « De nombreux commerçants ont consacré plus de temps à se former aux nouveaux usages et à utiliser des outils numériques pour maintenir une activité ».
Soutenus par les collectivités – elles ont été nombreuses à mettre en place, par exemple, des « places de marché numériques » locales et à inciter leurs commerçants à s’y regrouper pour être mieux vus et trouvés sur le net – ils tentent ainsi de survivre via leurs vitrines digitales, en communiquant, informant sur leurs horaires, mais aussi en développant la vente à emporter, les livraisons à domicile, ou encore le « click and collect ».

coup de coeur

Comment la France a tué ses villes de Olivier Razemon

Des vitrines vides et sombres, des façades aveugles, des stores métalliques baissés. Calais, Agen, Landerneau, Avignon, Lunéville… La crise urbaine ronge les préfectures et sous-préfectures, les détruit de l’intérieur.

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Journaliste free-lance, Brigitte Valotto est notamment une collaboratrice régulière des pages enfants, société, pratique, tourisme et actu de...

2 commentaires Donnez votre avis
  1. Bonjour, le livre que vous citez en référence dit justement l’inverse de vous. Pour Razemon, il faut rendre l’accès aux centre ville par la voiture plus difficile, tout en empêchant le développement des zones périphériques, pour revitaliser le centre ville. D’ailleurs toutes les études sur le sujet montrent que, y compris dans les villes où le stationnement est facilité, les automobilistes représentent moins d’un quart des clients.

    • Je pense que vs avez mal lu l’article, je cite Olivier Razemon uniquement pour la nécessité de développer les infrastructures de transport en commun dans les villes petites et moyennes. Pour le constat des effets pervers associés à l’exclusion de la voiture des centres de ces villes en rendant les stationnements plus difficiles, tandis que les périphéries se développaient, avec de grands centres commerciaux aux parkings gratuits, je vous renvoie à l’étude très complète et chiffrée de la Banque des Territoires,et à l’autre auteur que j’ai cité. Le phénomène est largement démontré et prouvé, chiffres à l’appui.

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