Pellets : l’Union européenne frappe fort contre la pollution plastique
Le Parlement européen vient d’adopter un texte majeur pour endiguer une pollution invisible mais dévastatrice : celle causée par les pellets, ces petites billes de plastique qui constituent la matière première de presque tous les objets plastiques.

Ce règlement, voté le 20 octobre 2025, impose aux industriels européens une série d’obligations de traçabilité et de prévention afin d’enrayer les pertes massives de ces granulés dans l’environnement. Derrière ce vote, c’est l’un des plus grands chantiers de la lutte contre la pollution plastique qui s’ouvre.
Les pellets, ces granulés de plastique synonymes de catastrophe pour l’environnement
Les pellets, aussi appelés granulés plastiques pré-production, sont de minuscules billes d’un à cinq millimètres. Elles sont produites en millions de tonnes avant d’être fondues et transformées en emballages, bouteilles ou textiles synthétiques. Mais entre l’usine, les ports et les entrepôts, d’innombrables pertes surviennent. D’après la Commission européenne, entre 52.140 et 184.290 tonnes ont été rejetées dans la nature rien qu’en 2019, soit l’équivalent de plusieurs milliers de camions-citernes. Ces pertes se retrouvent ensuite dans les cours d’eau, sur les plages, dans les sédiments et jusque dans la chaîne alimentaire. Une fois dispersées, ces billes sont quasiment impossibles à collecter : légères, hydrophobes, elles se déplacent au gré des vents et des marées, finissant souvent ingérées par les poissons, les oiseaux ou les tortues.
Ce fléau reste pourtant peu connu du grand public, alors qu’il représente, selon la Commission, la troisième source de pollution en microplastiques en Europe. L’exécutif européen évoque une « pollution silencieuse », largement évitable mais longtemps négligée. L’ONG Environmental Investigation Agency (EIA) rappelle qu’« aucune réglementation n’obligeait jusqu’ici les producteurs à assumer leur responsabilité dans les milliards de granulés perdus ». Pour ses représentants, ce texte marque donc « une avancée historique » dans la prise en compte de ce problème.
De nouvelles exigences vis-à-vis des opérateurs manipulant des pellets
Le nouveau règlement adopté par le Parlement européen couvre l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement : producteurs, transporteurs, distributeurs et transformateurs. Les grands opérateurs devront désormais obtenir une certification indépendante attestant de leurs bonnes pratiques de prévention et publier chaque année un rapport détaillant les pertes de pellets constatées. Des mesures techniques devront être mises en oeuvre sur les sites industriels : systèmes de confinement, nettoyage spécifique des zones à risque, procédures de contrôle à chaque transfert de granulés. La Commission table sur une réduction des pertes de 54 % à 74 % d’ici 2030 si ces règles sont appliquées correctement.
Pour la première fois, le transport maritime est également concerné. Les navires transportant des pellets devront suivre un protocole strict afin de limiter les déversements accidentels. L’exemple du naufrage du MSC Elsa 3, survenu au large du Kerala en Inde, a fortement marqué les esprits : 71.500 sacs de pellets avaient alors été libérés dans l’océan, et à peine 8.000 récupérés plusieurs mois plus tard. En Europe, des incidents similaires avaient déjà été recensés dans le Golfe de Gascogne et en mer du Nord, mettant en lumière la vulnérabilité de la filière logistique.
Les associations regrettent les exemptions accordées aux petite entreprises
Les ONG environnementales saluent un tournant mais appellent à la vigilance. Plusieurs associations, dont Surfrider Foundation Europe et EIA, regrettent que certaines exemptions soient accordées aux petites et moyennes entreprises, dont la responsabilité pourrait être minorée. Elles soulignent aussi la nécessité d’un contrôle réel sur le terrain : sans inspection régulière, les obligations de certification risquent de rester symboliques. La Commission mise sur la coopération entre les États membres pour assurer l’application uniforme du règlement, avec des sanctions financières en cas de manquement grave.
L’enjeu dépasse largement le seul cadre industriel. Les pellets se situent à l’origine même de la chaîne plastique, et toute perte à ce stade se traduit par une pollution durable et diffuse. Ces microbilles ne se dégradent pas : elles fragmentent encore davantage la masse de plastique déjà présente dans les océans et aggravent la contamination des écosystèmes marins. Pour l’eurodéputée suédoise Jytte Guteland, citée par Phys.org, « chaque pellet perdu est une défaite pour la biodiversité ». Elle estime toutefois que « l’Union européenne peut désormais devenir un modèle mondial » si ce texte est appliqué avec rigueur.
Pellets : il s’agit d’une première législation de ce type dans le monde
En adoptant ce règlement, le Parlement européen répond à une attente croissante des citoyens et des scientifiques. Il s’agit de la première législation au monde spécifiquement consacrée à la prévention des pertes de granulés plastiques. Elle s’inscrit dans la stratégie plus large de l’Union contre la pollution plastique, déjà matérialisée par l’interdiction de certains plastiques à usage unique et la limitation des microplastiques ajoutés intentionnellement dans les produits cosmétiques. L’objectif affiché par Bruxelles est de réduire de 30 % les rejets de microplastiques d’ici 2030, un jalon ambitieux mais cohérent avec le Pacte vert européen.
Reste à voir comment cette nouvelle norme sera intégrée dans les pratiques industrielles. Le défi est technique, économique et logistique : chaque étape de la production et du transport devra être repensée. Mais l’enjeu, lui, ne souffre plus d’ambiguïté : les pertes annuelles de pellets équivalent à la pollution générée par plus de 300 millions de bouteilles plastiques. À cette échelle, toute amélioration du contrôle et de la prévention pourrait avoir un effet immédiat sur la réduction de la pollution plastique dans les mers européennes.
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