Le démarchage sans consentement est (enfin) interdit… mais pas tout de suite

La ligne semble coupée, mais elle sonne toujours. Si la loi est prête, pourquoi continue-t-on à nous harceler au téléphone ? La réponse, bien que technique, en dit long sur l’état de notre lutte contre le marketing intrusif.

Rédigé par , le 11 Jul 2025, à 10 h 45 min
Le démarchage sans consentement est (enfin) interdit… mais pas tout de suite
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Le 30 juin 2025, la loi n° 2025-594 a été promulguée : elle interdit enfin, dans tous les secteurs, le démarchage téléphonique sans consentement préalable. Un soulagement ? Pas si vite. Car cette interdiction, pourtant historique, ne sera effective… qu’à compter du 11 août 2026. Pourquoi un tel décalage entre la décision politique et sa mise en oeuvre ? Et que cache ce long sursis accordé aux centres d’appels ? Une plongée dans un système d’exception à la française.

Le démarchage téléphonique généralisé : une pratique bientôt illégale

En théorie, tout appel non sollicité est voué à disparaître. Mais pour cela, il faudra attendre l’expiration du contrat public liant l’État au service Bloctel, plateforme d’opposition au démarchage gérée par Opposetel depuis 2016. Le site survivra jusqu’au 11 août 2026, fin de sa concession. En attendant, c’est ce système opt-out (où le consommateur doit lui-même exprimer son refus) qui continue de prévaloir. Or, le texte législatif voté en juin 2025 établit un principe inverse : opt-in. Autrement dit, le consentement préalable devient obligatoire avant tout appel. Une inversion du paradigme.

Dans le détail, l’article 13 de la loi stipule que le démarchage ne sera autorisé que « si la personne a donné son accord de manière libre, spécifique, éclairée et univoque, par un acte positif clair ». Et ce pour tous les canaux : téléphone, SMS, e-mails, réseaux sociaux. Mais alors, pourquoi attendre plus d’un an pour appliquer ce nouveau régime ? Pourquoi ce délai dans l’application d’une mesure si attendue par les consommateurs ?

Une transition dictée par la fin de Bloctel : logique administrative ou inertie ?

Le motif invoqué est administratif : respecter le contrat actuel du service Bloctel. Une logique de précaution juridique, certes. Mais elle soulève une question évidente : fallait-il vraiment caler l’entrée en vigueur de la loi sur l’échéance d’un prestataire, alors même que le Parlement a tranché ? Pendant ce sursis, seuls deux secteurs — la rénovation énergétique et l’adaptation des logements au vieillissement — sont déjà soumis à l’obligation de consentement. Pour les autres, le secteur du démarchage téléphonique continue comme si de rien n’était, malgré le coup de semonce législatif. Ce flottement arrange un certain monde économique, notamment celui des plateformes d’appel situées à l’étranger.

Car si les consommateurs se félicitent de cette avancée, les professionnels s’inquiètent. En France, le secteur du démarchage emploie 55.000 personnes, dont 8.500 pourraient perdre leur emploi.

Le consentement préalable : solution miracle ou leurre réglementaire ?

La promesse d’un consentement préalable généralisé suffit-elle à rassurer les Français ? Rien n’est moins sûr. L’UFC-Que Choisir, à l’origine de nombreuses campagnes contre le démarchage abusif, estime que la victoire est encore lointaine. Elle rappelle qu’il ne suffira pas d’un cadre légal pour faire disparaître les pratiques illégales. Des sanctions devront s’appliquer, fermement. Celles-ci sont prévues : jusqu’à 75.000 euros pour une personne physique, 375.000 euros pour une personne morale. Mais encore faudra-t-il les faire respecter.

Entre les dérogations implicites, les zones grises d’interprétation, les exceptions contractuelles, et la lenteur d’adaptation de certaines plateformes, le « plus d’appels non sollicités » risque bien d’être une promesse à durée indéterminée.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

2 commentaires Donnez votre avis
  1. C’est le foutoir en France, on est pas capable de faire appliquer les lois quand il s’agit du bien-étre de la population, ou pour apporter des choses positives, mais pour appliquer les hausses d’impot, d’électricité, essence, et denrées alimentaires, etc etc…. là c’est effet immédiat, la population est dégoutée et grace à nos dirigeants…..

  2. En attendant, depuis l’adoption de cette loi, je reçois 3 à 4 appel par jour (plus qu’avant) et par des numéros en France ou des portables, concernant la soi-disant « prime électricité de juillet ». Ras le bol.

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