TVA sur l’électricité : pourquoi la baisse à 5,5 % divise autant le gouvernement et les députés ?
Alors que les débats budgétaires s’enchaînent à l’Assemblée, un vote inattendu a relancé la bataille autour du prix de l’électricité, avec le rétablissement par les députés du taux de TVA réduit à 5,5%.

Cette décision a été adoptée malgré les avertissements du gouvernement et les interrogations sur la compatibilité européenne de cette mesure fiscale très symbolique.
Une TVA à 5,5 % sur l’électricité votée contre l’avis du gouvernement
Le 20 novembre 2025, l’Assemblée nationale a donc adopté en première lecture un amendement rétablissant la TVA à 5,5 % sur les abonnements d’électricité, malgré une opposition ferme de l’exécutif. Cette décision intervient alors que les tarifs réglementés doivent changer au 1er août 2025, avec un passage prévu du taux réduit à 20 % sur la part fixe, une modification qui s’inscrit dans une refonte plus large de la fiscalité de l’énergie. Les députés, eux, affirment que cette baisse de TVA permettrait de défendre le pouvoir d’achat, tandis que le gouvernement assure qu’elle expose la France à une sanction européenne et menace l’équilibre global des prélèvements.
Ce vote est intervenu lors d’une séance particulièrement tendue, puisque le gouvernement voyait dans cette mesure un risque financier majeur. Les parlementaires porteurs du texte, eux, ont insisté sur l’urgence sociale liée à l’électricité, estimant que ce taux réduit doit revenir pour protéger les ménages alors que la facture énergétique reste scrutée depuis des mois.
L’amendement a été défendu par le député communiste Emmanuel Maurel, qui s’appuie sur une lecture de la directive TVA. Dans l’exposé de son amendement il explique que « la séparation des taux de TVA pour l’abonnement et pour la consommation d’électricité ne produit en l’espèce aucune distorsion de concurrence ». Cette affirmation, régulièrement invoquée, vise à démontrer que le retour à 5,5 % reste cohérent avec le droit européen. Dans le même temps, l’exécutif martèle l’inverse et alerte sur une possible sanction communautaire, tout en affirmant que cette mesure coûterait jusqu’à plusieurs milliards d’euros au budget public, un argument que le gouvernement mobilise pour défendre son refus.
Ce que changerait vraiment la taxe : une TVA, une accise et un TURPE en mouvement
Derrière la controverse, la mécanique administrative de la fiscalité de l’électricité montre que la TVA n’est qu’une pièce d’un ensemble plus vaste. La CRE indique qu’au 1er août 2025, la TVA sur l’abonnement doit passer de 5,5 % à 20 %, tandis que d’autres taxes doivent être revues à la baisse. L’accise sur l’électricité doit ainsi reculer de 33,70 euros/MWh à 29,98 euros/MWh, selon la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 19 juin 2025, une donnée chiffrée qui permet de comprendre l’équilibre global recherché. En parallèle, le TURPE doit partir à la baisse d’environ 2,5 %. Avec ces mouvements simultanés, la part consommation d’électricité serait allégée tandis que la part fixe augmenterait, créant un effet différencié selon les profils d’usagers.
Le régulateur souligne que ces ajustements doivent conduire à une baisse moyenne de 4 euros par an pour un consommateur à 4.400 kWh/an, avec une facture passant de 1.050 à 1.046 euros. Toujours selon la CRE, l’augmentation de l’abonnement liée à la TVA représenterait environ 23 euros/an supplémentaires, compensée par une baisse d’environ 27 euros/an sur la consommation. Ainsi, pour la majorité des ménages, l’impact global serait légèrement négatif, ce qui permet au gouvernement d’affirmer que sa réforme ne renchérit pas l’électricité. En revanche, pour les députés qui défendent le taux réduit à 5,5 %, ces chiffres ne reflètent pas la réalité vécue par les ménages pour lesquels toute hausse de la part fixe constitue une charge immédiate. Ils estiment qu’une TVA allégée permettrait d’offrir un soutien direct, surtout pendant l’hiver où l’électricité reste un poste crucial.
TVA sur l’électricité : ce que dit le droit européen
Au-delà du débat politique national, la question centrale reste celle de la compatibilité avec le droit européen de cette TVA différenciée. Le gouvernement soutient que le droit de l’Union n’autorise pas des taux différents sur un même service d’électricité, un argument qu’il associe au risque d’une procédure d’infraction. Les députés estiment que cette divergence pourrait coûter au moins 900 millions d’euros et peut-être jusqu’à 5 milliards euros si Bruxelles exigeait une harmonisation rétroactive, un chiffre avancé pour illustrer l’ampleur potentielle de l’impact.
Pourtant, d’après la Représentation en France de la Commission européenne, la directive TVA 2006/112/CE offre aux États membres la possibilité d’appliquer des taux réduits sur la fourniture d’électricité, à condition de respecter deux principes : l’absence de distorsion de concurrence et la cohérence de la taxe avec les règles communes. Emmanuel Maurel reprend cet argument avec force, affirmant que « rien dans le texte de la directive européenne … ne corrobore cette thèse ». Selon cette lecture, le différentiel entre taux sur l’abonnement et taux sur la consommation reste possible si la structure tarifaire ne crée pas d’avantage concurrentiel entre acteurs ou pays.
Le débat n’est donc pas qu’une question fiscale : il touche à la définition même du service d’électricité. Le gouvernement considère qu’il s’agit d’un service unique, pour lequel un taux unique doit s’appliquer, afin de ne pas fausser le marché intérieur. Les députés favorables au taux réduit soutiennent qu’abonnement et consommation relèvent de prestations distinctes, puisqu’elles correspondent à des composantes différentes du contrat. Cette divergence d’interprétation nourrit les tensions, d’autant que les positions européennes ne sont pas uniformes et que chaque État applique sa propre architecture fiscale tant qu’elle reste compatible avec la directive.
Abonnez-vous à consoGlobe sur Google News pour ne manquer aucune info !
A lire absolument




























